début

Apres avoir roulé quelques temps il arriva chez le vieux Vladi. La demeure était une grande bâtisse assez sombre mais luxueuse, avec d’immenses grilles à son entrée. Kedran contourna la bâtisse, matant les berlines de luxe de Vladimir…
« Et ben putain… »
Puis il se retrouva derrière le bâtiment, à l’abri d’une impasse. Kedran sortit du véhicule et se dirigea vers le coffre. Il l’ouvrit pour vérifier si sa captive était toujours dans les vappes.

« Ok je vois que la belle aux bois dormant pionce toujours… bien. »

Il referma le coffre en s’assurant que personne ne l’avait vu et envoya un second sms à son boss.

*De: Kedran à: The Great Fucking Boss
Wé jsui en ba derrier \o/ c’pas votre anniv mais presk là !*

Seth jeta un regard mauvais à son Cellphone qui vibrait sur la table, d’un geste vif il consulta le message. Kedran était ici. Il observa les hommes autour de lui qui finissaient plus ou moins leurs cigares – qui lui avaient déclanché plusieurs crises de toux au cours de la réunion, comme toujours - et qui rassemblaient leurs affaires. La séance était finie et les grands pontes du ‘groupe’ Sevastianev-Liekaterinev saluaient avec emphase le parrain, quittant les uns après les autres la grande salle de meeting. Il se leva faisant mine de classer quelques papiers, essayant de savoir ce que Kedran avait bien lui mijoter une fois de plus.

« Seth, j’aimerais que tu restes, nous allons regarder ensemble les chiffres de cette semaine. »
Il serra les dents et se tourna vers Vladimir.
« Oui bien sûr, je reviens dans une minute je vais poser quelques documents dans… »
« Ton chauffeur ne peut pas s’en occuper ? »
« Je préfère éviter. »

Il tourna les talons, poussant sans ménagement les hommes d’affaires qui bloquaient son passage et traversa le couloir jusqu’à la porte de service. Kedran était en bas des escaliers et mattait avec application sa voiture.
« Je peux t’aider peut-être ? »
« Elle est pas mal votre caisse boss ! Je l’avais jamais vue celle là…pourquoi vous vous garez derrière ? »
« Pour faire parler les crétins. » Il descendit rapidement les quelques marches et se planta à côté de son mercenaire, ramenant l’une de ses mèches de cheveux derrière son oreille. « Si la C5 te plaît elle est à toi…ça dépend de ce que tu m’auras ramené… »
Le technologue approuva d’un signe de tête exagéré et d’un large sourire puis se figea, observant avec incrédulité son patron, comme s’il venait de réaliser quelque chose d’incongru.
« Vous êtres fringué bizarre chef…. »
« Oui, je sais. »

Il était amusant de réaliser à quel point le fait de le voir porter des vêtements civils normaux choquait ses employés qui avaient l’habitude de le voir dans son rôle de mafieux. Cela dit, il était vrai que la différence entre son col roulé et son jean, et les combinaisons dans le plus pur style Cyber qu’il portait en général était assez frappante. A chaque interlocuteur il fallait présenter un masque différent, et Seth, bien qu’ayant horreur de ça, maîtrisait à la perfection l’art de se fondre dans l’image qu’on attendait de lui voir prendre.

« Ouais, c’est space quand même…bon je vous la montre ma surprise ? » L’homme aux cheveux rouges pointait du pouce sa propre voiture en ricanant. Seth fronça les sourcils, ça n’augurait rien de bon.
« Fais voir… »
Le mercenaire ouvrit son coffre d’un geste assuré et précisa :
« ça fait une paye que vous la cherchiez…faudra lui mettre une laisse la prochaine fois ! »
Seth s’immobilisa, la bouche légèrement entrouverte, encaissant lentement le choc de la nouvelle. Non, ça ne pouvait pas être « elle ». Pourquoi cet imbécile l’avait-il amené chez Vladimir !? Ils risquaient à tout moment de se faire surprendre…il risquait de la perde encore. Il se dirigea précipitamment vers la malle.

Kedran s’écarta, laissant sa proie à la vue de son patron. Seth fixait Ambre avec une forme d’anxiété qui le surprenait. Sa respiration s’était accélérée et la vue du corps de la jeune femme, attachée dans une posture inconfortable lui donna un instant envie d’étrangler son propre mercenaire. Il ne l’avait pas vu depuis…trop longtemps.
Il tendit la main vers elle et défit les liens qui la maintenaient, puis écarta les mèches de cheveux qui cachaient une partie de son visage. La logique aurait voulu qu’il n’ouvre pas ce coffre, que Kedran l’emmène jusqu’à chez lui…Mais il voulait la voir avant toute autre chose.

