« - Sevastianev, j’écoute.
- Tu as l’air en forme, quel dommage…
- Vassili Nicolaïevicth, votre voix me manquait presque. C’est pourquoi ?
- J’ai un petit cadeau pour toi, tu ne devrais pas tarder à la revoir…
- … Je pensais bien que vous seriez le seul à réussir à lui mettre la pression suffisante pour qu'elle veuille enfin assumer ses responsabilités et son titre.
- Tu repenseras à mes questions sur le traître Sibiriakov, ce serait dommage que tu sois assimilé à ses activités. En tout cas je sens que mon fils aura plus de mal que toi à cacher sa joie. »


***

L’appartement était sobre mais bien occupé. La technologie était étrangement excessivement présente, Elle n’avait pu se séparer de cette part cyberpolitaine, comme son grand-père avant Elle. Seules les boiseries du bureau et la grande bibliothèque qui l’entourait rappelait ses origines occultes.
Il feuilleta rapidement les papiers empilés dans l’un des tiroirs, quelques factures, de vague lettres sans intérêt du vieux, et une correspondance avec le Sperandei. Rien de positivement passionnant, et surtout rien n’indiquant une reprise effective des contacts avec son grand-père. Il jeta un coup d’œil aux murs, passant les mains sur la tapisserie, remontant le long des cadres…Et trouva une trace infime des files qu’ils avaient tendus. Près d’une plinthe, essentiellement dissimulée par le pied d’une commode en bois sombre d’Alestra. Il déduisit rapidement leurs positions et constata : huit micros. Trois dans le salon, un dans la salle de bain, deux dans la cuisine et un autre dans la chambre. Impossible à repérer pour un œil innocent.
Un fin sourire s’étala sur son visage. L’équipe de la Tchéka était décidément d’une efficacité sans équivalent. Il avait ordonné cette mise sous écoute en même temps que celle de l’appartement des Xarrans, mais cela ne lui avait rien apprit de plus que le ridicule petit complot qu’Elle et Phaera comptait mettre en place contre son imbécile de fils. Il s’était alors demandé si la jeune femme n’avait pas eut l’incroyable présence d’esprit de remarquer les micros et se gardait depuis de toute communication ou invitation compromettante pour elle. Mais visiblement, et de façon tout à fait compréhensible au vu de l’impeccable travail qui avait été fait, elle ne se doutait de rien.
Ce qui signifiait qu’elle n’avait eut aucun contact avec Vladimir depuis plusieurs mois en dehors de ces lettres absconses et ne relevant d’aucun code.
Ce qui signifiait qu’elle menait une petite vie inintéressante et inconséquente dans son coin, qu’elle avait perdu de vue le reste.
Ce qui signifiait que ce connard de Seth avait une fois de plus foutu le bordel quand il ne fallait pas.

Le bruit de la clef, la porte qui s’ouvre. Il regarde sa montre, 18h03. Comme pratiquement chaque jour à cette heure précise la jeune femme était de retour. Une vie réglée comme une montre Noguera, pour un être rompu aux habitudes et aux devoirs.
Légèrement psychorigide l’héritière…

18h02

Cette foutue manie de vouloir être à la maison à cette heure précise, tous les jours. Elle faisait ça depuis qu'elle vivait chez Vladimir, lui qui l'avait formatée à une vie sans surprise, une foutue habitude, en somme, que Zaihan qualifiait d'un tantinet psychorigide quand il était là et qu'elle remerciait d'un amical et fort peu alchimiste doigt d'honneur.
Depuis qu'elle était partie hors du circuit Seva-Lieka, Ambre s'était jurée de ne plus déconner sur les sorties, plus de soirée, plus de débauche, après tout c'était si écœurant, de son temps à Lui... Simplement de temps à autres, trainer dans un bar miteux, peu importe qu'on soit habitué au luxe ça donne un petit côté "exotique" à la vie d'héritière, et c'était pour ça qu'elle avait choisi les Docks...
En plein cœur de l'insalubrité, de la plèbe grouillante, personne ne serait venue la chercher...

Personne si cette conne de Phaera n'avait pas voulu faire chier Seth et le mener droit jusqu'à elle.

18h03

Elle inséra la clé avec férocité dans la serrure et ouvrit la porte, puis se figea.

18h04

Ambre réagit et compris qu'après tout, le bordel qu'Il avait foutu chez elle, tout ne ferait que ramener son serpent de père...

*********

"Vassili... Comment ça va vieux croûton ?"

