Marchant en équilibre sur les bords des quais, Argana faisait une petite balade nocturne pour se changer les idées.
Il n’arrivait pas à dormir, il ne s’était pas assez dépensé pour tomber dans un sommeil assez profond pour oublier. Alors il marchait, les yeux baissés, contemplant ses pieds, regard vide, essayant de ne penser à rien d’autre qu’à son équilibre à maintenir.
Il avançait, toujours sans regarder devant lui, aveugle à ce qui l’entourait, renfermé sur lui-même dans une solitude certaine quand tout à coup son regard croisa deux grands yeux d’un bleu azure profond comme la mer.
Il s’empressa de reculer, prit au dépourvu : comme il ne regardait pas devant lui, il s’était trouvé à quelques centimètre d’une jeune fille assise, les jambes ballantes au dessus de l’eau.
Elle était brune, un peu plus jeune que lui, plutôt jolie et avec des yeux magnifiques qui troublèrent le jeune marin extirpé un peu violemment de sa rêverie.
Elle pleurait. Son visage était ruisselait de larmes.
Argana s’accroupit près d’elle, tira un mouchoir en tissu de sa poche et lui tendit. Elle prit le mouchoir, mais ses mains tremblaient et elle eut du mal à essuyer son visage.
Voyant que la jeune fille montrait quelques difficultés à faire usage de ce bout de tissus, Argana le lui prit et fit la besogne à sa place.
« Si tu continue à pleurer, tes yeux se videront de leurs eau et ils ne seront plus aussi bleu qu’avant ! »
La jeune fille sourit se laissant faire et le regarda d’un air moqueur.
« C’est nul comme phrase pour draguer. »
Le marin sourit à son tour puis il s’assit laissant lui aussi pendre ses jambes dans le vide.
- j’aurais essayé non ? C’est mieux que de rien tenter du tout.
Il la regarda sourire encore, essuyant d’elle-même ses propres larmes.
- Et toi ? tu ne veux pas un mouchoir pour pleurer ?
Argana écarquilla d’abord les yeux, surprit par cette drôle de question.
- Tu n’avais pas une super mine, à l’instant
- Ah … Non, c’est juste que j’arrivais pas à dormir, mais rien de vraiment méchant tu vois ?
Il sourit. Il avait été surprit dans un état de profonde mélancolie, face seul à seul avec les démons de son passé. Autant dire qu’il n’aimait pas qu’on le voie dans cet état là. Il soupira relâchent ses épaules balançant doucement ses jambes.
« Et puis, les garçons, ça a pas le droit de pleurer. Surtout pour des choses aussi stupides.
- Pleurer, ça fait du bien et je vois pas pourquoi un garçon n’en aurait pas le droit.
- Parce qu’un garçon ça doit être fort !
- Pleurer est une faiblesse ?
Argana se tue. Il n’avait jamais pensé que pleurer était une faiblesse et n’avait pas non plus envie de dire « oui, s’en est une » rien que pour confirmer ce qu’il disait, par fierté. Après tout, il avait surprit la jeune fille en train de pleurer justement.
« C’est juste que si on pleure c’est qu’il y a une raison non ? Moi je n’ai pas de raison de pleurer.
Un moment de silence.
- Et pourtant t’es triste non ? enfin, tu paraissais très triste. »
Argana sourit, regarda ses pieds. Il ne pouvait en dire plus sans entrer en détail.
La jeune fille resta dubitative. Son nouveau compagnons ne semblait pas vouloir dire se qu’il avait sur le cœur. Ni aujourd’hui, ni demain, ni jamais.
En effet.
Il était juste prisonnier.
Non, il s’était emprisonné lui-même.
C’est ça : il était à la fois le gardien et le prisonnier de sa parole. De toute façon qui comprendrait ce qu’il ressentait ? Qui comprendrait que ses fantômes ne lui faisaient plus peur, ni mal ? Qui comprendrait qu’il s’en foutait, que c’était fait et qu’au final, quand il se repassait son film, il était plus agacé par le nombre de fois que son esprit passait ça en boucle dans sa tête que part son contenu obscène ?
Si il parlait, on lui dirait : « oh ! Pauvre petit … Tu as du tellement souffrir ! ».
N’importe quoi. Non. Il ne pleurait pas. Il n’arrivait pas à pleurer. Il ne voyait pas de raison pour pleurer. Il y avait en se monde tant d’autre choses bien plus tristes encore, tant de gens qui souffrait, pour de vrai. Pourquoi se mettre sur la scène en proclament haut et fort que c’était une victime ? « Oh mon dieux ! Regardez moi ! J’ai vécu l’enfer ! ».
Ses gens là, tout ce qu’ils veulent, c’est que tout les regards se tournent vers eux. Ils veulent que pendant quelques instants leur existence semble prendre plus de valeur qu’elle n’en a réellement. Ils veulent qu’on les prenne dans nos bras, qu’on leurs disent que tout va bien, que c’est fini, que tel personne est là, pour elle et rien que pour elle.
Quelle arrogance. C’est nul.
User de la pitié des autres pour attirer l’attention.
Argana aussi, il ne se le cachait pas, il voulait de l’attention. Il voulait, comme tout le monde, qu’on le regarde. Mais il préférait user d’autres moyens : la pitrerie, son air idiot et stupide qui faisait rire plus d’un, ses phrases plus inutiles les unes que les autres. Jouer aux simplets, c’était plus agréable à voir, plus rafraîchissant que de prendre le rôle d’un de ses grand dramaturge, qui montrent avec des mimiques atroces et de grands mouvements ridicules tout leurs supposés désarroi.
Mais au final, c’était tous des comédiens.
Argana avait toujours préféré rire ou s’émerveiller. Il aimer voir le spectaculaire, le fantastique, l’inimaginable, le comique, l’agréable. Il préférait rêver de belles histoires qui vous redonnent espoir.

