La nuit était sombre mais le ciel était dégagé. Isabelle scrutait les étoiles. La constellation du Griffon formait un angle inhabituel avec celle des Anges...

« Peut-être l'une de ces 'distorsions spatiales' que les cyberpolitains mesurent avec leurs instruments ? » suggéra Halil.

Elle secoua la tête.

« …J'ai peur que cela annonce quelque chose de plus grave. »


Quelques heures plus tard, au petit matin, ils étaient dans la maison d'un ami, un homme proche du Consulat.
Dans un coin de la pièce, Nadji était endormi sur un divan couleur saumon. Il était resté éveillé aussi longtemps qu'il avait pu, faisant semblant de dormir pour écouter les discussions inquiétantes des adultes – mais le sommeil avait fini par l'emporter réellement.

« Personne ne sait comment arrêter la fièvre » disait le Marquis de Sillery.

C'était un homme qui devenait âgé. Ses cheveux blanc platine n’étaient plus blonds que dans son collier de barbe. Il était digne encore, mais avait préféré se retirer dans son petit salon avec ses trois 'invités' qui ressemblaient de plus en plus à des réfugiés. Dans le reste de sa maison, c'était sous les ordres de son fils, Grégoire, que les serviteurs s'activaient pour organiser ce qui s'annonçait déjà comme un siège contre la maladie. Chaque personne qui entrait dans la propriété – souvent des membres de la famille du personnel, qu'ils faisaient mettre à l'abri chez leurs maîtres – était soigneusement examinée par un médecin. Bientôt, l'entrée serait interdite à quiconque.


À sept heures du matin environ, alors que le soleil se levait, le fils Sillery déboula dans le petit salon où le sommeil avait embrumé les esprits. À son arrivée, son père, Halil et Isabelle se levèrent.

« Des nouvelles ? »

« Les De l'Hesperanz sont devant la maison, dit Grégoire. Leur propriété est à la limite de la Spiazza, et ils ont été durement touchés par la maladie. Ils demandent le refuge. Et puis... Beaucoup de leurs gens sont morts… tués. Leur messager dit que les malades, après avoir semblé mourir, sont devenus des bêtes furieuses, que la fièvre atteint le cerveau et les transforme en monstres. »

Le Marquis eut une expression marquée par l'horreur et l'incompréhension.

« Contrôlez leur santé attentivement, puis faites-les entrer ! » ordonna-t-il, inquiet.

Puis il sortit de la pièce à la suite de son fils pour accueillir les nouveaux réfugiés.
Halil et Isabelle restèrent seuls, avec Nadji qui dormait toujours.

« Une fièvre qui semble tuer, puis qui transforme les morts en monstres... » dit Halil sans y croire.

Isabelle le fixa dans les yeux.

« Toi aussi tu crois que ce sont les morts qui reviennent ? demanda-t-elle. Comme dans les textes de l'Apocalypse dans l'ancienne Extonexus... les Psaumes du Nécromancien ? »

Il détourna le regard...

À cet instant, la porte s'ouvrit pour laisser entrer les nouveaux arrivants. Isabelle reconnut aussitôt l’orgueilleuse Mlle de l’Hesperanz… qui semblait cependant avoir perdu de sa superbe dans la bataille.

La douce chaleur de la maison apaisa quelque peu les trois réfugiés lorsqu'on les fit rentrer. Julius, Greta et Tiburce étaient blottis les uns contre les autres. La jeune femme avait les cheveux en bataille, sa robe avait été salie dans leur fuite et elle n'avait pas de maquillage.

"Merci de tout cœur, monsieur de Sillery. Merci.
- C'est normal, voyons. Vous connaissez déjà mon fils je crois, voici Halil Hadi, Isabelle Svensson et leur fils Nadji."

Greta salua le philosophe et la belle institutrice en souriant faiblement.

"Enchantée. J'avais entendu parler de vous mais n'avais pas eu l'honneur de vous rencontrer. J'aurais préféré que les circonstances soient..."

