Blend Awake
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 [Rétro - 15 ans auparavant] Celui qui n'a pas de visage [violence]

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AuteurMessage
Argana Shester

Argana Shester


Messages : 55
Date d'inscription : 20/09/2009


Age du Personnage : 27 ans
Alignement: Chaotique Neutre
Classe - Fonction: Mage - élémentaliste d'air
[Rétro - 15 ans auparavant] Celui qui n'a pas de visage [violence] Empty
MessageSujet: [Rétro - 15 ans auparavant] Celui qui n'a pas de visage [violence]   [Rétro - 15 ans auparavant] Celui qui n'a pas de visage [violence] EmptyMer 30 Sep - 23:51

Nuit.
Nuit noire.
Aucune lune à l'horizon, aucune étoile dans ce vaste ciel d'encre.
Angoissante ? Non, juste la norme.
Ça arrivait souvent.
Ces jours où un brouillard épais obstruait la vue, ça n'avait rien d'extraordinaire.

Et un silence. Pesant. Étouffant.
Un silence accentué par les bruits des vieilles planches de bois grinçantes.
Bruits dus au bercement régulier de la mer qui faisait basculer avec douceur le gigantesque bateau.
Basculement lent et répétitif : gauche, milieu, droite, milieu, gauche, milieu, droite, milieu, gauche ...

On entendait l'écho de l'eau qui cogne contre la coque.
On percevait les longues cordes qui pendaient, flasques, lâches, épuisés au dessus de la vaste proue.
On sentait l'humidité sur les vêtements, légères chemises blanches devenues glaciales à mesure que la nuit avançait.

Le dos appuyé contre une caisse deux fois plus grande que lui, les jambes recroquevillés contre son buste, les bras croisés sur ses genoux, Argana, jeune pirate prisonnier de fortune, essayait, tant bien que mal, de dormir un peu.

Plongé dans cette obscurité complète, les paupières fermés, il essayait désespérément de tomber dans ce sommeil qui ne venait pas, et ce depuis plus de vingt-six heures.
Il soupira, fronça les sourcils, agacé...laissa tomber sa tête en arrière : celle-ci heurta doucement la caisse contre laquelle il reposait.
Il fallait qu'il dorme. Il fallait qu'il s'endorme vite.
Sa gorge commença à lui bruler, son estomac se crispa.
Il fallait qu'il tombe dans l'oubli du sommeil sinon... Il allait penser à "ça"... Oui "ça"...
Trop tard.
Il y pensait déjà....................................
Il s'y revit. Comme si il le vivait.



** Souvenir d'Argana **


Eh voilà, c'est reparti !
J'y repense... Encore une fois...
Non... Arrête de te mentir espèce d'idiot accompli !
J'y pense toujours en fait.
Quand j'y pense plus, c'est pour mieux m'y perdre après.

Le pire, c'est que je ne m'en rappelle au final que très vaguement ... Et c'est pour ça que j'y reviens sans cesse, je le sais... Ma mémoire essaie de se restaurer toute seule.
Elle veut recoller les morceaux qui manquent, rassembler les pièces de se puzzle éventré, rattacher dans un ordre clair et chronologique les méandres de mon souvenir évaporé.
Esprit traître qui ne veut pas classer cette affaire dans la casse "oublié à jamais".

Quelle année ? J'avais 5 ans, c'est ça non ?
Quel mois ? en pleine saison sèche.
Quel jour ? Bof, quelle importance ?... Un jour où il faisait chaud, voilà ce qui m'a marqué.
Le bateau de mes parents, eux-mêmes trop occupés à régler des affaires, deux frères qui avait embarqué parce qu'ils voulaient se rendre je ne sais plus trop où, les autres pirates qui se racontaient des blagues grivoises, le chien qu'on avait recueilli parce qu'il nous faisait pitié... Et puis lui...
Tout ce que je viens d'énoncer au final, ça a pas d'intérêt spécial : si, un.
On faisait pas attention à ce gosse qui s'amusait tout seul dans son coin.
On s'en foutait royalement.
On était trop occupé.