« Et toi ? Pourquoi pleurais tu ? »

La jeune fille fut surprise par la question du jeune garçon, sortit du silence, d’un seul coup.

« Enfin … T’es pas obligé de me le dire. Je comprendrais.

Elle sourit tristement avant d’exposer son chagrin.

- Moi, je pleurais parce que j’avais un chaton. Il était très mignon, et je jouais beaucoup avec. Il était perdu. Je l’ai recueillis. Il était blessé, je l’ai soigné. Il avait faim, je l’ai nourris. Il avait besoin de tendresse, je lui en ai donné. Mais il m’a trahi. Il est mort ce matin, après tout mes efforts. Il est parti.

Elle se souvint de la dernière scène et commença à avoir les larmes qui lui montèrent aux yeux. Argana sourit tristement, posa sa main sur la tête de la jeune fille en pleure en lui caressant doucement.
Il ne voyait pas trop ce qu’on pouvait ajouter à ça… « Toutes mes condoléances » c’était un peu stupide comme réplique. Alors il resta près d’elle pendant un moment, à lui caresser la belle chevelure brune.

« Tu veux que je te raconte une histoire ? » dit il enfin. Elle ne répondit pas, mais tendit une oreille attentive à cette drôle de proposition.
Argana lui raconta une histoire qu’il n' avait pas dans son répertoire. Une qui parlait d’une jeune fille qui était allé dans le monde des esprits par mégarde. Elle voyagea, rencontra des tas de gens, des tas de personnes. Un périple qui l’emmena enfin devant le petit chat qu’elle venait de perdre. Et la jeune fille s’en était revenue heureuse car le chat lui avait dit :
« Je vais te dire un secret, je ne suis plus là physiquement, c’est vrai, mais tu sais, je vis tant que tu me garderas en souvenir. »
Elle s’était contentait de ça. Juste d’un souvenir heureux, gardé bien au chaud au fond de son cœur.



La jeune fille s’était endormie, la tête posée sur l’épaule d’Argana qui venait de finir son histoire. Il se leva doucement, laissant sa jeune oratrice à ses rêves fabuleux et partis vers le bateau.
Il ne revu jamais la jeune fille, ne connu d’elle que sa mésaventure et son dialogue sur les pleures. Mais il pu s’endormir en rentrant, couché dans son lit, bercé par les ballottement du Dragonder, il avait enfin d’autre images en tête que celles qui l’empêchait de dormir il y a quelques heures.