L'occultiste se plaisait toujours à observer sa mine agacée lorsque quelqu'un osait lui rappeler qu'il n'avait plus vingt ans et s'approchait plus du demi siècle, fait irrémédiable qui le conduirait certainement plus vite dans la tombe qu'elle (si jamais par chance elle ne finissait pas assassinée par l'un de ses gars).
La réplique était faussement aimable, tout aussi ironique que la présence du grand ponte fantôme des Liekaterinev, qui restait à l'ombre de Vladimir Sevastianev dans un but tout aussi sombre que pouvait l'être sa splendide cravate. Sur le pas de la porte, observant cet homme au style qui tranchait sévèrement avec sa décoration moderne, la demoiselle souleva un sourcil, attendant la sentence qui lui dirait "maintenant bouge tes miches de revenir assumer tes putains de responsabilités sinon je bute tes voisins, ton chat, ta sœur et ta bouteille de gin."
A défaut qu'elle n'avait ni sœur, ni chat.
Et avant même qu'il n'ait eu le temps de rétorquer à sa question ou de faire un pas, elle claqua sa main gantée contre le mur et le sol se déforma pour emprisonner l'une de ses chaussures Bexley, à savoir son pied.

"Tu m'excuseras, c'est par simple précaution pour que tu me laisses me poser cinq minutes, me servir un verre avant de me dire que je dois ramener ma trogne chez le vieux Vlad..."

Une lueur insaisissable dans le regard, elle fixait le quadragénaire aux airs malsains.

"Comme tu peux le constater je ne suis pas armé et je suis seul. Alors reste correctes tu veux ? Arrête ça.
-Ouais ouais c'est ça... Un Gin ?
-Trop aimable."

Soupirant à la manière d'un taureau contrarié elle se dirigea vers la cuisine avant de claquer sa main contre un mur et de libérer l'homme de son emprise de pierre. Et elle revint, tendant le verre à Vassili, puis s'affala dans le canapé, mettant négligemment ses pieds sur la table, une fâcheuse habitude qui n'était pas sans rappeler celle de Seth.



"Je crois que j'ai pas le choix, que t'as évidemment dû t'amuser à me suivre, m'espionner, ou je sais pas trop quoi d'autre, et vu que je n'ai plus de nouvelles de Phaera depuis un moment, tu as dû la buter, c'est ça ? C'est étrange tant que Seth ne se manifeste pas tu restes à l'ombre et dès qu'il fait une connerie tu te pointes, tu as fais ça à chaque fois et me fais pas croire que c'est parce que "t'aimes trop ton gamin"... Y'a quoi à sauver là ? Une alliance ? Du fric ? Me faire encore accuser d'un meurtre qu'il a commis ? Me dit pas que c'est Vlad qui t'as gentiment demandé de ramener sa "gentille petite fille à papi", hein ?"

Elle remonta les cheveux qui barraient son visage en arrière d'un seul geste, signe de stress évident et incontrôlé au diapason de son ton empli de hargne. C'était une catastrophe... Et le pire n'était pas en reste, tant que ce type qu'elle détestait de façon viscérale n'avait pas émit ses menaces... Elle était foutue, et bel et bien coincée...

Elle adoptait une attitude nonchalante qui peinait à dissimuler son angoisse. Elle se trahissait d’un geste hésitant de la main, d’un mouvement automatique de la tête, d’un regard qui fuyait le sien trop vite pour être réellement assuré. Même si un certain nombre de ses habitudes posturales révélaient encore le mimétisme dont Seth et elle faisait preuve à l’époque, sa façon de parler froidement comme si elle maîtrisait la situation tranchait avec les réactions colériques immédiates de son fils. Et c’est pour ça qu’ils se complétaient aussi aisément à l’époque, c’est pour ça que leur couple était devenu indésirable.
Vassili resta silencieux, portant le verre à ses lèvres sans quitter l’alchimiste des yeux. L’attente jouait visiblement sur les nerfs de la jeune femme et la maintenait dans la douloureuse expectative de la sentence. Il se pencha sur la table basse et laissa tomber son verre qui claqua sur la table, faisant sursauter Ambre dont la froide expression se mua en air de bête traquée.
« De quoi as-tu peur Ambre Dimitrievna? »
Il se redressa lentement, récupéra sa veste sur le dos d’un fauteuil et la passa sans empressement.

« De Seth peut-être? ha ha ha… Il n’en reste pourtant pas grand chose. Tu savais qu’il se paye une dépression ? C’est assez comique à voir, dans une certaine mesure, l’emmerde c’est que dès qu’il entend parler de toi il déconne complètement au boulot et ça n’arrange personne. Et puis pour cette histoire de…macchabée, je te trouve assez malhonnête, on a toujours lavé le linge sale en famille, sauf si tu veux que le vieux te rappel ce que contenait le dossier d’autopsie d’Irina Favres et ta responsabilité indéniable… Cigarette ? »

Elle hocha négativement la tête, ayant retrouvé son calme de façade mais ne parvenant pas à s’empêcher de pâlir. Il alluma sa propre cigarette, éteignant l’allumette d’un geste négligent du poignet, et reprit :