Et puis lui.
Lui, l'autre, l'homme.
Ce gars. Cette pourriture.
Cette merde.
Celui qui n'a pas de nom.
Celui qui n'a plus de visage.
Celui qui n'a pas de visage pour moi en tout cas. J'ai juste un blocage, un oubli, un flou.

Cet homme là, il était monté avec nous, pour je ne sais plus quelle raison.
Je me souviens juste qu'il était bourré de thune, qu'il en avait donné pas mal à mon père et qu'il ne disait rien.
Il restait à l'écart, lisait des choses que je ne comprenais pas.
Oui, j'ai vu ce qu'il lisait, mais je ne les lisais pas, je savais pas lire cette langue-là.
Et je les ai vus par dessus son bras.
Si j'étais aussi près de lui, c'est parce que j'ai fais la connerie d'aller le voir.
Encore aujourd'hui, je me dis " si j'étais pas allé le voir, rien ne se serait passé, pas vrai ? "
Et je me maudis d'y être allé !

Mais j'étais seul. Lui aussi.
Personne ne prêtait attention à moi. Idem pour lui.
Je m'ennuyais. Sans aucun doute, c'était pareil de son côté.

Alors, j'y suis allé.
Je l'ai observé.
Il était pas vraiment grand, mais pour moi, il avait l'air d'un géant.
J'essayais de comprendre le texte... Rien à faire. Je crois qu'il a souri.
Il a commencé à me parler.
Qu'est ce qu'il a dit déjà ?
Aucune idée.
Je m'étais assis à côté de lui et comme sa voit était grave, je me suis endormi.

Quel ironie pas vrai ?
Si l'histoire s'arrêtait là, j'aurais pu dire que c'était mignon à croquer, une jolie fable d'amitié entre deux inconnus.
Deux êtres qui se soulageaient mutuellement de la présence de l'autre.
Ça aurait été un beau conte.
Qui figurerait dans ma longue encyclopédie de songes que j'aime tant rapporter.
Mais ce n'est pas le cas.
Ce n'est pas une belle histoire, c'est loin d'être une fable, c'est à des années lumières d'un conte.

Je me suis réveillé.
Nuit. Noir.
Je le pensais.
Non... Il faisait bel et bien jour mais j'étais plus sur la proue.
Une cabane. Celle des outils en tout genre.
Petite, fermé, étroite, sombre, suffocante...
Il y faisait une chaleur monstre.
Je me croyais d'abord seul mais je ne tarda pas à percevoir la présence de quelqu'un.
Lui.
Je compris lentement.
Trop lentement.
Il m'avait emmené là et nous avait enfermé.

L'homme nota mon état d'éveil tardif et... Tout a commencé.
Sa main glissa, me toucha.
Caresses douces, tendres, presque bienveillantes sur mes vêtements trop grands.
Puis sous :
Sa paume rêche effleura ma jeune peau d'enfant de 5 ans.
Est ce que je comprenais ?
J'aimerais répondre "non".
Pourtant, j'ai l'impression que j'étais parfaitement conscient :

C'était mal. C'était sale. C'était destiné aux grandes personnes entre elles.

Le cœur me battait la chamade, mais je me laissais faire.

C'était laid. C'était haineux. C'était pas pour les petits garçons comme moi.

Il continua.
Tantôt il passait la main dans mes cheveux, tantôt il descendait l'autre.

C'était écœurant. C'était irresponsable. C'était fait pour être fuit.

Et je restais. Figé. Est-ce que je me prenais au jeu ?
Je fermais les yeux et celui-ci s'appliqua à exécuter la besogne des chiens.
Il me serra contre la parois, et moi, pauvre imbécile je ne disais rien.
Je sentis alors avec un frisson d'effroi et de fascination... Sa langue.
Elle me lavait de ma candeur.
Elle essuyait toute trace de pureté.
Nettoyait ce que j'avais de plus naïf.
Effaçait l'affreuse innocence.
Ça effleurait seulement certaines parties de mon corps ... Il n'est pas bien difficile d'imaginer lesquelles.
Je sentais du plaisir ?
A 5 ans ?
Non je crois pas.
Mais je savais que ça devait être ça, ce que font les grands.