Elle ballotait, ses mains commençaient à s'ankyloser, ses idées tournoyaient au gré des pierres sur lesquelles la voiture butait. La jeune femme tentait de bouger mais ses poignets solidement liés lui refusaient toute obéissance, les liens étaient trop serrés et la faisaient souffrir. Les bras dans le dos, aucune prise ne s'offrait à elle, et sa tête se cognait à chaque choc.
Puis la voiture freina, un peu brutalement la plaquant au fond de l’exigu endroit dans laquelle elle se trouvait. Son crâne retomba bruyamment sur le parterre du coffre...
L'alchimiste avait mal à la tête, derrière la nuque, à l'endroit où l'homme aux cheveux rouges l'avait frappée pour l'assommer... Lancinante, la douleur irradiait ses tempes et l'arrière de son crâne, l'arrière même de ses rétines... Elle plissait les yeux, à moitié consciente, à moitié encore dans les vapes.
Le souffle court, haletante et piégée, l'adrénaline du stress provocant d'incontrôlables convulsions, elle tenta de se figer, de se couper de la réalité en laissant ses yeux clos, alors qu'ils refusaient déjà de s'ouvrir... Soudain, un cliquetis, de la lumière, elle reste éblouie malgré ses paupières fermées...

***

Au contact de ses mains gantées lorsqu'il frôla son visage pour dégager les mèches de cheveux sur sa peau, elle frissonna tel un animal battu qui n’aurait pas le choix de se laisser approcher par la main qui venait de le corriger. Alors elle se sentit soulevée, puis posée à terre, et, chancelante, déposée à l’arrière d’une autre voiture.
L'alchimiste entendit son cousin retirer son gant avec empressement, et il toucha son visage, sa joue, puis frôla sa bouche sanglante du bout de ses doigts.



Alors qu’il avançait ses propres lèvres vers celles qui l’avaient formellement rejeté un an et demi auparavant il entendit derrière lui :
« Je peux savoir ce que ma petite fille fait ici ?... Explications… »

« Je peux savoir ce que ma petite fille fait ici ?... Explications… »

Seth se crispa, enfonçant profondément ses mains dans le siège sombre de la cylindrée et ferma les yeux. Il aurait voulu saisir la tête du vieil homme et la jeter sur le pavement, briser un à un ses os et…il déglutit et passa derechef son gant. Ambre revenait progressivement à la réalité. Il se retourna lentement vers Vladimir et sortit de la voiture.

« Mon employé l’a amenéa ici, elle…a fait une mauvaise rencontre dans Consortium et comme il est un peu con au lieu de la poser à l’hôpital il … »
« Hum… Je vois… Amenez-la à l’intérieur. »
Puis il s’adressa à Ambre :
« Tu vas bien ? Tu as besoin de soins ? »
Ambre secoua franchement la tête pour signifier un non…
« Cela fait longtemps que je ne t’ai vue, tu ne me donnes plus de tes nouvelles. On va discuter un peu si tu ne te sens pas trop mal. »

Il se retourna et disparut par la porte à l’arrière de la grande demeure. Seth lança un regard furieux à Kedran, lui intimant de l'attendre dehors, et attrapa Ambre. Il la collait contre lui, serrant avec force l’un de ses bras. La jeune femme quant à elle reprenait doucement ses esprits à mesure qu’il accentuait son étreinte.
« Aïe… arr… » Il la plaqua brutalement contre lui et posa une grande main sur sa bouche, l’empêchant à moitié de respirer.



« Ferme-la. »

Elle se laissa traîner à contrecœur, lançant derrière elle des regards désespérés… Quelqu’un, quelque chose… tout, n’importe quoi pourvu qu’on la sortît de là…
Non, c’en était autrement, aujourd’hui elle se voyait seule, aussi seule qu’elle l’avait toujours été. Et maintenant Vladimir l'enfermait avec son cousin…
Elle aurait dû lui en parler, lui expliquer ses peurs...
C’était trop tard.

Seth agrippait la taille de l'alchimiste « l’aidant » à avancer. Il la serrait contre lui, de plus en plus fort, se demandant s’il serait capable de la lâcher quand le moment serait venu... ils pénétrèrent dans une salle simple ornée d’un grand bureau et d’une sorte de petit salon.
Le Parrain était assit dans un fauteuil au revêtement rouge et faisait un geste à une femme qui répartissait du thé dans trois tasses précieuses.

« Venez vous asseoir… »
Il lâcha douloureusement sa prise, observant la jeune femme rejoindre d’un pas hésitant un siège.
Il essaya de contrôler un tic nerveux qui le poussait à ouvrir et refermer spasmodiquement sa main gauche, et s’assit à son tour devant la petite table et ses quelques contenants.

Ambre prit une tasse, forcée par le regard insistant de son grand père et les allées et venues de ce dernier entre elle et son cousin.

