Précèdent [Erreur & Errance]

Des heures qu’elle était là à observer ce vieux à plumes aller et venir dans sa boutique, la pipe à la main. Elle n’en pouvait plus de cette inactivité insupportable, de cette monotonie. Elle passa la main dans ses cheveux pour se calmer. Vivement la nuit et l’action.

Après avoir quitté Lê Dei Tiên, Sasarei s’était rendu à Habiltas, un quartier mage qui lui avait donné l’agréable impression d’être revenue chez elle. Les boutiques, les passants, les maisons, tout ici respirait la magie, elle se sentait à l’aise, dans son élément.

Sauf que pour le moment elle avait d’autres projets qu’explorer le quartier et s’extasier devant ses monuments. Et pour les remplir, elle devait glaner le maximum d’information sur son objectif. Autrement dit, surveiller et attendre son heure. Repérer les lieux pour pouvoir s’y téléporter le moment venu, minimiser les risques et agir vite et bien.

Sa main gauche rencontra la poignée de son sabre et ce contact la rassura. Elle se tassa un peu plus derrière sa cachette, pour que personne ne remarque son manège et attendit patiemment que le jour se couche.

Encore une journée terminée. Yhuk souffla sa bougie et tira la couverture sur lui. Maintenant commençait sa lutte quotidienne pour rejoindre le sommeil. Car la vieillesse amène avec elle non seulement la sagesse, la puissance, et les trémolos solennels dans la voix, mais aussi les rides et surtout l’insomnie.
Couché sur sa paillasse, les yeux ouverts, Yhuk écoutait les bruits du soir qui lui parvenaient depuis l’autre côté du mur. Il y avait les roulements des carrioles qui passaient, les voix des hommes qui se saluaient en rentrant chez eux, les derniers cris d’enfant qui refusaient d’arrêter de jouer dehors alors que l’obscurité envahissait les rues… Le vieil indien tira la couverture un peu plus haut sur ses épaules et ferma les yeux.

Son esprit commença à errer dans l’obscurité. Il s’attachait à une idée, puis elle disparaissait dans un soupir et une nouvelle préoccupation émergeait des profondeurs de la nuit. Puis tout s’embrumait à nouveau, et le vieil homme passait ainsi d’une image à une autre, d’un souvenir à un oubli. Des pans enfouis de sa vie filtraient jusqu’à sa conscience à demi endormie, des morceaux de mémoire faisaient jaillir des ciels, des navires, des châteaux, des visages, des parfums, des batailles, des chants, des cris, des déserts, des montagnes et des forêts infinies. Il y avait des voix qui disaient des choses qu’on ne peut pas comprendre, des voix qui se chevauchaient et se mélangeaient dans son esprit. Les voix parlaient des milliers de langues, du kwanti, de l’astarnao, de l’octantin, du lietana et du triev, du nékaon aussi, et d’autres langages plus étranges encore, aux consonances dures ou chantantes. Et toutes ces voix se brouillaient dans son esprit avec les bruits, les odeurs et les images, et se fondaient dans la nuit à présent silencieuse…
Le sommeil l’enveloppa.

Plus tard dans la nuit, Yhuk entendit un bruit qui le tira du sommeil. Il tendit l’oreille un instant, scrutant l’obscurité, puis, comme il n’entendait rien, décréta qu’il s’agissait d’un chat de gouttière...et se rendormit.

Le vieux était parti se coucher. Sasarei le savait parce qu’il avait fermé la devanture de sa boutique et avait disparu à l’arrière. Et puis, la lumière tamisée c’était éteinte d’un coup.

Elle attendit encore une bonne demi-heure, histoire d’être certaine qu’il aurait rejoint les bras de Morphée et puis elle passa à l’action. Il n’était pas spécialement tard, mais personne ne circulait dans la rue. Elle la traversa en silence et colla ses mains et son front sur la vitrine, vérifiant que tout était calme. La boutique était plongée dans le noir, c’était le moment où jamais, elle visualisa le tapis à l’intérieur et se téléporta dessus.

Surtout ne pas faire de bruit, rester calme et concentrée. Sasarei se déplaça lentement devant les nombreuses étagères, fouillant du regard, traquant le moindre indice qui la conduirait à ce qu’elle recherchait. Quelque chose de précieux et de rare…qu’elle n’aurait jamais eu l’idée de voler…

« - Je veux que vous me rameniez l’écaille de Léviathan que possède Yhuk’ta Shwarin. Sa boutique se trouve dans le quartier d’Habiltas, vous la trouverez facilement, elle est unique en son genre et c’est la seule qui vende des objets d’une valeur inestimable pour les invocateurs comme moi.

- Pourquoi n’achetez-vous pas tout simplement l’article qui vous intéresse ?

- Parce que celui que je convoite, n’est pas à vendre tout simplement. A mon avis vous ne le trouverez même pas dans le magasin, recherchez-le dans la réserve. C’est là qu’il l’aura conservée sans aucun doute.

- Donc, si j’ai bien compris, je dois m’introduire par effraction chez l’un de vos concurrents et tout ça pour vous ramener une simple écaille ?!

- Si seulement vous saviez ma chère… ce n’est pas qu’une simple écaille.

Le sourire pseudo-énigmatique du vieux Lê à ce moment précis ne lui avait pas paru de bon augure, mais elle avait accepté la mission.

Effectivement, l’écaille n’était pas exposée en boutique, à la vue et au su de tous. Sasarei avisa une porte derrière la caisse. Voilà qui devrait la mener dans la réserve. Elle s’approcha à pas de loup et entrouvrit légèrement la porte, la poignée lui glissa alors de la main et émit un bref grincement.
Elle n’avait pas trouvé la réserve, mais la chambre du propriétaire. Au froissement délicat de couvertures que l’on remet en place Sasarei se figea. L’avait-elle réveillé ? Pitié non !

Un léger ronflement lui parvint et elle recommença à respirer. Bon, demi-tour et vite !!! L’accès à la réserve doit se faire par le toit. Let’s go !

Le toit, la nuit, les étoiles, la brise, elle était maintenant sur la terrasse. Elle se rapprocha du premier étage et se hissa sur la pointe des pieds pour observer l’intérieur de l’unique pièce plongée dans le noir. A vue-de-nez, c’était une espèce de salle d’eau rudimentaire. Elle s’y téléporta, manquant de se casser la gueule en glissant sur le carrelage humide. Elle se rattrapa au bac vide (certainement la baignoire) et s’approcha de la porte. Cette fois, c’est la bonne, se dit-elle en mettant la main sur la poignée.

Sauf que la porte était verrouillée -_- fail… Impossible de forcer la serrure maintenant, le vacarme aurait alerté tout le quartier. Sasarei se pencha et collant son œil contre la serrure rouillée, tenta de distinguer la pièce qui se trouvait derrière. C’était la réserve, elle l’aurait parié, sauf qu’elle ne voyait pas nettement l’intérieur. L’atterrissage risquait d’être hasardeux. Tant pis.

Elle serra les dents et se téléporta dans ce qui était effectivement la réserve. Sans bouger, elle scruta minutieusement les étagères recouvertes d’un bric-à-brac sans nom, balayant les objets insolites et hétéroclites de son regard inquisiteur. Et elle finit par trouver ce qu’elle était venue chercher…l’écaille !! Sasarei la voyait scintiller a travers la paroi de la boîte en verre dans laquelle elle était conservée. L’écaille luisait d’un étrange éclat bleu-argent, tel un petit reflet d’eau chatoyant dans la pénombre de cette réserve sordide.

