Il avait marché quatre jours dans RangeHarbor…ne sachant pas vraiment où il se trouvait…. Sachant simplement qui il cherchait.
Quête.
Il ne se rappelait plus exactement combien de personnes il avait abattu sur son passage…de toute façon ça ne changeait pas grand-chose un cadavre de plus ou de moins dans cette poubelle géante….
Ville.
Tout était coloré et vivant autour de lui. Ce devait être le quartier commerçant. Etres humains obsolètes grouillant autour de lui.
Bruit.
Et enfin il l’avait entendu. Cette voix, cette personne. Il savait où le trouver… la Citadelle.
L’homme. Le magicien se déplaça rapidement et se pendit au cou du médecin qui se raidit instantanément à son contact. L’homme lui semblait beaucoup plus vieux que dans son souvenir et le regardait étrangement. Ses yeux noirs s’arrêtèrent un instant sur les taches écarlates qui maculaient les vêtements de son ancien cobaye, puis il saisit ses maigres poignets pour le détacher de lui.
« CK… »
« Arrête avec ce numéro…Tu sais que les gens ne m’appelaient que comme ça là-bas…Ci44 ou 12Ba260…haha…je sais plus en fait j’en ai beaucoup »
Il se tut un instant, laissant son poids aller en arrière, retenu par les bras puissants du vieil homme. Puis se redressa en tentant derechef de s’accrocher au cyberpolitain qui le bloqua.
« Alecsei, ne me touche pas. Tes mains… » Le docteur regarda les paumes noircies et ensanglantées avec dégoût « …absolument répugnantes. »
« Ouais je me suis pas trop lavé là depuis euh… »
« Longtemps en effet. »
Zaihan le lâcha et il se laissa tomber assis au milieu du couloir, ses avant-bras crasseux d’une maigreur somme toute assez épouvantable en appui sur ses genoux. Il leva ses yeux verts sur le grand homme.
" Va te laver" ordonna-t-il d'un ton sec avant d’ajouter : "Je vais faire des steaks et des frites..."
"Viande rouge???"
"Ben oui... tu crois que je mange du poisson et du riz ? J'ai beau être médecin, les fruits et légumes j'en ai rien à foutre... Même si ça aurait pas mal arrangé mon état..."
Médecin, parfaitement au courant des risques, hypocondriaque, et avec une hygiène de vie plutôt lamentable au niveau alimentaire...
Psychiatre aussi... Mais ô combien conscient de ses plus profondes tares...
Il vit, et c'est ce qui lui importe.
Il entendait maintenant l'eau couler. Il se demanda si Alec savait encore prendre une douche correctement, il lui faudrait sans doute appeler la femme de ménage en urgence après son passage vu son état... Il n'essayait même pas de penser à combien de temps le jeune garçon voulait squatter chez lui par peur de ne pas pouvoir faire venir qui que ce soit d'autre et devoir nettoyer lui même...
Zaihan connaissait Alec, toute personne était susceptible de se faire assassiner ou psychologiquement détruire... Toute personne…
Sauf lui.
Alec sortit de la salle de bain, accompagné d’un nuage de vapeur qui sentait une sorte de mélange abscons de tous les produits qui se trouvaient dans la salle d’eau. Le médecin grogna, ne jetant même pas un œil au carnage qui avait du être occasionné.
Le jeune homme s’arrêta sur le pas de la porte du salon et regarda ses mains osseuses dont il n’avait pas vu la teinte de carnation de base depuis qu’il avait « quitté » l’asile. Le vieux géant lui balança une chemise et un pantalon.
« La civilisation nous a offert la chance extraordinaire de porter des vêtements…profite ! »
Le blondinet passa à la va-vite les affaires, qui étaient 10 fois trop grandes pour lui, et vint s’asseoir sur un fauteuil.
« wuuuw… c’est beau ! Toi t’es pété de thune en fait. »
« Tu ne parle que le Triev je présume ? »
« Je commence à comprendre la langue d’ici…mais les gens à qui j’ai gentiment demandé n’étaient pas très neurologiquement résistants » Un large sourire effrayant s’étala sur son visage.
« C’est une sacré performance quand même, comment t’as fait pour sortir de Sverograd ? »
Le psychopathe s’immobilisa un instant, comme s’il était victime d’un improbable bug. Il se souvenait des voix dans sa tête qui lui disaient ce qu’il devait faire. Il se souvenait de cette fille habillée en rouge. Il se souvenait de cet homme qu’il avait égorgé le matin même et des souvenirs de ce docteur…Tania ?...à qui il avait volé les informations qui lui avait permis d’échapper à l’hôpital, détruisant au passage son esprit. Il se souvenait de Zaihan qui lui tournait le dos. Il ne voyait plus le salon cyberpolitain. Il faisait sombre autour de lui…
* * *
L’ours en peluche lui parla, de sa voix grave et posée, une traînée de sang frais dégoulinant de ses babines :
« Sacha*… Tu l’as enfin retrouvé…détruis-le ! »
« Néron lâche moi… »
« C’est de sa faute tout ce qu’il nous est arrivé… »
« Zazou est la seule personne qui pense comme nous. »
« Il pense surtout que nous lui seront bien utiles ! »
Merlin, un jeune homme aux airs de tafiole, dont les cheveux rose bonbon juraient affreusement avec la tenue vert pomme, sortit de derrière l'Ours et s'adressa à son tour au fou de sa voix nasillarde :
« Brûlons les tous *o* ! »
« Laissez moi tranquille bordel… »* * *
La vision se dissipa lentement. Ses oreilles bourdonnaient. Il cligna des paupières comme s’il sortait d’un mauvais rêve et riva ses yeux verts sur le psychiatre qui le regardait avec intérêt.
« Sverograd…. Je sais pas… »
* diminutif affectif d'Alexandre et Alecsei