Halluciné et amusé à la fois, Misha couvrait de son regard la vue imprenable qu’ils avaient depuis le clocher. Certes, c’était un endroit surprenant dans lequel le livreur les avait mené, mais franchement il voulait bien lui pardonner si seulement il n’avait pas entendu ces mots cupides sortir de sa bouche.
« J’ai une autre proposition en ce qui concerne la rémunération : ce sera 2000 chacun, sinon je vous plante là et il ne vous restera plus qu’à… » Hivrenuit avait perdu patience et commencé à le menacer avec une arme sortie d’on ne sait où. Misha l’écoutait tout en détaillant les sculptures de chérubins légèrement encrassées par la pollution ambiante et qui étaient plus bas. Il tiqua quand il saisit à peu près tout le sens qu’impliquaient certains mots menaçants de son compagnon. Tel un écureuil et sans crainte du vide, il virevolta vers eux, les bras en croix, puis il s’agrippa à son tour au coursier qui commençait sérieusement à craindre pour sa vie. Cependant Misha fixa son regard clair sur Hivrenuit au lieu d’enchaîner à sa suite.
− Attends, c’est moi l’abruti ?
L’alchimiste ne cilla même pas. Misha continua à le fixer, très sérieux, puis tout à coup un grand sourire apparut sur ses lèvres et il se mit à rire sous le regard ahuri du coursier.
− C’est vrai, j’aurais pas fait mieux que lui !
Puis il se pencha vers lui et lui chuchota quelque chose comme si le livreur n’était pas là.
− Et c’est moi ton remplaçant hein ? Là, je t’assure, ça me fait très plaisir.
Il se redressa et entoura les épaules du coursier d’un bras presque protecteur, s’intéressant enfin à lui.
− Alors comme ça tu voulais nous doubler ? J’appuie mon collègue, ta stratégie n’est pas des plus perspicaces.
Son index s’enfonça dans son torse, lui tirant une grimace.
− Voilà ce qu’on va faire mon gars. Tu vas gentiment nous téléporter un peu plus bas, sur le plancher des vaches quoi, sinon tu iras faire un vol plané et dire bonjour aux anges au passage.
− Rien que ça, railla Hivrenuit.
− Tututut, pas d’arme à feu, sinon c’est pas marrant, répliqua Misha en bougeant son doigt dans sa direction. Donc, mon très cher ami, que décides-tu ? reprit-il à l’adresse du coursier.
− D’a… D’accord ! concéda finalement l’homme, presque tremblant face au sourire de Misha. Je vous descends au pied de la cathédrale, mais je n’irai pas plus loin !
− Cela me semble raisonnable, sourit un peu plus Misha.
− Tu es bien sage pour une fois, s’étonna son compagnon.
− Voyons, je ne suis pas une peste… Juste un beau salaud.
Hivrenuit accorda cette remarque d’un hochement de tête et ils se mirent en position, tenant chacun un bras du coursier. Ils disparurent en un clin d’œil et se retrouvèrent au pied du bâtiment comme promis. Mais alors qu’ils se détendaient légèrement après cette virée dans les cieux, le coursier en profita pour tenter de leur échapper car ils avaient adouci leur prise sur lui. Tandis que Hivrenuit reprenait son arme en main et ce malgré les badauds, Misha fut plus réactif et parvint à saisir le coursier alors qu’il se téléportait une ultime fois.
Ils apparurent dans une ruelle sombre, secoués tous les deux par cette brusque téléportation. Le coursier avait vidé ses batteries après tous ces déplacements dans l’espace, il se retrouvait donc malheureusement seul avec un Misha cette fois-ci peu amusé par la situation. Le blond le prit brusquement par le col de son haut d’uniforme et le plaqua tout aussi violemment contre le mur en briques rouges à côté de poubelles nauséabondes.
− Sale fils de chienne ! lui hurla-t-il au visage. Ramènes-moi là-bas,
ramènes-moi là-bas !!
− Je ne peux pas ! geignit le coursier en pleurs à cause de la fatigue et de la peur. Je n’ai plus de jus !
− Si ce n’est que ça alors on va te trouver de quoi te recharger et fissa !
− Ce n’est pas comme ça que ça marche !
N’y tenant plus, Misha lui envoya son poing dans la figure et sentit ses dents craquer sous son coup. Le coursier s’étala près des poubelles, une main sur sa mâchoire ensanglantée. Pris dans une spirale soudaine de violence, l’ex-pirate se mit à le ruer de coups de pied dans le ventre. Il ne se calma seulement que quand il comprit qu’il n’arriverait à rien de cette manière. Il respira profondément et jeta un regard noir sur le coursier désormais prostré.
− Tu vas m’indiquer où se trouve ta société de livraison, lui dit-il avec un calme effrayant. Tu vas le faire vite ou sinon je te fais bouffer le contenu de cette poubelle.
− Ch’ai un plan fur moi, répondit le coursier en lui remettant un petit bout de papier. F’est censé être une carte de vifite mais notre logo f’est le plan du quartier.
Misha le lui prit sans douceur des mains et retourna le papier en tout sens comme pour s’assurer qu’il s’agissait bien de ce qu’il avançait.
− Parfait. Si tu dis quoi que ce soit à qui que ce soit, je te retrouve et je termine le boulot, est-ce clair ?
− Foui…
− À la revoyure !
Et Misha disparut dans la lumière d’une rue plus fréquentée.