Suite de
iciIl s’effondre dans le fauteuil, les bras abandonnés sur les accoudoirs et le regard dans le vide. Le silence de la pièce est troublé par le léger ronronnement de l’ordinateur en veille. Le bout incandescent de sa cigarette, oubliée dans sa main gauche, rougeoie dans la lourde pénombre qui l’entour.
La cendre tombe sur le parquet.
La porte automatique s’ouvre dans un chuintement. Il ne lève pas la tête, l’intrus de l’intéresse pas. Il continue de fixer le vide, plus lumineux mais toujours aussi vague qu’auparavant.
« Seth ? »
Daniel.
Bien sûr, Daniel. Le jeune homme allume le plafonnier et entre dans la salle, s’approche de lui et prend son poignet pour vérifier le pouls. Mais il n’est pas encore mort, non, pas encore. Il se dégage d’un mouvement brusque et fixe l’intrus qui ne se démonte pas et questionne :
« Tu sens encore l’alcool…tu as beaucoup bu ?
- A ton avis ? » réplique-t-il d’une voix pâteuse.
Daniel soupire et se lève pour ouvrir la fenêtre. Il regarde le blond s’agiter et porte ce qui reste de sa cigarette à ses lèvres. Il se fiche de ce que peuvent penser les autres de lui, d’ailleurs ils n’en pensent plus rien du tout. Et si le rien se pense en mathématique, il s’ignore dans leur système. C’est ça, qu’on l’ignore, qu’on le laisse dans son coin.
« T’as vraiment déconné hier. Vassili est remonté, il a littéralement pété un câble sur cette histoire de Corbeau, il a descendu un gars de l’inf en pleine réunion ce matin… »
Il ne se souvient pas. Il ne se rappelle que de l’alcool, l’alcool et l’arme. La roulette russe puis Calypso. La couleur des vêtements de Calypso, la marque du paquet de cigarette qui était dans la poubelle dans laquelle il avait ramassé le flingue. Et des détails, encore des détails…Mais pas l’essentiel. Alors il écoute, Daniel qui fait son sermon, Daniel qui fait la liste de ses erreurs, encore.
« Pourquoi t’as buté ce gars? Tu sais bien qu’avec les Dystrisians c’est toujours merdique…Et puis t’as toujours les flics au cul depuis l’autre soir. Vassili a passé la matinée à ramasser les pots cassés.
- Qu’est-ce que tu veux que j’y fasse… hein !?
- Ben par exemple ne plus oublier ton téléphone dans la voiture…
- Ça vous a pas tellement inquiété je crois.
- Non, ça nous a juste emmerdé, Seth. »
Daniel s’empare d’un dossier sur la table, jette un coup d’œil alentour et soupire à la vue de la bouteille vide et des emballages médicamenteux couvrant le sol.
« On a retrouvé le Corbeau. Phaera Xarran…
- Hun hun… La pute. » Le nom de la jeune femme flotte un instant dans son esprit. Les enveloppes, le parfum, Ambre. Il ne parvient à se mettre en colère. Ça ne changera rien. Il hausse mollement les épaules et un large sourire vide de sens s’étale sur son visage.
« Vassili s’en occupe. Il t’interdit de bouger. Il passera te voir dans la nuit, en attendant Vlad t’a envoyé un certains nombres de dossiers délicats qu’il faut que tu regardes.
- Qu’il faut que JE regarde ? Depuis quand c’est toi qui fais mon programme hein ‘ Dany’ ?
- Je ne fais pas ton programme…
- Non, tu le supervises juste…Connard.
- T’es complètement bourré…Il faut que tu te reposes. »
Il se laisse de nouveau glisser dans le fauteuil, cherche son briquet et allume négligemment une autre cigarette sous l’œil désapprobateur du jeune homme. Une quinte de toux le force à quitter des yeux Daniel, il se plie en deux et reprend sa respiration, lentement. Puis rive la cigarette au coin de ses lèvres, redresse la tête et lui jette en ricanant :
« Ben t’attends quoi pour te casser ? J’ai du ‘travail’ t’as déjà oublié ? Tire toi ! »
La porte se referme violemment.
De nouveau la lueur de la cigarette dans le noir.