Pourquoi je ne hurlais pas ?
Pourquoi je n'appelais pas ma mère ? mes frères ? mon père ?
Tous occupés.
Tout le monde m'avait oublié.
Et puis... Ce qui était en train de se faire... C'était pas beau.
Je savais... Je me le répétais dans ma cervelle de gamin désabusé.
Personne ne devait me voir comme ça.
Non... Personne ne devait être au courant.
Ça devait rester un secret absolu avec moi même.

Ça continua. Pendant un bon moment.
Il me fit d'autres choses.
Il laissa parler ses fantasmes les plus secrets...
Mais, à partir de là, j'ai l'impression que je perdais conscience...
Vous savez, quand on crève de sommeil.
Les paupières vous sont irrésistiblement lourdes et vous luttez quand même.
Vous ne comprenez plus ce qui vous entoure, ce qui vous arrive.
Vous voyez tout en double ou flou, ou les deux.

Dans ces moments là, je n'ai en mémoire que les souvenirs très forts des sensations :
Sa peau, sa langue, ses mains... Et puis ....
Tout ça n'avait plus de corps. N'appartenait plus à cette personne.
Et cette odeur.
Cette odeur qui me suit et qui me donne un vertige à chaque fois que, en souvenir, je la ressens.
Et ce goût.
Et puis cette moiteur obscène, ce visqueux immonde...

Mais tout était déjà fait.
Fini.
Achevé.

Il sortit de la cabane. Me laissa seul.
Je plia sous mon poids, les jambes frêles.

"Je le dirais à personne "
ai-je murmuré.

Pourquoi ?

" C'est mal "


Pourquoi ?

" C'est sale"

Pourquoi ?

" J'ai honte"

...

Je suis sorti.
Je crois que mon visage était rouge vermillon...
Ou blanc comme un linceul.
Je ne sais pas.
Je ne sais plus.

Tout ce que je sais, c'est que personne ne l'a remarqué.
Personne n'a noté mon absence.
Personne ne m'a protégé.
Alors dans ce cas... A quoi me servirait une famille ?
Personne n'est venu me sauver.
Ça sert à rien.

Tout ce que je sais c'est que, à partir de ce moment là que j'ai commencé à rire.
A faire le pitre.
A raconter des histoires fabuleuses.
A m'enfermer dans des mondes imaginaires.
A devenir indépendant d'une protection inefficace et de m'en forger une autre :
Celle du laisser-vivre.
Celle de l'attention portée sur moi.
Celle de mes conneries, ma manière d'être... Mon vrai moi que je ne veux pas connaitre.

Je me suis promis que je ne le révélerais à personne.
Trop de honte.
J'ai tenu ma promesse.
Et j'en ai encore plus honte.

C'est ainsi.



** Fin souvenir d'Argana**




[Rétro - 15 ans auparavant] Celui qui n'a pas de visage [violence] Justeunsurcis

Il laissa tomber sa tête dans ses mains gelées.
"Oublie
Oublie
Oublie"

se dit il en lui même.
" C'est rien au final.
Rien qu'un mauvais rêve.
Ce qui est fait est fait.
Je l'ai accepté.
C'est ainsi."


Le ciel commença à virer dans les teintes grises claires.
Le vent,jusqu'alors inerte, se réveilla alors, doucement, timidement.
Il fit voleter la tignasse orangé du jeune pirate intrépide et avide d'aventures en tous genres.
Oui, une belle aventure dans un sublime endroit ou ceux qui n'ont pas de visages n'existent pas :
Le néant du sommeil.
Oui. Enfin.
Tardivement certes, mais enfin.
Orphée avait finalement recueilli dans ses bras le frêle rouquin qui, agonisait de ne pouvoir tomber dans l'oubli.
Même le roi des songes n'avait pas su intervenir à temps.
Il n'est pas arrivé à protéger Argana de son esprit traitre.

Il s'endormit paisiblement, contre cette caisse géante.
Il ne rêva pas.
Il oublia.
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[Rétro - 15 ans auparavant] Celui qui n'a pas de visage [violence]

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