Ambre avait quitté son odieuse famille d’accueil Alchimiste Elle partait enfin. Vladimir lui avait indiqué l'appartement souvent vide de son vieil ami, Zaihan Sibiriakov, pendant qu'il faisait aménager des appartements uniquement pour elle. Une sorte de cadeau de bienvenue, en somme.Cette nuit-là le temps était plutôt clément pour une soirée d’automne, elle avait achevé ses quelques gâches pour le vieil homme, considérant un peu tout cela comme un jeu, et regardait pensivement par la fenêtre les lumières du consortium. Elle se dirigea vers la porte pour sortir un peu, et le médecin qui la logeait tendit un gigantesque et puissant bras devant son nez :
« Tiens, tu as des cours du soir toi maintenant ? »
Elle le regarda, dubitative : « Non, mais j'ai besoin de sortir, un peu... »
« Ah… Ben fait gaffe alors. » Il lui balança un taser, arme fort étrange, un plan et de l’argent en liquide, le vieux Vlad ne lui avait toujours pas fait faire sa carte bleue.
Zaihan était peut être "particulier" et semblait cacher beaucoup de choses sordides, ceci dit, elle le trouvait assez conciliant, pas trop chiant. La cohabitation temporaire et rare du fait de ses absences lorsqu'il retournait à la citadelle rendait leur échange assez amical.
Elle erra longtemps, visitant le Consortium qu’elle n’avait vu qu’à travers les vitres des voitures, la première fois où elle était venue ici, et quelques rares autres fois. Et, presque deux heures plus tard, elle tomba sur un édifice dont le nom était fait de lettres qui s’illuminaient en clignotant…
Vulgaire, et particulièrement dérangeant.
Un panneau indiquait en lettres blanches sur gris : « Salle de Jeu, Bar-Lounge. »
*Bar… Lounge… ?*
Ambre ne connaissait pas le jargon des technologues, encore moins celui des cyberpolitains… Cependant le « Salle de Jeux » l’attirait. Elle était douée pour les cartes et ce genre de divertissements… Elle entra et fut accueillie par un vigile qui la toisa de haut en bas.
« Un problème ? » dit-elle.
L’homme secoua la tête et la laissa passer.
Des tables de jeu, avec des dés, des jetons, des machines aux bruits affreux s’étendaient maintenant devant elle… Elle voyait les billets passant de mains en mains.
*Ainsi ce sont des jeux d’argent… Hum…*
Elle se posta devant un jeu de cartes, regardant quelques minutes la façon dont jouaient les gens, assimilant très vite les règles et la façon de faire. Le croupier la regarda un instant : « Tentée ? »
« Euh… Pourquoi pas... »
Elle se mit devant la table et regarda l’homme mélanger, tirer, trier les cartes et les distribuer avec une rapidité déconcertante.
« Et là je suis censée faire quoi ? »
« Me dire si vous doublez ou si vous vous couchez. »
Ambre regarda son jeu, ne sachant trop quoi donner à faire au croupier, mais les cartes qui lui avaient distribuées étaient apparemment des bonnes cartes, si elle avait bien suivi les jeux des technologues qui s'étaient tantôt fait plumer, tantôt avaient plumé le croupier.
"- Je double…"
Le jeu se fit, elle gagna la manche. D'autres parties, jonglant habilement entre les "double" ou "couche", se succédèrent. Pas une fois, elle ne perdit.
Le croupier avait été plumé et la jeune femme regardait la pile de jetons devant elle.
" Hum, pardonnez-moi, mais j'en fais quoi de ces jetons, en fait ?
- ???"
Quelques secondes plus tard, deux monstrueux hommes en costume-cravate-oreillette-lunette-de-soleil s'étaient postés derrière elle, L'homme qui avait fait perdre toute sa table de jeu s'expliquait maintenant, d'après lui, Ambre avait certainement triché, et compté les cartes. Compté quelles cartes ? Avoir de l'instinct c'était peut être tricher ?
Et le pitre au gilet rouge aux couleurs du casino beuglait sur les vigiles, c'était intolérable, patati, il avait perdu son salaire de la semaine, patata.
Une main épaisse enserra alors son bras fin. L’un des gars de la sécurité avait attrapé l'alchimiste, il lui faisait mal. Sans la ménager, il la tira violemment vers l’une des tables reculées, certainement une loge "vihayepi" (si elle en avait bien saisi le "terme") et la balança avec force sur une chaise. Ambre se fracassa la cuisse et le coude en retombant sur le mobilier... Un homme assis en face, sur une sorte de canapé, l’observait.
Son visage était hâve, ses cheveux noirs contrastaient avec cette pâleur maladive, et ces yeux azurs, sournois…
Seth...
Il n’avait pas changé, lui.
"Vous semblez avoir beaucoup de chance ce soir…"