« Pour revenir à notre petit problème, disons que papy et moi on a une sorte d’affaire concernant un vieux collègue. Plus sérieusement, une voiture passera te prendre dans trois jours, le temps que tout le monde soit joyeusement averti de ton retour. »

S’éloignant dans le couloir qui menait à la porte, il ajouta :
« Ha! Concernant la petite impolitesse de Seth l’autre soir…-t’étais pas forcément au courant remarque- tes petits voisins de palier, Wright et cie, ne vont pas tarder à rentrer, je leur ai présenté nos plus plates excuses pour le dérangement. Donc ça serait assez con pour eux que tu essayes de te tirer en douce maintenant…D’autant que t’iras pas loin cette fois, et comme ça me fait vraiment chier de jamais savoir quand et où tu vas ressortir, avec une bastos dans les tripes tu seras plus facile à suivre. Dasvidania… »

Sans attendre de réponse, il la salua vaguement de dos, et referma la porte derrière lui.

"De quoi as-tu peur Ambre Dimitrievna ?"

Nonchalamment, il remit sa veste. Les dents de la jeune femme se resserrèrent, apparition visible au niveau de sa mâchoire qui se contractait.

"De Seth peut-être? Il n’en reste pourtant pas grand chose. Tu savais qu’il se paye une dépression ? C’est assez comique à voir, dans une certaine mesure, l’emmerde c’est que dès qu’il entend parler de toi il déconne complètement au boulot et ça n’arrange personne. Et puis pour cette histoire de…macchabée, je te trouve assez malhonnête, on a toujours lavé le linge sale en famille, sauf si tu veux que le vieux te rappel ce que contenait le dossier d’autopsie d’Irina Favres et ta responsabilité indéniable…"

Ça elle le savait déjà, que ça le faisait grandement chier qu'elle soit partie, et c'était le but, il avait eu ce qu'il méritait. Après tout leur rixe avait débuté aussitôt qu'ils s'étaient rencontrés, et leur rapprochement n'avait pas arrangé leur rivalité certaine. Mais de là à se payer une dépression ? Tss, comme s'il déconnait rien qu'à son nom. Bien sûr. Encore des bobards, juste pour essayer de la faire revenir, bah... C'était bien essayé, au final, par contre pour l'histoire du macchabée, elle savait parfaitement qu'il pouvait la faire accuser à la place de Seth dès qu'il le désirait. Mais pourquoi maintenir la pression sur son fils ? Ne serait-ce pas mieux pour les Lieka qu'elle doive être la coupable de ce meurtre pour laisser sa place d'héritière à Seth ? Décidément, elle ne comprenait pas les motivations de Vassili.

"Cigarette ?"

Elle déclina la proposition en secouant la tête, sans le lâcher du regard elle n'avait pas envie de fumer, mais plutôt de l'étrangler, ce sale type.

"Pour revenir à notre petit problème, disons que papy et moi on a une sorte d’affaire concernant un vieux collègue. Plus sérieusement, une voiture passera te prendre dans trois jours, le temps que tout le monde soit joyeusement averti de ton retour"

Et allez, encore une histoire de gros sous... En quoi pouvait elle agir là dessus ? Ils se débrouillaient très bien sans elle... Et il s'éloigna, la libérant doucement de la pression que sa simple présence exerçait sur elle.

"Ha! Concernant la petite impolitesse de Seth l’autre soir…-t’étais pas forcément au courant remarque- tes petits voisins de palier, Wright et cie, ne vont pas tarder à rentrer, je leur ai présenté nos plus plates excuses pour le dérangement. Donc ça serait assez con pour eux que tu essayes de te tirer en douce maintenant…D’autant que t’iras pas loin cette fois, et comme ça me fait vraiment chier de jamais savoir quand et où tu vas ressortir, avec une bastos dans les tripes tu seras plus facile à suivre. Dasvidania… "

???
C'était quoi cette histoire ?

"Vassili !!!"

Il s'était tiré... Son expression dubitative laissa place à la colère. Sans attendre elle envoya un sms à son "grand-père".

Citation :

De : Ambre
A : Vlad

Bien le bonjour, cela faisait longtemps n'est-ce pas ? Je pense que tu diras la même chose dans trois jours, tu sais, tes histoires, tu peux tout aussi bien les régler seul, "Grand-père", pourquoi envoyer Vassili me menacer ?

La réponse ne se fit pas attendre.

Citation :

De : Vladimir
A : Ambre
Bonjour, je réponds à la place de Vladimir, c'est William, il dit que tu ne l'écoutes pas, et que cela ne sert à rien de tergiverser. "A dans trois jours, cela faisait longtemps" rajoute-t-il."

"Putain le vieux con............... En plus il ne sait même pas se servir de son cellphone..."