Range Harbor en fin d’après-midi, le soleil couchant éclairant la ville d’une lueur orangée, et des flocons scintillants dégringolant du ciel pour fondre sous les roues des voitures. La classe…

Collé aux vitres de l’ae-tram, Jack regardait d’un air hébété les petites billes blanches tourbillonner dans les airs en mêlant dans leurs reflets les lumières du soleil, de la Citadelle et des réverbères de Technopolis. L’hiver est court à RH, enfin non, l’hiver est aussi long que l’été, mais il ne neige que pendant 3 petites semaines de janvier, et ces semaines sont les préférées de Jack. Il ne prend jamais de congé, mais s’il devait en pendre ce serait à ce moment-là, pour pouvoir se balader en ville et tourner la tête vers le bas en ce disant que le monde qui l’entoure est emprisonné dans une de ces petites boules en verre vendues dans les magasins de souvenir, retourné de temps en temps, et que c’est pour ça que les flocons tombent du ciel. Le problème c’est que quand il le fait il a tendance à se casser la gueule. Du coup, il ne prend pas de congés… Il aime aussi prendre l’ae-tram quand il neige, parce qu’il peut suivre les flocons depuis les nuages jusqu’au sol et les regarder fondre contre les vitres.

Ainsi, Jack était heureux, et un sourire béat s’affichait sur ses lèvres, comme pour annoncer au passant « désolé, mon cerveau a planté, mais je tente de le redémarrer aussitôt que possible pour répondre à votre demande ». A sa joie s’ajoutait de plus le contentement d’avoir une fois de plus fait preuve de sa rare sagacité dans une affaire de prostitution organisée par la mafia Septemtrionne ; il avait descendu deux maquereaux, et l’affaire était classée. Les victimes de cet odieux trafic (il n’avait pas la moindre idée de ce qu’était la prostitution, mais ça avait l’air sacrément mal) avait par la suite voulu le remercier en lui offrant leurs services à des prix tout ce qu’il y avait de plus modique, mais devant son incompréhension totale de ce que l’on attendait de lui, avaient fini par remettre leurs sous-vêtements, le laissant seul avec ses interrogations. Il se demandait maintenant si elles n’étaient pas des putes… En tout cas cette histoire l’avait mis de très bonne humeur.

Arrivé à Consortium, Jack commença par se dire qu’il pourrait rentrer en tram, mais son envie de regarder tomber les flocons fut la plus forte, et il décida de rentrer à pied… Au bout de trois heures, paumé et congelé, cherchant désespérément un peu de chaleur et quelqu’un qui pourrait lui indiquer la route, il poussa la porte d’un des rares bars encore ouvert à cette heure et s’assit au comptoir.

Il commanda aussitôt un verre au patron, mais la situation se compliqua quand le barman voulu savoir ce qu’il était sensé mettre dans le verre : Jack ne savait pas quoi dire, le barman sortait ses alcools en les présentant, Jack hésitait, désignait des bouteilles au hasard, le barman demanda si il était sûr de vouloir un cocktail pareil, Jack s’énerva et tira sur une flasque de whisky, le barman décida prudemment de lui servir ce qu’il avait commandé. C’est-à-dire n’importe quoi : un mélange approximatif et hétérogène d’alcools et de soda, vert et faisant des bulles, peut être toxique… En tout cas très efficace, puisque quoique tenant remarquablement bien l’alcool, Jack était bien éméché une minute plus tard.

Flottant dans une brume trouble, essayant d’attraper les flocons qu’il voyait tomber devant ses yeux, il assista impuissant à la chute de son verre sans faire le lien avec le fait qu’il l’avait lâché, entendit vaguement le patron l’engueuler, et finalement senti une main frôler la sienne. Ses réflexes d’agent reprirent le dessus, il se retourna d’un coup, bascula du tabouret, et finit par tomber à genoux sur le sol, sans mouiller son pantalon dans la flaque d’alcool ! La classe ! Il se releva difficilement en prenant appui sur le tabouret, et relevant la tête tomba nez à nez avec… deux énorme seins. Poliment, il se présenta, mais alors qu’il allait leur serrer la main, une voix lui répondit :

« Moi c’est Jessie, je t’offre un verre ?

- Un verre ? Pourquoi faire ? Demanda-t-il en se redressant pour faire face à se nouvelle interlocutrice.

- Ben pour boire ! Tu prends quoi, vodka, whisky, bière ?

- Ouais, vas y, sers moi ça, ça a pas l’air mauvais !

- T’es rigolo toi, dit elle en pouffant d’un petit rire, bon je commande deux bières.


2 heures plus tard (aux environs de 1h00 du matin), Jack et Jessie sortirent enfin du bar, après plein de bières, et encore plus de gloussement. Ayant digéré son premier cocktail, Jack avait repris sa classe habituelle, tandis que Jessie, elle, avait du mal à respirer entre deux éclats de son rire suraigu. Ils marchèrent quelque temps au hasard, puis Jack se souvint soudain que sa voiture était garée à deux pas, et il proposa gracieusement à la dame de la raccompagner chez lui, n'envisageant pas qu'elle puisse dormir ailleurs, puisque le lit était chez lui.

Les rues étaient heureusement désertes par cette nuit de janvier où la lune seule éclairait la chaussée, car cette lumière déjà limite lorsqu’il s’agissait de repérer les trottoirs ou même les murs, n’aurait clairement pas suffi à éviter une mémé au milieu de la route. Elle ne suffi d’ailleurs pas pour le pauvre chat qui traversa devant la voiture et se porta en l’occurrence plus malheur à lui-même qu’aux occupants de la voiture, qui furent néanmoins légèrement secoués, chose que tous les estomacs ne peuvent pas se permettre au-delà de 2 litres de bière. Jack n’envisageant pas que l’on vomisse dans sa voiture eut la délicatesse d’ouvrir la portière à Jessie, mais pas celle de s’arrêter, et Jessie rêvait donc plus d’une douche que d’un lit en arrivant chez lui.

« Je peux utiliser ta salle de bain ? _gloussement gêné_

- Mais bien sûr ! Comment veux-tu te laver sinon ?

- Tu as raison, je suis stupide, merci ! _gloussement reconnaissant_

- Je t’attend ici. »

Et il l’attendit effectivement, tandis qu’elle se lavait et se maquillait et s’apprêtait, jusqu’au moment où elle sorti nue de la douche, ses cheveux lâchés sur ses épaules, le regard aguicheur, et la bouche légèrement entrouverte. Il la prit par la main, traversa le salon, lui ouvrit la porte, révélant à la visiteuse un lit kingsize du genre de ceux des hôtels, et soulevant les draps d’une main ferme, l’invita à s’y glisser _gloussement coquin_. Enfin il la borda, et lui souhaita une bonne nuit en annonçant qu’il dormirait sur le canapé. Mais avant ça…

Retournant dans le salon en vitesse, il alluma la télé et glissa dans le magnétoscope une cassette intitulée « Cambriolage RH’s Bank », sa préférée… Le paquet de mouchoirs à portée de main, il se regarda amoureusement arrêter la bande de malfaiteurs et les livrer à Jackson, le tout filmé par les caméras d’archives…

On est décidément jamais mieux servi que par soi-même. _gloussement choqué en provenance de la chambre_