Pressée d’en finir, Sasarei esquissa un pas vif en avant et sentit sa tête lui tourner et sa vision se brouiller. Elle papillonna des yeux, sentant venir la chute, elle avança encore. Ses doigts agrippèrent le rayonnage au moment où son pied gauche heurta doucement une sorte d’amphore en cristal. Il y eut un léger tintement et elle retrouva tous ses moyens. Elle tourna la tête à gauche, le coffret de verre était à une dizaine de centimètres. Elle tendit la main…

Un tintement de cristal.
Tsantza ouvrit l’œil. Il était sûr et certain d’avoir entendu un bruit provenant de la réserve.
« Yhuuuuk » chuchota-t-il. Il envoya un léger flux magique vers le vieux qui s’éveilla aussitôt. (Les vieux ne dorment jamais vraiment.) Yhuk sauta donc sur ses pieds et, informé de la situation par sa fidèle tête réduite, il prit la clé de la réserve qu’il cachait sous son oreiller et s’empressa d’aller l’ouvrir.

Une gamine. Une gamine aux cheveux anormalement rouges s’était introduite dans sa réserve ! Et elle tenait dans sa main…son écaille de Léviathan ?! La colère monta subitement.

« Petite voleuse ! Repose ça tout de suite !
- Ah ah ! Tu crois ça le viock ? »

Yhuk vit la jeune femme faire un mouvement typique des thaumaturges qui s’apprêtent à se téléporter – non ! elle n’allait pas disparaître comme ça !
Ouf. Elle avait épuisé sa réserve de pouvoir. La téléportation n’avait pas fonctionné. Elle était toujours là, coincée dans cette pièce minuscule et maintenant elle vacillait, à bout de forces. Tenter de se téléporter lorsqu’on est déjà faible est risqué…

« Rends-moi l’écaille ! » intima Yhuk.

Sasarei ne pouvait pas faire autrement. S’accrochant à une étagère pour ne pas tomber, son regard fébrile tourné méchamment vers le vieux, elle lui tendit l’écaille à contrecœur. Yhuk s’en empara, la glissa dans l’une des innombrables poches qui peuplaient le revers de sa cape, puis il agrippa Sasarei par le col (l’impertinente avait au moins le mérite d’être plus petite que lui !) et la traîna sans difficulté (vu son état) jusqu’à la chaise de son atelier où il la fit asseoir.

« QUI es-tu ?! » tonna-t-il.

Puis il s’aperçu qu’elle s’était évanouie. Fail.
Il soupira. « Pfff, j’avais bien besoin de ça, tiens ! » Il s’essuya le front et but une gorgée d’eau dans une bouteille qui traînait sur sa table de travail, avant de se laisser glisser par terre où il s’assit en tailleur, juste en face de la jeune fille évanouie sur la chaise. Il plongea dans une sorte de méditation, les yeux fixés sur la frêle silhouette qu’il peinait à distinguer dans la pénombre.
Pourquoi une jeune thaumaturge voulait-elle voler une écaille qui n’est utile qu’aux invocateurs expérimentés ? Elle était forcément employée par quelqu’un. Quelqu’un qui savait que cette écaille existait et qui savait le pouvoir qu’elle renfermait. Mais qui ?
Soudain une image traversa l’esprit de Yhuk. L’image d’un Néféri paré d’une longue tresse qui descendait le long de son kimono. Un homme qu’il détestait autant qu’il en était détesté. Lê Dei Tiên. Ça ne pouvait être que lui ! Lê Dei Tiên, son rival de toujours, son ennemi juré, sa Team Rocket, sa cryptonite ! Mais que faisait-il à Range Harbor ? Était-il venu spécifiquement pour le retrouver, lui, Yhuk’ta Shwarin ?
La jeune femme s’éveilla, coupant court à ses réflexions. Immédiatement, elle fit un mouvement pour s’enfuir. Mais tout en réfléchissant Yhuk avait tracé sur la terre battue des cercles et des symboles. Il ne prononça qu’un mot, « Askook », et un long serpent surgit de terre entre les symboles, et s’enroula rapidement autour des chevilles de la gamine et des pieds de la chaise. Puis le serpent continua de grandir, émergeant indéfiniment à la surface du sol comme si son corps avait été infini, et s’enroula autour des jambes, des cuisses, des hanches, du buste de Sasarei pour la maintenir fermement contre le dossier de la chaise.
Elle essaya de se débattre, mais la prise du reptile se resserra.

« Ne bouge pas trop, jeune fille. Si tu te tiens tranquille, il ne te serra pas plus que nécessaire. Si en revanche tu t’agites trop… » Il mima un geste de broyage en affichant un léger sourire sadique. Sasarei s’immobilisa. « Fort bien. Maintenant tu vas me dire QUI t’a envoyée. »

Rien n’avait marché comme prévu, et en particulier, le talent sur lequel son plan reposait…sa téléportation. Juste au moment où une retraite rapide aurait été nécessaire, et ben non. Elle avait échoué, lamentablement pour couronner le tout. Sa tentative de fuite avortée l’avait expédiée dans les pommes et le vieux n’avait plus eu qu’à la cueillir.

Et maintenant elle était là ligotée par une invocation à une chaise miteuse avec l’impression très désagréable qu’un immense vide dans sa tête avait pris la place du bout de cerveau qui gérait la magie. En plus de ça, le vieux s’était mis en tête de l’interroger pour lui soutirer ce qu’elle savait et il n’avait pas l’air de rigoler lui ; même si la vision du faciès ridé et du corps maigrichon, soigneusement attifé d’une cape à fourrure d’un mauvais goût affiché, beuglant des questions qui resteraient sans réponse la faisait doucement rire elle.

Raaaah !!!! Mais bordel ! Comment ce vioque tout décrépi a-t-il pu me capturer ? Pourquoi j’arrive pas à me casser d’ici ??!!!

Par acquis de conscience, La jeune femme tenta à nouveau de se téléporter, ne réussissant qu’à se procurer une migraine fulgurante. Elle grinça des dents, alors que le vieux reposait de nouveau sa question.

« Alors gamine, qui t’a envoyée ?



- Va te faire foutre, répondit laconiquement Sasarei »

Après tout, la pirate n’avait pas pour habitude de se laisser dicter sa conduite. Et encore moins de faciliter la tâche de ceux qui la ligotaient à une chaise et l’interrogeaient pour connaître ses motivations. Et puis elle avait toujours aimé la provocation gratuite ^^.

« Va te faire foutre ! »

Yhuk ne put s’empêcher d’afficher une mine offusquée. Quel toupet ! J’vous jure, les jeunes de nos jours… ! Mais il fallait avouer que la gamine avait du cran. Une grande gueule, mais de l’audace. Un sourire désormais amusé étira les lèvres de Yhuk.

« Petite, je te prierais de surveiller ton langage. Je n’apprécie guère de m’envoyer ‘faire foutre’ par une gamine de ton acabit. Je voulais te laisser une chance d’avouer tes crimes, mais tu sembles quelque peu réfractaire à la chose…
- Quelque peu, ouais ! » cracha la fille aux cheveux rouges, certainement par pure provocation.

Sans prêter attention à cette réplique somme toute inutile, le Yhuk se leva lentement, fit trois pas vers le cercle de pierres qui délimitait de foyer de son feu, et embrasa quelques brindilles avec des allumettes – il en avait racheté la veille lors de son excursion en zone technologue. Puis il s’assit à nouveau, derrière le feu, face à la jeune fille, et commença à réchauffer devant le foyer ses mains que son vieux cœur ne parvenait plus à irriguer suffisamment.
La lumière des flammes éclairait étrangement son visage de vieil homme, faisant ressortir par le jeu de ses ombres la multitude des rides qui sillonnaient sa peau. Il y avait de grandes rides, qui étaient comme des fleuves immenses, et de plus petites qui étaient leurs affluents. Il y avait aussi des rides minuscules qui n’étaient qu’un filet d’eau. Et le réseau complexe de ces traces qui soulignaient ses yeux, ses pommettes, le contour de son sourire, ces traces qui s’effondraient sur le bas de ses joues, tout cela formait comme l’image d’un delta dont les entrelacements seraient infinis. Les rides étaient la cicatrice du temps, et le temps s’écoulait comme coule l’eau sous les ponts.
La lumière des flammes avait aussi éclairé le visage de la jeune fille. Elle était son exact opposé. Du moins en matière de rides. Son visage poupin semblait n’avoir subi aucune altération depuis le jour de sa naissance. Pourtant, ses yeux très noirs (aussi noirs que ceux de Yhuk, et c’était probablement là leur seule caractéristique physique commune) brillaient d’un mélange de colère et d’exaspération qui n’avait rien d’enfantin.

