Je me levais le lendemain, excitée comme je ne l’avais jamais été à l’idée de revoir ma mère, au premier rayon du soleil qui traversa ma vitre. Je ne peux pas bouger mon corps en dessous des cervicales, mais je pouvais sentir la chaleur solaire qui réchauffait mes membres perpétuellement engourdis.
En me téléportant dans mon fauteuil (le trajet lit-fauteuil ne nécessitant pas le transport dudit fauteuil, je l’accomplis sans problème), je me retrouvais en face de la vitre et par là même en face du lever de soleil sur la mer, spectacle magnifique qui améliora encore mon humeur tandis qu’un nouveau délire imaginatif s’échappait de mon esprit dans les environs. Je roulais jusqu’à la cuisine pour y avaler une tartine de pain noir trempée dans du lait de chèvre, mon déjeuner habituel mais qui ce matin ne semblait pas si mauvais. Enfin prête, je me préparais à descendre dans la rue pour rejoindre Consortium et la station de départ de l’ae-tram pour la Citadelle quand je me rendis compte que nous étions en été et que par conséquent le soleil se levait à 5h00 du matin…
Pour patienter, je décidais de peindre la vision que j’avais eu hier, à la fois belle et terrible, de la supposée mort de ma mère. Le dessin était prêt deux heures plus tard, lorsque je me mis en route en laissant l’œuvre derrière moi pour retrouver la vérité, prévoyant de revenir la terminer dès que possible.
Les rues de la Lisière étaient déjà bien fréquentées à cette heure matinale, je peinais à trouver une place suffisante pour avancer avec mon fauteuil encombrant et si peu maniable. Il m’était impossible d’aller aussi vite que je l’aurais voulu, et je sentais l’impatience m’envahir, suivie de peu par la colère. Des images funestes se formaient dans mon esprit, que je tentais de retenir pour ne pas terroriser les passants, mais en vain. Ils fuirent. Du moins ceux qui en étaient encore capables, la plupart étant à genoux, se tenant la tête entre les mains. Pour voir les choses du bon côté : la circulation était désormais beaucoup plus fluide... Si bien que j’arrivais à Consortium aux alentours de onze heures, après une longue traversée des quartiers populaires mages et alchimistes ponctuée d’incidents plus ou moins violents tendant à accréditer la thèse de ma dangerosité.