Elle n'acheva pas sa phrase et poussa un soupir de fatigue.

"Je vous présente Julius, mon ami et maître d'armes et Tiburce, mon valet."

Puis chacun mit fin aux bavardages et s'assit. Greta et Julius écoutèrent les histoires respectives de chacun puis donnèrent leur version des faits.

"Hier soir, plusieurs de nos gens sont tombés malades. Les symptômes étaient cependant habituels, vomissement, maux de tête et de ventre... Pardonnez les détails... puis ils se sont mis à maigrir brusquement - nous sommes allés les voir une fois, dans ces conditions nous ne pouvions égoïstement nous confiner dans nos appartements."

Greta ferma les yeux et posa une main sur sa bouche. Son teint était encore plus pâle que d'ordinaire. La veine de sa tempe battait nerveusement. Julius entoura ses épaules d'un bras et continua.

"C'était comme... si un mal mangeait leur énergie de l'intérieur. Puis ils sont morts. Monsieur de l'Hesperanz nous conseilla de ne pas toucher les corps, et nous les avons donc laissés sans nous en approcher. Nous avons épluché tous les livres que nous avions mais ce n'est pas le domaine de monsieur de l'Hesperanz alors il a décidé de se rendre au Consulat. Nous n'avons pas réussi à l'en dissuader. Mais quelques heures plus tard, un bruit est parvenu de l'office. Les..."

Julius jeta un coup d'oeil à Tiburce, debout derrière eux. Son visage était fermé, sa tête baissée. Ce garçon avait vu sa mère mourir et se relever mais semblait impassible, comme si seul son corps était là.

"Les gens de la maison marchaient, les yeux vides, les bras ballants... dans l'état où on les avait laissés. Greta et moi avons paniqué. Je suis monté dans la salle d'armes m'équiper mais je n'ai pas eu le temps de réfléchir et n'ai eu le temps de m'emparer que de ce pistolet... Vide à présent.
Nous nous sommes enfuis en emmenant Tiburce avec nous. D'ailleurs... y aurait-il moyen de le confier à vos serviteurs ? Ce petit est très choqué..."

Le jeune garçon fut envoyé à l'office pour que les autres valets et femmes de chambres s'occupent de lui. Depuis quelques minutes, des larmes coulaient le long des joues de Greta. Elle articula sa phrase d'une voix tremblante :

"Mon père... a du être touché aussi. Il est âgé, il n'aurait pas pu se défendre ni courir. Qu'est ce que sont ces créatures ? Les jouets d'une puissance inconnue ? Ces... ces corps ne peuvent revenir à la vie, c'est scientifiquement impossible qu'ils puissent se déplacer quelque soit l'état de décomposition... Les mages doivent savoir, eux... Avez-vous des pistes ?"

Elle leva les yeux et regarda tour à tour monsieur de Sillery, Grégoire, Halil et Isabelle, puis son regard se posa sur Nadji toujours endormi et un petit sourire attendri se dessina au coins des lèvres.
Tous étaient en situation précaire, la mort et quelque chose de terrible et inconnu régnaient dehors. Ce petit garçon semblait si apaisé dans son sommeil, si vivant que le simple fait de le regarder lui fit oublier l'horreur à l'extérieur. Puis ses pensées dérivèrent vers Tiburce, puis vers Vasken, si loin d'elle à Consortium et son cœur se serra, même si elle sentit qu'il était vivant et de taille à se défendre.

[Je joue la new version revival de Léodagan, à savoir en non-traumatisé, ayant vachement plus la
classe et passé Prince du Royaume de Tigris] Et les copier-coller word me font toujours des mises en pages pourries...



