7h35« Où tu vas ? »
« Je travaille aujourd’hui… »
Lawrence ramassa son sac et passa ses chaussures, puis lassa autour de son cou le foulard rouge que lui avait donné sa mère quelques années auparavant. William était affalé par terre, une bouteille vide à la main, comme toujours.
« Met pas ce truc… c’est le symbole de « leur » parti… »
« Je suis pas communiste… »
« La cocarde du CPSP. »
« Jte dis que c’est pas ça ! Et puis reste pas là jpeux pas sortir ! »
« J’attends Judith… »
Lawrence soupira et passa la main dans ses cheveux, se demandant quelle réponse risquait le moins d’énerver son père.
« … Elle est morte hein… »
« … »
« Tu t’pousses ? »
« C’est forcément eux…tu sais qu’ils nous surveillent…je suis sûr qu’ils ont mis des micros dans la salle de bain ! »
« hum oui c’est ça t’as raison, c’est eux, d’ailleurs là jvais sortir pour voir s’ils sont pas derrière la porte okay ? »
William s’écarta légèrement, laissant passer l’adolescent qui, une fois sur le palier, s’empressa de dévaler les escaliers avant que l’humeur de son père ne change.
Sa mère était morte depuis plus d’un an, officiellement victime parmi d’autre de l’épidémie de pneumopathie qui avait ravagé les quartiers populaires de Range Harbor. Mais pour Law la maladie ne l’avait qu’achevée. C’était William qui l’avait tué, William et sa violence, William et son inconséquence.
***
***
11h40« Law ? »
« … »
« Wright! A quoi tu rêves encore ? »
« A rien… qu’est-ce tu veux ? »
Le contremaître déposa un assemblage de pièces devant le jeune garçon qui se remit sans enthousiasme au travail sous les regards goguenards de ses camarades.
« Alors JLaw <3 on rêve ? » questionna son voisin, un grand brun hirsute qui tenait plus de l’hybride que du mécano « on entends des voix comme son papa ? ».
« Ferme-la pauvre connard… »
« oh oh ! Tu sais que j’tai jamais entendu dire aut’ chose que des vulgarités ? »
« p’têtre que j’ai rien d’autre à t’dire c’est tout. »
«
Silence ! »
La journée s’écoulait, monotone, comme toujours. Entrecoupée de temps à autre par une moquerie de son voisin ou un ordre du contremaître, comme toujours. Puis la sonnerie du quart qui annonçait la fin de journée et l’arrivé des ouvriers du FactoryPark.
***
19h45La jeune femme blonde traversa la pièce et rejoint l’un des travailleurs à la chaîne du fond du bâtiment, elle esquissa un sourire à l’adresse de Lawrence puis s’en alla au bras de l’ouvrier.
Yorick enfonça son chapeau sur son épaisse et rebelle chevelure rousse et balança une grande tape dans le dos de Lawrence :
« He ben camarade ! C’est Angelica que tu regardes ? »
« Je t’ai sonné ? »
« Ha ha… j’étais sûr que ton truc c’était les blondes… tu viens à la manif demain ? »
« Demain c’est travail… »
« Pas pour les camarades ! »
« Lâche-moi Yorick par pitié… »
Esquivant le rouquin surexcité, qui tentait maintenant de le convaincre d’arborer un drapeau « du parti » à la fenêtre de son appartement, il se faufila dans la ruelle et se perdit dans la foule hétéroclite des Docks.
***
20h00Un groupe de badauds s’entassait dans la ruelle, devant la porte de leur immeuble, faisant cercle autour d’un homme qui gesticulait dans le vide.
« Ho non… non pas ça ! » grogna Lawrence en repoussant des coudes les curieux agglutinés.
William s’agitait, prêchant les passants, parlant en thikvine dans le vide, plongé une nouvelle fois dans son délire. Une petite troupe de marins Néothulians s’esclaffait en se poussant du coude, ravis du spectacle étrange et inattendu que fournissait l’homme.
« Hey l’Oracle ! C’est pour quand la fin du monde déjà ? »
« 652 disparus à LinsordCity, 245à Wild’O… Je suis ravi de vous voir enfin mon général, mon livre est fini, je pense que l’idéal serait de l’imprimer avant qu’ « ils » ne soient au courrant… »
« Wohooo… rien que ça ? »Une nouvelle série de rires gras, qui blessaient autant Lawrence qu’ils n’atteignaient William.
« C’est moi qui ai tué Neil Corberyan !... 321 à NewBerry, 245 à Wild’O…Non…non je vous en supplie ! Rendez-le moi ! Vous n’avez pas le droit ! »
« Hey calme-toi mon vieux… t’es complètement cinglé ! » L’un des marins, ravalant difficilement son hilarité, posa une main apaisante sur l’épaule de William, qui se laissa brusquement tomber à genoux, amorphe.
« LE TOUCHE PAS ! » Rugi Lawrence en s’extrayant de la masse grouillant puis en s’interposant entre le mercenaire et son père.
« C’est bon, gamin… »
« Cassez-vous, putain… allez vous marrer ailleurs tas d’merdes ! »
« Reste correc’ le minot ! »
« Parce que toi t’es correct !? t’as pas autre chose à fout’ que t’moquer des gens connard ? »
« Tu… »
« Laisse tomber Mike…Tu veux de l’aide gamin ? Je veux dire…pour l’emmener quelque part… »
« Non… cassez-vous bordel…c’est tout. » Lawrence s'accroupi à côté de son père, saisissant à deux mains son visage pour le forcer à le regarder.
« ‘Pa…c’est bon, y’a rien hein… y’a personne…ça va aller. »
« Joan… ils sont venus, ils ont pris mon livre ! »
« Ouais je sais…mais ça fait longtemps ça, c’est fini maintenant okay! On va rentrer d’ac ?»« Ils ont pris mon fils…c’est moi qui les ai tué. Tous....il faut que je parle à Kim...245 à Wild'O...»[Italique en Thikvine dans le texte]