« Eh bien Ambre, cela faisait longtemps, que deviens-tu ? »
Tremblante, elle sentait la brulure du regard insistant de son cousin ouvrant et refermant sa main gauche d’une façon stressante et effrayante. Elle baissa les yeux, observant en coin, puis les planta dans les yeux gris de son grand père et lui répondit la voix à moitié étouffée.
« J’ai terminé le cycle primaire. Je n’attaque pas le second. Inutile. »
« Eh bien eh bien, pourquoi cela ? »
« Je ne souhaite pas rentrer dans la milice… J’ai appris ce que j’avais à apprendre, et c’est tout. »

Elle était toujours aussi têtue et secrète… Après tout il ne demanderait rien de plus, cette fille, SA petite fille, était extrêmement brillante et ses facultés certaines ne l’empêcheraient pas de reprendre le flambeau comme il le fallait. Il avait toute confiance en son potentiel.
Ambre tiqua, elle réalisait à peine l’allure de son cousin et resta bloquée à l’observer, malgré ce que Vladimir lui disait. Ses yeux d’or se perdaient dans le bleu glacier de ceux de Seth qui arborait une tenue plus qu’anormale…
Des lunettes fines et discrètes, un col roulé qui lui donnaient une allure d’étudiant de dernière année ou de jeune professeur. Ambre tourna d’un coup la tête, parfaitement mal à l’aise et tenta de rattraper la conversation de son grand père.

« Ambre ? Je te demandais où tu vivais maintenant… »
La tasse éclata entre ses mains, la recouvrant de thé brulant et coupant ses doigts, elle se redressant violemment.
Elle dit d’un ton monocorde :
« Je… je reviens je vais essayer de nettoyer les dégâts… »
Elle s’échappa discrètement, lançant un regard vainqueur à son cousin, et partit à la salle de bain.
Ou du moins était-ce ce qu’elle avait fait croire.
Elle détala comme un lapin de la maison de son grand père…

Au bout d’un moment Vladimir appela William, le majordome :
« William, voulez vous bien apporter des serviettes supplémentaire à Mademoiselle Ambre à la salle de bain ? »
« Je crois que ce ne sera pas nécessaire, elle est partie en courant aussi vite qu’un chat traqué par un doberman, monsieur. Si je peux me permettre la comparaison… »

Seth se leva alors brutalement, envoyant presque valdinguer la table sur laquelle était posé son thé, et regarda par la fenêtre. Ambre s’échappait encore une fois… Il abattit avec force son poing droit sur le montant de la fenêtre, sentant la douleur irradier lentement dans sa main. Le parrain s’était levé à son tour et le rejoignait d’un pas calme, souriant malicieusement, illuminant son visage encore empreint d’une beauté certaine.
« Bien bien…on dirait qu’elle n’apprécie pas trop notre compagnie. »

« … »
« A moins que ça ne soit la tienne... »
Le vieil homme se tourna et alla s’asseoir à son bureau, faisant un geste à un de ses employés pour qu’il résorbe le saccage du service à thé qui gisait éventré sur le fin tapis ourlé d’or qu’il avait ramené du Septemtrion. Il fouilla sans ses papiers et s’arrêta sur une ligne chiffre.
« Bien, nous disions donc au sujet de la fluctuation des… »

Le jeune homme se retourna brusquement, s’imposant un effort draconien pour ne pas hurler sur le patriarche.
« Je…vais rentrer. »
« Oui, je m’en doutais, velléitaire comme toujours. Je ne sais pas ce qu’il y a entre vous mais… »

Le cyberpolitain lui tournait déjà le dos, rassemblant ses quelques affaires et passant la lanière de son sac sur son épaule. Sa main lui faisait mal et une légère coloration rouge souillait la blancheur de ses phalanges. Il la tenait…et à cause d’eux…non, à cause de lui !
« Seth ! »
Il se retourna lentement vers le patriarche « Quoi ? »
« Quoi que tu fasses, quel que soit le déguisement que tu passera…tu restes cinglé. »
Vladimir sourit largement, lui indiquant d’un mouvement de main la sortie.

Elle court aussi vite que la première fois, elle ne s'arrête pas, profitant de l'intense fatigue et du "second souffle" de sa course effrénée pour continuer...

Puis la jeune femme s'arrête, haletante, la trachée à la fois glacée et brulante, elle a perdu sa voiture et se mord les lèvres... Une déclaration de vol s'impose malheureusement... De toute manière, sa résidence principale est déclarée chez Vladimir, personne ne la retrouvera.

Puis elle se dirige, et pas gaiement, ni en trottinant, vers ce qui semble être un commissariat. Elle y dépose une plainte, donne la date, l'heure, mais omet d'avoir été dans le coffre de ce même véhicule comme d'avoir vu celui qui l'avait volé.
Si on ne retrouvait pas Kedran, Seth ne la retrouverait pas elle...
Si on le retrouvait, ils contacteraient simplement Vladimir pour la poursuite de la plainte, l'affaire serait classée, mais au moins, s'il commettait la moindre erreur avec son véhicule, elle ne serait pas inculpée ni donc recherchée...

C'était si simple...

Et elle sort de ce lieu plein de gens débordés ou faisant semblant de travailler, empli d'agents bedonnants ricanant, buvant de grands cafés et s'empiffrant grossièrement de pâtisseries populaires...
Elle soupire et sent une brise effleurer ses joues, ferme un instant les yeux, puis se décide a appeler un taxi.


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