« Bon ! On va s’regarder dans le blanc des yeux pendant encore longtemps !? »

Yhuk se contenta de sourire légèrement en baissant son regard vers les flammes.

« Patience, minuscule scarabée. »

Il laissa passer encore un moment de silence, puis :

« Je sais que c’est Lê Dei Tiên qui t’envoie. »

Un coup d’œil à la réaction muette de sa prisonnière lui assura qu’il avait vu juste.

« Humpf. Depuis qu’il sait que je possède l’écaille du Léviathan, il ne cesse d’essayer de me la voler. Mais elle est à moi ! Je l’ai conquise au péril de ma vie ! C’était il y a plus de trente ans, un jour d’orage où… Un soupir de la jeune fille interrompit son élan. Mais certainement que les péripéties de la vie d’un vieillard sont de peu d’intérêt pour une jeune fille aussi intrépide que toi ? N’est-ce pas ? C’est ce que tu penses : encore un vieux con qui aime donner des leçons. Et tu as raison. Je suis un vieux con et j’adooore donner des leçons aux jeunes malappris dans ton genre ! Mais ce soir je m’abstiendrais… Parce que j’ai mieux à faire. »

Il se leva.

« Je te propose un ‘deal’ comme on dit, » fit-il en s’approchant d’elle.

Elle leva la tête vers lui, rejetant ses cheveux en arrière, fière malgré le serpent qui enserrait son cou, et le fixa d’un air plus provocateur que jamais, comme pour dire ‘cours toujours le vieux, je ne lâcherai rien’. Mais Yhuk la toisa avec confiance avant de continuer :

« Tu as probablement rencontré Lê Dei Tiên dans une échoppe, ou dans une taverne. Il a remarqué ton allure de…mercenaire vagabond, et il t’a proposé de l’argent pour venir me voler. Mais je crois pouvoir t’offrir davantage que tout ce qu’il pourra te donner… »

[Hrp: Le répliques entre [crochets] au milieu d'autres répliques marquent un moment où les deux persos parlent en même temps, pas très fort ou sans s'écouter. J'espère que vous arriverez à comprendre le gros du dialogue ^^]

Ils s’étaient longuement affrontés du regard, détaillant tout deux la personne qui leur faisait face. Yhuk observant, constatant ; Sasarei jaugeant et réfléchissant au meilleur moyen de déguerpir en vitesse. Elle était bien décidée à ne pas laisser échapper la moindre info qui aurait pu, à ses yeux, rendre sa défaite totale face au vieux.

Sa belle résolution tomba en miettes, au moment où Yhuk prononça le nom de son employeur. Elle se figea et s’efforça d’afficher la mine la plus neutre possible. Elle ignora superbement toutes les tirades suivantes de Yhuk, qui finit par lui parler de faire un marché. Elle n’avait pas dit son dernier mot…

« Tu as probablement rencontré Lê Dei Tiên dans une échoppe, ou dans une taverne. Il a remarqué ton allure de…mercenaire vagabond, et il t’a proposé de l’argent pour venir me voler. Mais je crois pouvoir t’offrir davantage que tout ce qu’il pourra te donner… »

« Ecoute papy, contra-elle, je ne marchande pas avec un vieux drapé dans une peau de bête miteuse. J’ai des principes tout de même. »

Yhuk pris un air boudeur. Se drapant dans sa dignité froissée.

« Quoi ! Je ne sais pas ce que vous avez tous avec mon manteau ; mais il est très classe, dit-il avec conviction. »

« Pour sûr. C’était certainement très à la mode…il y a cinquante ans, rétorqua Sasarei. Tu devrais prendre exemple sûr ; je suppose que c’est ton petit fils, le grand bronzé que j’ai vu chez toi cet après-midi. Bref tu devrais prendre exemple sur lui si tu ne veux pas avoir l’air d’un paillasson poussiéreux.»

Yhuk en avait les yeux ronds comme des billes, tellement il était atterré de se faire insulter de la sorte. « Paillasson poussiéreux » grommela-t-il mécontent. Même pas vrai. Et puis Jayke s’habille vraiment trop moulant. » Ajouta-il pour lui-même.

« Peut être, mais au moins, lui il n’est pas aussi ridicule que toi ! »

« Pensez c’que vous voulez ! Bandes de jeunes ! »

« Hey ! Relativise papy ! [Je n’ai plus l’âge de changer de mode toutes les trois semaines.] Au moins, tu amènes du bonheur à Range Harbor, ajouta la jeune femme. Tu fais marrer les gens rien qu’avec tes fringues et ta tronche de vieux blasé xD. »

De plus en plus vexé, le vieil homme renchérit, essayant de se justifier.

« Je n’ai pas une ‘tronche de vieux blasé’ ! Je suis un mec cool, Affirma-t-il avec conviction.» Quel mot affreux que…’cool’…-_-

Tout sourire, Sasarei sauta sur l’occasion qui lui était offerte.

« Mais oui, mais oui. Et la marmotte… »

« Bon jeune fille…cesse !! »
[Pauvre vieux, il débloque complètement, soupira la pirate.]

C’est qu’il commençait à en avoir ras-la-tête réduite de ses sarcasmes. Après tout, c’était lui l’aîné, et de beaucoup, et cette gamine impertinente lui devait le respect !!

« J’aime mon manteau !!! Il tient chaud et c'est un cadeau qu'on m'a fait. Il a une valeur sentimentale, comme on dit. Et puis, si tu étais moins ignare, tu aurais remarqué qu'il est en peau de dromadaire…oui parfaitement ! C'est extrêmement rare et très cher ! Seuls les nomades de Néfer-Sund savent comment fabriquer ces trucs-là! »

« En peau de dromadaire…ouh bonjour l’odeur, le coupa Sasarei en plissant son petit nez. »

« La peau est lavée, rétorqua Yhuk excédé, [Ah oui?…] et puis bon au bout de trente ans…»

« Autant pour moi, repris Sasarei, je savais pas que c’était ton odeur naturelle… » *grand sourire*

« Au temps pour moi, je savais pas que c’était ton odeur naturelle, » lança la gamine en affichant un grand sourire.

Yhuk s’immobilisa. C’en était trop. Il y avait ce tutoiement insupportable, auquel s’ajoutait la multitude des insultes qu’elle osait lui jeter à la figure et, maintenant, cette ultime provocation ! Il n’allait pas se laisser faire. Il décida d’endosser à nouveau son rôle de vieux sadique : d’un geste de la main, il fit se resserrer l’emprise du serpent, ce qui eut l’agréable effet de faire disparaître aussitôt le sourire provocateur de la gamine.

« Sache, jeune fille, que je t’emmerde profondément. Je me fiche éperdument de tes goûts vestimentaires, et maintenant tu vas écouter le marché que j’ai à te proposer. »

Il était évident que les pitreries de la gamine ne lui servaient qu’à gagner du temps. Elle espérait peut-être pouvoir récupérer assez d’énergie pour pouvoir s’enfuir. Mais elle ne risquait pas de reprendre des forces, puisqu’il avait décidé de la priver d’eau et de nourriture jusqu’à nouvel ordre (on est un papi sadique tortionnaire ou on l’est pas hein…).
Yhuk jeta quand même un dernier coup d’œil à son manteau. Décidément il ne voyait pas le problème… Bref. Passons aux choses sérieuses.

