La réception avait commencé depuis longtemps. Parents et professeurs discutaient, élèves tantôt chahutaient discrètement, tantôt bavardaient gaiement, la soirée allait de bon train.
TambourinMonsieur Serramente se dirigea vers l'aile des étudiants de son cours. Au loin, l'on entendait un air teinté d'amertume, et même de colère. La salle de musique était entrouverte et laissait filer un discret scintillement de cordes qui se faisait plus intense à mesure que l'on avançait.
Les deux claviers de l'instrument étaient martyrisés sans vergogne, le joueur insistant sur les notes comme si elle frappait les touches avec rancœur.
L'homme entra, et la musique se tut.
"Ah, vous étiez là mademoiselle...
- ..."
Il s'approcha et s'assit à côté de son étudiante. Cet homme était l'une de ces personnes toujours avenantes, prévenantes et gentilles avec tout le monde. Un être doux et sans artifice, un musicien sans le sou qui avait vécu la misère avant de se voir récompensé par son génie. Si un jour on lui avait dit qu'il enseignerait, il n'y aurait pas cru.
Et quel enseignement... L'Académie...
Fallait-il croire que sa bonne étoile ne s'était pas éteinte.
Ainsi cet homme avait foi en l'être humain, il était optimiste, et souriant.
Toujours, et c'en était presque énervant...
Assis là, sans dire mot, Ambre le regardait. Quand elle eut assez de son silence qui voulait dire beaucoup, elle joua à nouveau.
Dans le fond, elle n'avait que faire de ce professeur, tout autant que les autres. Cependant, elle gratifia sa gentillesse et sa présence par son morceau préféré. Elle lui demanda de prendre son violon, et à un petit signe de tête, ils commencèrent.
Sonata N°1 en B mineurLorsque tout cessa, elle soupira.
Le professeur, tout de même touché par cette solitaire qui lui rappelait un peu lui à une époque de sa vie - quoi qu'en beaucoup moins riche - lui dit :
"Je sais que cela ne doit pas être facile... Mais vous verrez, un jour vous serez entourée de personnes autres que vos professeurs et vos camarades de classes. Et vous ne serez plus seule...
-J'ai l'habitude. De toute manière..."
Furent les mots dont elle se contenta.
Opaque, telle était cette poupée de glace.
Insondable mélancolie et mystérieux être donc jamais l'on ne cerne les pensées.