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 Correspondance pirate - Les lettres de la salope

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AuteurMessage
Maxine T. Okland

Maxine T. Okland


Messages : 132
Date d'inscription : 23/09/2009


Age du Personnage : 29 ans
Alignement: Neutre Bon
Classe - Fonction: Technologue - Journaliste
Correspondance pirate - Les lettres de la salope Empty
MessageSujet: Correspondance pirate - Les lettres de la salope   Correspondance pirate - Les lettres de la salope EmptyVen 27 Nov - 18:11

>début<

Maxine avait beau y être habituée, elle était toujours un peu surprise quand elle se téléportait.
Autour d’elle, les immeubles de Stern Road se dressaient, avec leurs balcons de fer forgé et leurs façades hétéroclites. Cotty Street était très ‘art nouveau’. Courbes, volutes et couleurs tape-à-l’œil : rouge, vert d’eau, bleu clair, acajou incrusté d’argent, dorures… C’était esthétiquement intéressant, mais parfois un peu écœurant : les couleurs trop vives vous tournaient la tête, et les arabesques vous donnaient mal au cœur. Comme un étourdissement –
« Ça fera 15$, m’dame. »
Elle avait presque oublié la présence de Wilbert. Elle le paya – et il disparut comme il était venu.

*
Maxine se pencha sur son écritoire. La nuit tombait, et sa bougie n’éclairait que faiblement la feuille de papier.
« Cher Théotim » ? – trop formel. « Théotim chéri » ? – trop familier ; ça semblerait hypocrite. « Mon petit Théotim »… ? Maxine hésitait : comment s’adresser à un enfant qu’on a abandonné ? Comment lui dire qu’on pense à lui tout en étant incapable de s’en occuper ?

« Mon petit Théotim,
Je te souhaite un joyeux anniversaire !
Je suis désolée de ne pas être là. Je dois rester ici pour mon travail : en ce moment, je mène une enquête très importante pour envoyer des méchants en prison.
Maintenant tu as six ans, tu es grand ! Je suis sûre que ton papa t’a préparé une belle fête, et que tu auras de beaux cadeaux. Moi, je t’envoie un livre rempli d’aventures. Papa te le lira. Peut-être même que tu peux le lire tout seul, maintenant ?En tous cas, j’espère qu’il te plaira.
Gros bisous. »


Sa plume resta un moment suspendue au-dessus du papier, puis elle osa rajouter ces mots : « Je t’aime, ta maman. » Elle mit la feuille de côté, en prit une autre et trempa sa plume dans l’encrier.

« Marc,
J’espère que tu vas bien (je l’espère sincèrement). Je suis certaine que tu t’occupes bien de Théotim, et je ne pourrai jamais t’en remercier assez. J’aimerais être là pour son anniversaire…mais, comme tu le dis si bien, je suis lâche. Je n’ai pas le courage de revenir en arrière, de retourner vers vous. Et comme toujours, je fuis en avant.
Je suis consciente de tout cela, et pourtant je ne parviens pas à me changer, et je ne suis même pas sûre d’en avoir envie. ‘On s’refait pas’ comme qui dirait. En attendant je vis comme je peux : je travaille, je m’amuse. Parfois je pense à toi.
Est-ce que tu as trouvé quelqu’un ? Moi, comme tu t’en doutes, je vagabonde au gré de mes envies et je butine le parfum des jolies fleurs. (Ne prends pas cet air offusqué, je suis sûre que tu butines toi aussi, de temps en temps – en tout cas je l’espère pour toi !...). Bref, si tu te poses la question : je vais bien.
Embrasse Théotim pour moi.
Bye bye big bear. »


Elle posa la plume sur le porte-plume, et attendit pour laisser l’encre sécher.
Elle avait enfin écrit ces lettres. Une pour l’enfant, une pour le père. Elle les avait abandonnés tous les deux. Elle croisa les bras, s’appuya au fond de sa chaise, contempla les deux lettres.
Elle songeait presque gaiement qu’elle était une salope et qu’elle était heureuse ainsi. Après tout, le plaisir est le sel de la vie. Le plaisir nous enivre et nous fait oublier un instant que ce monde existe. Le plaisir nous fait croire qu’un frisson est éternel. Jamais elle n’abandonnerait le plaisir. Elle pouvait abandonner un homme, un petit garçon, même si elle les aimait. Mais elle ne pouvait pas le délaisser, lui, le plaisir, cet être éphémère qu’elle retrouvait en chacun des hommes, chacune des femmes qu’elle aimait le temps d’une nuit. Le plaisir, le seul être auquel elle était restée fidèle.
Non, elle n’avait pas honte. Oui, c’était égoïste. Oui, ça aurait été mieux autrement. Mais non ; elle ne pouvait pas changer.
Elle plia les lettres et les glissa dans l’enveloppe.
Maintenant, il fallait aller voir Drake, cet attendrissant beau parleur qui lui servait parfois de facteur...(et parfois d'autre chose).

>suite<
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