Les druides implorent les dieux de rouvrir les portes de l'autre monde aux morts qui marchent par
millier sur la terre des vivant. Des fûts entiers de vin, de lait et de sang ont abreuvés la terre...
Jamais je n'avais vu de tels sacrifices, et jamais je n'avais vu d'homme se jeter dans les flammes,
offrant son corps et son âme aux dieux immortels...
Les temples du castel résonnent jour et nuit des prières des druides, des chants et des tambours. Dans
les somptueuses salles de bal, on ne chante plus que les complaintes et les éloges funèbres. Des
messagers reviennent de tout Magisteria avec des nouvelles désastreuses, parfois ils ne reviennent pas...
Comme partout ailleurs, il n'y a rien d'autre à faire que de tenir le siège, attendre, prier.

Nous ne pouvons rien. Je ne peux rien.

Et je suis Prince d'un royaume peuplé de cadavres.



Les jeunes hommes partirent à l'aube. Albatis et son frère Baltàin invoquèrent un dragon blanc avec
lequel ils s'élancèrent dans les airs, Léodagan, lui, volait avec son Djinn. En contrebas, la ville était
plongée dans dans un épais brouillard, mais il n'y avait que quelques nuages entre les invocateurs et
les citadelles cyberpolitaines.
Sans nouvelles des technopolitains, le Prince de Thalisma avait décidé d'envoyer des messagers au
parlement, avec pour tâche d'y porter un message pour revenir avant la nuit avec une réponse.
Léodagan avait saisi cette occasion pour quitter l'étouffante atmosphère du castel, et avoir au moins
l'impression de faire quelque chose d'utile...

Les dragons et leurs cavaliers survolaient maintenant les quartiers alchimistes et leur fallut traverser
quelques nuages. Ils étaient au milieu des masses défilantes quand un mugissement sinistre retentit.
Un cri qui rappelait désagréablement celui d'une chimère. Un choc retentit, le bruit sourd des griffes
heurtant les armures métalliques. Les cris déchirant des deux frères fendirent l'air, Léodagan
entendit leurs voix s'éteindre à mesure de leur chute... Puis ce fut le silence dans la nuée opaque. Le
vent sifflait doucement, Léodagan était maintenant seul, les deux autres étaient morts et il valait
mieux ne pas penser à ce qu'il allaient devenir... Mais ce qui les avait tués était toujours là, quelque
part, invisible. L'arc prêt à la main, il cherchait en vain à voir au-delà du brouillard la créature qui
avait emporté ses compagnon.
Le ciel bleu apparut soudain et après un instant d'éblouissement, il la vit. En face, la gueule béante,
une chimère énorme dont on voyait les os sous sa peau déchiquetée.

Spoiler:

Levant son arme, il tira sans réfléchir. Quand la flèche se ficha entre ses orbites vides, la bête
poussa un rugissement strident, son corps massif sombra vers la terre... entraînant Léodagan et son
Djinn dans son sillage.



Dans le petit salon de la maison de Sillery, le cliquetis d'une horloge mécanique marquait
inexorablement les secondes d'un silence inquiet et pesant. Il n'y avait rien à dire, rien à faire.
Un violent claquement au dehors fit soudain sursauter les alchimistes. Hommes et femmes se
précipitèrent aux fenêtres. A la lumière de l'aurore ils découvrirent une chimère monstrueuse qui
avait brisé un arbre dans sa chute. A peine eurent-ils le temps d'échanger un mot, qu'un second
craquement retentit. Certains ne purent retenir un cri, c'était cette fois le toit du grand hall qui avait
cédé. Des regards anxieux furent échangés ; l'idée de se trouver face à une chimère – dans des
circonstances déjà difficiles - ne réjouissait personne. S'armant de ce qu'ils trouvèrent, et de leur
courage, ils s'aventurèrent dans la pièce voisine. Ils s'arrêtèrent net en découvrant au milieu des
débris un grand dragon noir, bien vivant cette fois. La crainte les prit tout d'abord, puis ils
remarquèrent, gisant à ses côtés, un chevalier en armure vêtu de rouge et d'or.