« Mon marché est le suivant : tu me dis où je peux trouver Lê Dei Tiên. En échange, ajouta-t-il en desserrant l’emprise du serpent pour la mettre en confiance, je t’offre : un, la vie sauve ; deux, la somme de 40 astrayas.
- Pff, l’autre vieux m’a déjà payé 50 et me promet 60 astrayas supplémentaires si j’atteins mon but.
- Humpf, il est plus riche que moi !…Alors j’ajoute à la mise… Yhuk se dirigea vers une étagère et y prit un lacet en cuir au bout duquel était suspendu, comme en pendentif, une pierre qui prenait des reflets d’un rouge violacé à la lumière du feu. Ceci.
- Tu m’offres un caillou ? Merciii ! » ironisa la gosse.

Yhuk soupira. Il en avait assez de ses sarcasmes à deux balles.

« Ceci, ma chère, n’est pas un vulgaire caillou. C’est une pierre de Blihic’. »

Elle afficha un air fatigué qui signifiait « Ranafout’ de votre bli-truc », mais son regard trahissait une certaine curiosité.

« Le Blihic’ est une roche extrêmement rare… commença-t-il en balançant le pendentif de droite à gauche comme un pendule. C’est une roche sous-marine, présente essentiellement dans les grandes profondeurs. J’ai obtenu ce fragment au cours de l’un de mes nombreux voyages, au péril de ma vie. C’était il y a plus de vingt ans, un de ces jours où le ciel paraît trop bleu pour être vrai et… Un nouveau soupir de la jeune fille interrompit une fois de plus son élan. Rah ! Jeune fille, tu frustres mes velléités de conteur ! Elle lui jeta un regard lassé. Soit ! Je m’abstiendrai, encore… Toujours est-il que cette pierre, reprit-il en désignant le pendentif, a la particularité (en plus d’être ma foi très jolie, mais ça, osef) de renfermer de la magie… Et cette magie devient une réserve d’énergie pour celui qui possède la pierre. »

Yhuk vit le regard de la fille aux cheveux rouges briller. Elle commençait à comprendre que l’objet qu’il avait entre les mains était exactement ce dont elle avait besoin dans le genre de situation où elle se trouvait à présent.

« Bien sûr, cette réserve d’énergie est limitée…mais elle peut s’avérer très utile. Et une fois la pierre vidée, elle se recharge d’elle-même en deux ou trois jours. C’est un gadget disons…intéressant, n’est-ce pas ? »

« C’est un gadget disons…intéressant, n’est ce pas ? »

Un peu que ça l’était, et cette minuscule pierre devait valoir bien plus que les quelques astrayas que lui avait promis le Néféri, se dit Sasarei, même si ça ne me donne pas d’endroit où dormir, ça m’évitera déjà de me faire séquestrer lors de futures missions.

Que faire ? Trahir le premier vieux pour le second, uniquement par appât du gain ? Non. Ça ne lui ressemblait pas. Il lui fallait une véritable raison.

Elle secoua la tête, dégageant son front des quelques mèches écarlates qui lui voilaient les yeux et fixa son regard sur la pierre qui se balançait doucement de gauche à droite, puis sur Yhuk.

« - Je veux bien te dire où trouver Lê Dei Tiên mais avant, je veux savoir ce qui s’est passé entre vous deux. Pourquoi il cherche à te voler et pourquoi tu veux le retrouver ? Je suis peut-être une pirate, une voleuse et tout ce que tu voudras ; mais je ne trahis jamais ma parole sans une raison valable à mes yeux. »

Elle avait dit cela tout à fait sérieusement, en fixant le vieil homme droit dans les yeux et en abandonnant derrière elle ses répliques sarcastiques et pseudo-désabusées. Pupilles noires connaissant à peine la vie reflétées dans leurs égales, noires d’avoir tout vu ou presque.





Il savait qu’elle n’en démordrait pas.

« -Si ta raison me convient, je te mènerais moi-même jusqu’à mon commanditaire, ajouta-elle. Le marché te convient-il ? »

La gamine avait tout à coup l'air sérieux. Yhuk soutint son regard.

« Je veux savoir ce qui s’est passé entre vous deux... Le marché te convient-il ?
- ...Il me convient. »

Yhuk prit lui aussi un air solennel, et se détourna d'elle pour faire quelques pas en direction du feu, comme s'il cherchait par où commencer. Puis il se retourna tout à coup, l'air triomphal :

« Ahem. » se reprit Yhuk, affichant à nouveau une mine concentrée. « Ainsi tu veux connaître ce qui me lie à Lê Dei Tiên. C'est une histoire qui remonte à plus de trente ans... Tu dois savoir, avant toute chose, que j'ai beaucoup voyagé. Et l'un de mes voyages m'avait mené dans les plaines du Désert de Ghiao, à Néfer Sund. J'y ai rencontré une tribu de mages nomades, les Kûo, et je suis resté près de trois ans avec eux. J'ai appris à connaître leurs coutumes. J'ai appris à survivre dans le désert. J'ai aussi appris que le Ghiao abritait sans distinction mages, alchimistes et sans-pouvoirs, tous nomades, tous fils du désert...
« Mais chacun sait que les nomades ne sont jamais bien vus. On les appelle errants, vagabonds, pillards. Et leur fin commença lorsqu'un nouveau roi, Zhu Yuang, arriva sur le trône du Royaume de Taiho. Ce Royaume occupe les littoraux de cette région du Néfer-Sund et, en théorie, il recouvre aussi le désert de Ghiao. Mais, en pratique, personne ne contrôle les nomades. Ils échappent aux cartographes, à l'armée, aux collecteurs d'impôts... Zhu Yuang s'est mis en tête de les sédentariser pour leur faire cultiver des terres fertiles récemment conquises à l'est du Royaume. Mais les nomades ne voulaient pas se laisser faire... Ainsi la guerre a commencé. »

Le regard de Yhuk se perdit dans les flammes et il se fit silencieux.

«Hem... c'est très intéressant tout ça, intervint Sasarei, mais j'ai peur de ne pas saisir le RAPPORT avec ce dont on parlait ê_e
- Le rapport, jeune impatiente, c'est que Lê Dei Tiên était un général de l'armée de Zhu Yuang. Plus précisément, il était LE général chargé de réprimer dans le sang les tribus qui résisteraient. Les Kuô ont résisté. Moi avec eux. Et dans la bataille, mon meilleur ami Namtha a été tué de la main du Général Dei Tiên... »

Yhuk laissa passer un silence. Il était sur le point de reprendre quand Sasarei l'interrompit :

« Là, je comprends pourquoi tu lui en veux. Mais pourquoi LUI t'en veut-il ?
- N'as-tu pas remarqué qu'il boîte quelque peu ?
- Peut-être... Je n'ai pas fait attention.
- L'une de mes invocations a dévoré sa jambe droite ce jour-là. C'était ma vengeance. Mais ce n'était qu'une demie-vengeance : j'aurais tellement aimé le tuer de mes mains... Il a fait massacrer les trois quarts de la tribu, et le reste a été obligé de fuir. Moi, c'est ce jour-là que j'ai cessé de vivre dans le désert. J'ai invoqué Wanli, mon totem. C'est un aigle géant. Je suis monté sur son dos, et il m'a mené hors du désert. Je n'y suis jamais retourné. Mais Lê Dei Tiên avait promis de me retrouver... Et il a tenu parole. Je ne compte plus le nombre de fois où nous nous sommes affrontés depuis. Ce pauvre Lê doit vraiment se sentir seul : il n'a rien d'autre à faire que de me poursuivre aux quatre coins du globe ! À vrai dire, si j'aspire encore à le tuer, c'est simplement pour..........avoir la paix =_=' »

« - Vous les vieux, vous avez la rancune tenace, soupira Sasarei, même si vos raisons sont valables, vous avez passé l’âge de vous mener une guerre puérile. Enfin, je suppose que vous savez ce que vous faites ; l’expérience, la sagesse…tout ça. Et donc, je vais te conduire à lui…

Elle baissa les yeux sur le serpent qui l’enserrait toujours contre la chaise.

- Enfin si tu veux bien me libérer ? »

Yhuk grommela quelques mots incompréhensibles et l’invocation disparut comme elle était venue. Sasarei bondit sur ses pieds et entreprit d’étirer ses muscles endoloris par l’emprisonnement prolongé.
Quelques craquements plus tard, elle se coucha sur le tapis et ferma les yeux.

Yhuk fût assez surpris de la manœuvre et ne manqua pas de le faire savoir.

« -On peut savoir se que tu fais, jeune fille ? »

Sasarei ne se donna même pas la peine d’ouvrir les yeux pour lui répondre.

« - Ben je dors, figure-toi. Et tu ferais bien d’en faire autant si tu veux mettre une raclée à ton vieux pote Dei Tiên. Faudra être en pleine forme demain matin. »

« -Demain ?! Je pensais que tu aurais l’obligeance de me conduire à lui maintenant, s’indigna Yhuk. »

Sasarei poussa un soupir excédé et quitta sa stature de chien de fusil pour se mettre en tailleur face au vieux.

- Ecoute papi. C’est pas parce que t’as des insomnies depuis dix ans que tout le monde peut organiser une attaque commando contre un vieux général décrépi à trois heures du matin. Alors t’es gentil, tu prends ton médoc, tu bois ton verre d’eau et tu vas te coucher sans faire d’histoire ok ? Parce que moi, avec la journée que j’ai eue, j’ai bien méritée un peu de repos. Donc là, maintenant, c’est l’heure du dodo !
Sur ce… bonne nuit. »

Et elle se recoucha sur le tapis, tournant le dos à un Yhuk’ta bouche bée, totalement éberlué de se voir faire faire la leçon par une gamine à peine sortie de l’enfance.
« Les jeunes de nos jours, marmonna-t-il, plus aucun respect. »

Yhuk s’allongea dans son lit, perplexe. La gamine ne manquait pas de toupet : elle essayait de le voler, puis s’invitait chez lui ! On n’était pas à l’hôtel tout de même ! Mais, après tout, attendre le lendemain n’était pas si bête…Tout à coup un doute le prit :

« Qui me dit que tu ne vas pas me voler et filer pendant que je dors ? »

Seul un léger ronflement lui répondit. Elle dormait déjà. Les jeunes s’endorment avec une facilité… ! Il soupira, vérifia que l’écaille était toujours dans sa poche intérieure, puis chuchota à l’adresse de Tsantza : « Hey, sale caboche ! Tu veux bien surveiller cette jeune femme pour moi pendant que je dors ? » La tête réduite ricana : « No problemo le viock ! » Après cet échange presque cordial, Yhuk se retourna dans son lit et ferma les yeux.

Lorsque le soleil se leva, la gamine dormait toujours. Elle ne s’était pas enfuie. Elle n’avait rien volé. Elle avait simplement dormi. Peut-être qu'elle n'était pas irrécupérable !
Yhuk s’extirpa des couvertures et fit craquer ses vieux os : le grincement de ses hanches le fit grimacer. On ne s’habitue jamais vraiment à la décrépitude… Il ralluma le feu, mit de l’eau à bouillir pour le thé – aimait-elle le thé ? – puis se tourna vers Tsantza :

« Elle n’a rien fait pendant mon sommeil ?
- Elle n’a fait que dormir, elle n’a pas bougé de la nuit ! Enfin... sauf au moment où elle s’est mise à donner des coups de pied dans le vide en crachant des insultes… Cette petite fait des rêves violents, la pauvre doit avoir subi d’horriiibles traumatismes !...

Yhuk fit mine de ne pas relever les sarcasmes, mais se fit la réflexion que la gamine avait effectivement dû vivre bien des choses pour être aussi endurcie.

- Quel jour sommes-nous ? demanda-t-il encore.
- Tu perds le compte des jours, papi ? Pourtant les tiens sont comptés ! se moqua Tsantza. On est Dimanche.»

Dimanche. Pas besoin de s’occuper du magasin. « J’ai tout mon temps libre pour aller éclater la gueule à l’autre vieux schnok bridé, » pensa-t-il en essayant d’oublier qu’il était lui aussi un papi aux yeux étroits.
Il n’y avait plus qu’à attendre que la marmotte au poil rouge daigne se réveiller…

Le jour se lève, c’est le petit matin.
Jayke Moireathan arriva de bonne heure devant la boutique de son grand-père, un poil fatigué parce qu’il n’avait pas réussi à dormir de la nuit (le truc qu’il avait paumé lui avait coûté la peau du cul, alors il comptait bien le récupérer !). Comme à son habitude, le jeune homme ne prit pas la peine de sonner et entra à la place directement, sans même frapper à la porte. Il était seul, Keane n’étant pas revenu de sa vadrouille d’hier.
La première chose qu’il vit en entrant n’était pas Yhuk en train de parler à son foutu djinn, mais une forme allongée sur le sol, cachée par une couverture. Jayke s’arrêta un instant, interdit, puis quand il s’avança un peu plus près pour voir de quoi il s’agissait, il remarqua de longs cheveux rouges et un visage tout à fait féminin ressortant du tout.

− … Papy… Papy !
− Oui… ! Que se passe-t-il, fils ? répondit enfin le vieil homme un peu plus loin.
− C’est quoi… (il pointa la silhouette prostrée du doigt) ça ?
− Ce n’est pas « ça », petit impertinent, mais une jeune fille plongée dans un profond sommeil, alors te le prierai de faire moins de bruits…

Les yeux rouges du jeune Kwanaïn se fixèrent sur son grand-père, en plus d’une expression fort évocatrice du fin fond de ses pensées.

− Eh bien papy… Tu t’es enfin payé une prostitué ! Il était temps ! lâcha-t-il, goguenard.
− Quoi ?! Oo Non non ! J’ai passé l’âge (fufu)
− Arrête de mentir, vieux pervers. Tu crois que je suis con ? Je te connais… Je vois bien que tu disparais quand tu vas voir Satinka… eh eh.
− …

Jayke prit un air dégoûté tout en marmonnant « Arg… faire des trucs… dans son bureau » (vision d’horreur soudain). Contrairement à ce qu’il attendait, Yhuk émit un rire amusé dans sa main, puis il redevint sérieux et déclara :

− Arrête un peu fils. Ma vie sexuelle ne te regarde pas… (il tourna la tête vers Sasarei) et ne regarde pas cette jeune fille.
− … Ouais, bon (toussote) hum, et donc, qu’est-ce qu’elle fait là d’ailleurs ?
− Je l’ai simplement abritée pour la nuit parce que euh… c’est une longue histoire en fait hum… Prends donc un thé et assieds toi.
− J’ai l’habitude que tu me bassine avec tes histoires pourtant…

Le jeune homme alla s’asseoir malgré tout. Au moment où il passait à côté dé Sasarei, quelque chose agrippa brusquement son pied... Il baissa la tête et vit une main sur sa cheville.

− WTF ?!

Jayke sursauta, manquant de se ramasser par terre de surprise et baissa les yeux pour identifier ce qui l’avait attrapé.

- Que…Put…Mais…lâche-moi-toi ! lança-t-il à Sasarei.

Il agita son pied pour se dégager, mais la jeune fille ne bougea pas, se contentant de resserrer sa prise en marmonnant dans son sommeil. Jayke décida alors de détendre les doigts qui le retenaient un à un et se pencha sur Sasarei.
Sasarei qui au même moment ouvrait lentement les yeux, eut la vision d'une chose brune et mate non identifiée avec des trucs noirs qui pendent est penchée sur elle. « Alerte ! Alerte ! » Hurlèrent ses alarmes internes. Et à ce signal, elle réagit au quart de tour.
Serrant toujours la cheville de la chose dans sa main gauche, elle se redresse brusquement et frappe de toutes ses forces le truc aux cheveux noirs…

Des cheveux noirs Oo ??!

Debout face à face, Sasarei fixait Jayke sans comprendre ce qui se passait. Alors même que Jayke fixait la fille en pétard après le coup qu’il venait de prendre.

« - Wtf !!! T’es qui toi au juste? demanda Sasarei d'un air méfiant.»

Elle venait juste de se réveiller et avait les idées un peu embrouillées. Après tout c’était le matin- Déjà?! - elle n'avait pas beaucoup dormi, tout ça et elle ne se rappellait pas qu’elle avait vu le jeune homme pas plus tard que la veille, lorsqu'elle observait la boutique du vieux et qu’elle l’avait même identifié comme son petit-fils. En fait à ce moment précis, Sasarei était totalement à côté de la plaque.

« - Je te retourne la question ! fit le jeune Kwanaïn.»

De son côté, Yhuk observait la scène d’un air détaché, sirotant tranquillement son thé, comme si les deux jeunes lui faisaient sa distraction du jour. Un genre de spectacle mi-comique, mi-aggressif.

« - J’étais là avant toi, reprit Sasarei, alors c’est toi qui réponds en premier !!
- Raaah, mais bon sang papy, c’est qui cette fille ?? Si elle me répond pas c’est à toi de me le dire ! »

A l’entente du mot ‘papy’, Sasarei se tourna vers le vieux, se rappelant soudainement les évènements de la veille. Yhuk prit le temps de finir sa gorgée, toussota et prit enfin la parole.

« - C’est…une voleuse, déclara-t-il calmement.
- QUOI ?!
- Hey !!!!
- Elle a essayé de me voler mais… reprit Yhuk. »

Tous les muscles de Jayke se contractèrent d’un coup et il incendiait littéralement Sasarei du regard, alors que celle-ci se préparait à affronter l’indien, le jeune cette fois-ci.

« - Bon sang laissez moi finir, ajouta Yhuk. »

Mais ils n’en avaient apparemment pas l’intention.

« - Alors comme ça tu as osé voler mon grand père… ça va te coûter cher.
- Hé, j’ai rien volé, ok ?
- … Bon je comprends plus rien. »

Yhuk s’apprêtait déjà à se lancer dans des explications qui calmeraient le jeu, mais il ne fût pas assez rapide.

« - Avec ta petite cervelle, ça ne m’étonne pas, rétorqua Sasarei.
- Putain, comment elle me cause !»

Jayke fulminait et une flamme apparut dans son poing serré. Sasarei le regarda et lui adressa un immense sourire sardonique.

« - On parie que tu me rates ? Fit-elle.
- Tu veux te battre ? J’ai aucun problème à botter le cul d’une gamine ! Je ne rate jamais rien, répliqua Jayke.
- On verra bien, mais je doute que le vieux apprécie que tu crames sa boutique x).»

Jayke se mit en position, mais la flamme de son poing s’éteignit et il sortit deux couteaux avec un sourire aux lèvres.

« - Je ne comptais pas le faire, je vais plutôt utiliser ça, dit-il avec un regard pour ses lames.
- Laisse tomber petit. C’est sans espoir pour toi. Tu ne m’atteindras même pas.

Lassé par ce début de dispute, Yhuk se leva solenellement.

« - …jayke…cesse d’être stupide s’il te plaît -_-‘ .»

Mais personne ne l’écoutait.

« - Petit…tu t’es vue ? dit Jayke en toisant Sasarei de toute sa hauteur.
- Je t’emmerde, assena-t-elle.
- Je suis un expert dans ces choses là.
- Vraiment ?
- Ils ne m’écouteront vraiment jamais…
- J’aimerais bien voir la tête que tu feras quand tu m’auras ratée, fit Sasarei »

Yhuk désespéré se rassit, Jayke gronda.

« - Alors je t’attends moi, poursuivit-elle, à moins que tu ne te dégonfles ?
- Que de grandiloquence. Que de belles phrases enflammées…

Jayke s’avança vers Sasarei, n’écoutant pas du tout son grand père qui continuait sa discussion seul dans son coin.

- Tout ça simplement parce qu’il y a entre eux une tension sexuelle non résolue… ! lâcha Yhuk avec un soupir.

Cette phrase tomba dans un silence, et soudain, Jayke capta ce que venait de dire son grand père. Il se détourna de Sasarei.

« - O_O, t’as dit quoi là ? demanda-t-il abasourdi.
- Hein ? fit le vieux qui ne pensait même plus qu’on l’écoutait. Euh… Je disais : il y a entre vous une tension sexuelle irrésolue.
- UNE QUOI ???!!!! crièrent les deux jeunes d’un accord parfait.
- ‘Une tension sexuelle irrésolue’ répéta Yhuk avec un air savant, visiblement très fier de son effet.

« Une QUOI ?!? »

Les deux jeunes gens s’étaient tournés vers lui dans un mouvement d'une synchronisation extrême, et affichaient tous deux une expression des plus offensées. Yhuk s’en amusa – ils étaient si faciles à choquer…

« Une tension sexuelle irrésolue » répéta-t-il avec satisfaction.

Il avait peut-être trouvé là, enfin, le moyen de calmer la stupide dispute entre Jayke et la fille aux cheveux rouges ! Quoique... en voyant les visages empourprés de colère que les deux adversaires avaient tourné vers lui, il commença à se demander s’il avait été très sage d’attirer l’attention sur lui…

« Nan mais tu débloques le vieux ?! s’emporta Sasarei.
- Ouais ! C’est quoi ces conneries ? renchérit Jayke. Y’a pas de...de…y’a rien du tout bordel !!
- Ça va pas bien dans ta tête ! Faut te faire soigner, et vite !
- Grave ! è_é »

Yhuk encaissa ces hurlements soudainement tournés contre lui, puis...se contenta d'émettre un petit rire. Les deux jeunes se jetèrent un regard interrogateur, d’un air de dire ‘wtf, il est vraiment fou !’.

« Mes enfants, vos dénégations ne font que confirmer ma théorie… » puis il but une gorgée de thé tout en continuant de les fixer.
Sasarei et Jayke se retirèrent en un soudain aparté.

« Tu crois que c’est grave ? fit Sasarei. À son âge on n’a plus les idées très claires…
- Je…commença Jayke, bouillant d’énervement à tel point que de la fumée s’élevait de tout son corps. Je crois que oui, c’est clairement TRèS grave. Je le savais vieux, mais pas aussi…sénile.
- On devrait peut-être l’assommer histoire de réarranger ses neurones correctement ? »

Yhuk, qui jusqu’à présent écoutait la conversation d’une oreille distraite, eut subitement un regain d’inquiétude en entendant le mot ‘assommer’. Mais bien vite la réponse de Jayke le rasséréna…ou pas...à moins que… mais vous verrez :

« L’assommer ? Euh…c’est mon papy quand même, j’y tiens un peu.
- Hum…et alors ?
- Et alors…ce sera une petite tape.
- Une...petite tape ?...….affligeant -_-‘
- Nan, c’est pas affligeant euuh…j’suis juste pas aussi violent que toi. è_é »

Sur ce, il s’approcha de Yhuk (qui, je vous le rappelle, est toujours sagement assis en tailleur, occupé à siroter son thé, pensant que son petit-fils va lui administrer une gentille petite tapounette) et lui asséna une p**ain de grande torgnole à l’arrière du crâne.

*SBAM !*

Yhuk encaissa le coup. Aïeuh ! Il laissa passer quelques secondes de silence pendant lesquelles il sentit un œuf lui pousser sur le crâne........ puis leva vers Jayke un regard noir :

« Jayyyke è_é
- Me regarde pas comme ça papy ! :'D J'devais lui prouver ma virilité é_è »

Sasarei pouffa :

« Ta quoi ?! x'D »

− Ta quoi ?! x’D
− T’as très bien entendu, répliqua Jayke en foudroyant la jeune femme par la même.

Ce qu’il n’avait pas remarqué sur le coup c’était que son grand-père avait fait la même chose, c’est-à-dire le foudroyer lui du regard, et alors que Sasarei était en train de se marrer follement (elle avait rompu la chaîne du regard noir, la petite voleuse…).

− Tu le payeras un de ces quatre, fils, annonça le vieil homme sur un ton tout à fait… naturel (mais on sentait bien la menace cachée dessous).
− … Si tu veux ! soupira Jayke.

Pendant ce temps, la pirate aux cheveux rouges continuait de rigoler, elle en était même presque au point de se rouler par terre en se tenant les côtes, mais elle se retint de justesse et, sans se préoccuper de la guerre des générations qui se jouait devant elle, dit d’une voix plus ironique que jamais :



− Comme si avec ton physique tu pouvais être viril… Tu t’es bien regardé ??!!
− Hey ! s’offusqua l’intéressé.
− Maintenant, cessez de vous CHAMAILLER !!!! rugit brusquement Yhuk.

Mais comme d’habitude, ce fut comme si les deux jeunes gens n’avaient rien entendu. Sasarei continuait de se moquer et Jayke de s’offusquer.

− Et t’as vu tes fringues ?! Même moi je m’habille pas aussi aguicheur !
− Bordel, MAIS TU INSINUE QUOI POUF…
− STOOOOOOOOOOOOOOOOOOPPP !!

D’un mouvement vif, Yhuk fut debout et après avoir murmuré une incantation rapide, deux serpents aussi épais que des anacondas apparurent autour des deux fighters, les faisant tomber aussitôt sous leur poids. Enfin en réalité seul Jayke s’était écroulé, et apparemment il semblait déjà en train d’étouffer.
« Guaaarrg » fut le seul bruit qui sortit de sa gorge. Son grand-père n’y prêta pas attention, toujours en position pour son invocation, les bras tendus vers l’avant et les genoux légèrement fléchis. Sasarei, qui était restée debout (elle commençait à s’habituer à être saucissonnée comme ça), se mit à râler :

− Oh nooon, pas encore !... Vieux ! Libère-moi !! Tout de suite !!
− D’abord, taisez-vous.

Mais la jeune femme ne fit que tirer la langue et, sûre de son effet provocant, enchaîna vivement :

− LIBÈRE-MOI OU JE LE FAIS MOI-MÊME !!
− Ah oui ? Et tu compte t’y prendre comment ? ô_o
− …
− Guuuaaaaarrrrrggggg…
− Jayke, arrête cette comédie, ce serpent est inoffensif _-_’
− ….. Ok. Bon maintenant tu me libères ?

Jayke, qui avait donc fait semblant d’étouffer depuis le début, avait roulé sur le côté pour voir son grand-père, comme s’il n’y avait aucun serpent enroulé autour de lui.

− Grumpf… -_-‘
− J’en ai un peu marre…
− Non.
− Eeeeeehh !!
− LIBÈRE-MOI BORDEL ! hurla encore une fois Sasarei, au bord du pétage de câble.
− Ouaaais, je ferais plus rien, MERDE !
−… Taisez-vous ou je leur dit de vous étouffer VRAIMENT !
− Ok, tu l’auras voulu… menaça la pirate.

Et celle-ci se téléporta subitement à l’autre bout de la pièce, et elle recommença trois fois de suite, jusqu’à ce que Yhuk capitule enfin. Il avait senti qu’elle devait avoir un tel plan en tête mais comme tous les jeunes Sasarei avait été bien trop rapide pour lui dans sa mise en oeuvre. Soupirant, il fit un geste et les deux serpents disparurent.
Jayke avait regardé la scène avec curiosité. Après que sa prison sifflante se fut envolée, il se releva et fit craquer tous ses membres engourdis.

- Bon maintenant asseyez vous, fit le vieux.

Sasarei essoufflée par ses téléportations successives, utilisa ses dernières réserves d’air pour l’haranguer violemment.

- Si jamais tu t’avises encore de m’emprisonner vieux schnock tu pourras dire adieu à ta vengeance !!
- Buvez du thé, et écoutez moi, termina Yhuk en ignorant superbement Sasarei, bien qu’il ait parfaitement ouï la menace.

Jayke s’assit en grognant et Sasarei fit de même avec une moue boudeuse, s’asseyant à même le sol. A bonne distance de Jayke bien sûr, qui évitait de la regarder.
Sasarei maudit intérieurement le vieux. S’il n’était pas intervenu au mauvais moment, c’est certain elle aurait réussi à le faire sortir de ses gonds et cela lui aurait donné une raison valable de lui donner une bonne leçon.
Pour une fois qu’elle rencontrait quelqu’un qui réagissait plus au quart de tour qu’elle et qu’elle pouvait asticoter à loisir vu son manque de répartie, il fallait qu’un vieux crouton mal luné lui gâche son plaisir. En tout cas, le coup de la virilité…qu’est ce qu’elle avait rit ! Jayke et viril étaient tout simplement antinomiques xD et à cette énormité elle n’avait pas pu s’empêcher d’enfoncer le jeune Kwanaïn.

Bon, il fallait avouer aussi qu’elle c’était franchement amusée ; les réactions de Jayke étaient impayables…pas comme celles d’Ethan qui trouvait toujours quelque chose à lui redire et qui contrait toutes ses attaques verbales d’un sourire nonchalant et entendu.

- Jayke, reprit Yhuk, d’abord, qu’est ce que tu fais là ?
- J’avais oublié mon étui à couteau hier chez toi.
- En effet, fit le vieux qui sorti ledit étui d’une des innombrables poches intérieures de son affreuse cape avant de le tendre à son petit-fils, le voici.
- Merci… Bon maintenant à moi de poser les questions, fit-il en croisant les bras tout en jetant un regard en coin à Sasarei qui en profita pour lui tirer la langue, qu’est ce qu’elle fait là et qui est-elle ?
- Ce qu’elle fait là ? répondit Yhuk. Elle a tenté de me voler, mais je l’en ai empêchée et puis j’ai découvert qu’elle avait été envoyée par un homme que je hais… Et maintenant elle va m’aider à le retrouver, expliqua-t-il en fixant délibérément la jeune femme, comme si il voulait qu’elle confirme ses dires.
N’est ce pas ? Ajouta-il pour elle seule. Quant à savoir qui elle est…je n’en ai pas la moindre idée. Qui es-tu gamine ?

Sasarei poussa un grand soupir. Elle leva les yeux vers Jayke qui tirait une tronche d’abasourdi et soupira encore avant de répondre.



- Je m’appelle Sasarei Holkaìn.

Inutile de s’étendre sur ma vie et dans les détails se dit-elle, restons succincte. Après tout, ils n’ont pas besoin de connaître ma biographie en douze chapitres et cinq cent pages. En fait, il vaudrait mieux qu’ils en sachent le moins possible sur moi.
Impassible, Jayke avala une gorgée de son thé et passa à la question suivante de son interrogatoire.

- Et tu fais quoi dans la vie au juste ? Voleuse ?

Et ta sœur ? Pensa Sasarei exaspérée. Bon autant ne pas mentir, ça compliquerait les choses et elles le sont déjà bien assez comme ça. Faisons court.

- Pirate, répondit-elle.

Et Jayke manqua de s’étrangler dans son thé.

« Et tu fais quoi dans la vie au juste ? Voleuse ?
- Pirate, répondit-elle.
- Whathef -… ?!? C’est la même chose !
- Pas du tout ! Ça se voit que t’y connais rien !
- Les voleurs volent sur la terre ferme, les pirates volent sur la mer ; j’vois pas la différence.
- La différence est grande (abruti !). Il faut être aveugle pour ne pas s’en rendre compte. Les voleurs sont fourbes, et sournois. Les pirates, eux, ont le sens de l’honneur. Ils ne volent pas : ils partent en quête de trésors, d’artefacts presque impossibles à atteindre, d’objets qui n’existent parfois que dans les légendes, et ils ne les obtiennent qu’au prix de nombreuses pertes !
- C’est vrai, approuva Yhuk. Jayke, sache que j’ai rencontré de nombreux pirates au cours de ma vie. Certes, contrairement à mademoiselle, je n’en dresserai pas un portrait héroïque, mais je peux assurément affirmer qu’ils ne sont pas de sont pas de simples voleurs – du moins pas tous – leurs codes sont bien plus compliqués que cela… »

Jayke hocha la tête, mais il était peu convaincu.

« Et qu’est-ce que tu fais là au juste ? demanda-t-il, imperturbable dans son interrogatoire.
- Je suis arrivée à Range Harbor hier matin. Par téléportation très exactement, si tu veux tout savoir.
- Et tu arrives d’où, très exactement ?
- Très exactement ? D’Oxley Circle. »

Jayke s’étrangla une nouvelle fois dans son thé.

« Oxley ?! »

Yhuk soupira : elle avait ramené le sujet sur le tapis ; alors qu’il avait dû déployer, pas plus tard que la veille, tout le mystère et la prestance de son rôle du vieux-sage-qui-a-tout-vécu pour dissuader son petit-fils d’aller se jeter dans les entrailles de cette île dangereuse – il avait même sorti la carte de l’île maudite ! – cette Sasarei allait tout gâcher =_=’

« T’étais à Oxley ? Sérieux ?
- Bien sûr. Pourquoi je mentirais ? » fit Sasarei en affichant une moue méprisante, d’un air de dire ‘ouais, j’suis une vraie pirate moi, ça te pose un problème ?’.

Jayke se tourna vers Yhuk :

« Papy faut absoolument que j’aille à Oxley ! é_è »

L'ancêtre s'apprêta à répondre, mais avant qu'il ait pu dire quoi que ce soit (et soyez sûrs qu’il avait en réserve une magnifique tirade prévue pour l’occasion), il fut interrompu par une certaine jeune fille aux cheveux rouges à la réplique particulièrement prompte :

« Wowowo ! Du calme minus. (Yhuk afficha un immense sourire en constatant qu’une jeune femme plus petite que lui se risquait à traiter de minus son petit-fils d’un mètre quatre-vingt-cinq, qui lui-même aimait charrier son grand-père à propos de sa taille.)
- D’où chuis un minus ?! grogna Jayke.
- D’où je veux ! Et Oxley Circle n’est pas un endroit pour les gens comme toi !
- Les gens comme moi ? J’te signale que moi, au moins, j’suis pas une fillette ! »

Et c’est reparti…

« Qui te dit que c’est pas pour moi ?
- …
- J’peux très bien y aller !
- ...
- Et même tout seul si j'veux ! è_é
- … Si tu le dis…
- Je le dis ! »

Leurs deux regards se fusillaient avec violence. Yhuk, quant à lui, veillait cette fois à rester hors des tirs croisés.

« Mais sache, reprit Sasarei, que j’en ai vu beaucoup des comme toi. Des guignols en quête d’aventure qui débarquent sur l’île, et qui se font plumer, raquetter et tabasser en moins de deux. Mais t’inquiète pas, je serai là pour voir ton corps flotter doucement au gré des vagues…jusqu’à ce qu’il coule et que plus personne n’entende plus parler de toi. »

Jayke déglutit :

« Charmant… »

Puis il se tourna tout à coup vers son grand-père, qui semblait quelque peu incommodé par l’évocation de l’image du cadavre de son petit-fils abandonné à l’océan :

« Ça va papy ?… t’es tout pâle.
- Pâle ?... » Il reprit ses esprits, et afficha tout à coup un air faussement sévère : « Qui tu traites de visage pâle au juste ?
- ^^’
- Hey le vieux, intervint Sasarei, dans tous les cas vous devriez le dissuader d’aller à Oxley…
- Mais euuh pourquouaa ? é_è
- Je sais, répondit Yhuk à la jeune fille, ignorant royalement les suppliques infantiles de Jayke, je lui ai déjà dit de ne pas y aller… Mais c’est une tête brûlée – littéralement. -_-' »

Jayke releva le menton et lança d’un coup :

− Tête brûlée, et fier de l’être !

Yhuk soupira mais préféra ne pas faire de remarques sur le comportement puéril de son très cher petit-fils. Il choisit plutôt de revenir au sujet principal, qui le préoccupait bien plus que de devoir jouer les arbitres entre deux jeun’s idiots.

− Où est Lê ? demanda-t-il à Sasarei après s’être tourné vers elle, les bras croisés sur sa maigre poitrine en une posture sévère. Mais une fois encore, Jayke ne put s’empêcher de l’interrompre.

− Au fait papy, c’est qui Lê ?
− Lê ? C’est… mon meilleur ennemi.
− Un vieux compte à régler x), renchérit la pirate.
− Ah… je vois. Je crois que pour l’instant je n’ai pas très envie de savoir le pourquoi du comment sur cette inimitié.
− Oh, donc je suppose que tu ne veux pas venir ?
− Mais si, justement ! Ça m’intéresse.

Sasarei se mit à rire, un rire plein de sarcasmes et forcément l’un d’eux finit par tomber :

− Ça vaudrait peut-être mieux, ce n’est pas un endroit pour les enfants.
− Laisse-le, ça fait longtemps qu’il dit qu’il veut me voir combattre, c’est donc l’occasion.

Le grand brun rassembla toute sa volonté pour ne pas sauter à la gorge de la pirate. Il avait cependant bien compris que ses disputes avec la fille aux cheveux rouges fatiguaient vraiment son grand-père, donc il se garda bien de commettre un crime.

− Bon alors je mange un bout et je vous emmène, dit Sasarei en sortant aussitôt un petit pain de son sac.
− Tu vas pas manger ce vieux morceau de pain rassis quand même ? s’indigna Jayke en lorgnant celui-ci avec circonspection.
− Mon pain n’est pas rassis, ok ??!
− Si si, elle va manger ça, ça ira très bien, intervint Yhuk en levant une main en signe d’apaisement.

Sasarei mordit avec entrain son pain et commença à mâcher, avaler, mâcher, avaler, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien. Et tout cela en une minute à peine… Les deux Kwanaïn’d la regardèrent comme si elle cachait sa véritable identité ( ê_e) sous cette fragile et menue apparence de jeune femme. Peut-être un ogre, qui sait ??? * sbaf *

− C’est vraiment élégant pour une fille… marmonna Jayke, mais pour lui seul cette fois-ci.
− Bon… fit Yhuk en se levant péniblement (argh mes rhumatismes !), il serait peut-être temps d’y aller, non ?
(et non, Jayke ne criera pas « LETS GOOO » comme un gros gay, je refuse !)

Or, il se trouvait que Sasarei avait entendu la basse remarque de son nouvel acolyte et qu’ainsi elle était forcée, dans toute sa fierté de pirate, à répliquer un très logique :

− La fille… Tu sais ce qu’elle te dit ?!
− Owi owi, dis-moi * cile *
− Elle dit « merde », on sait, grogna le vieil homme, allez les jeunes, dehors !

Les d’jeuns le fixèrent d’un air choqué, puis finirent par se reprendre et se lever aussi.

− J’ai pas fini mon thé bordeyl <_<, râla Jayke (mais osef parce que ça donne envie de pisser).
− Bravo papi, t’anticipe même mes répliques maintenant, c’est bien ça !
− De rien ma chère… Alors, on y va ?

Yhuk proposa courtoisement son bras à la jeune femme pour l’inviter à le suivre vers la sortie.

− Le vieux pervers attaque… mais c’est peine perdue, pouffa Jayke, qui n’était pas très loin de dire une vérité vraie.

Car la pirate n’avait pas remarqué le geste poli du vieillard (en gros, elle lui avait foutu un méga vent) et s’était avancée seule vers la porte, pour finalement la franchir et regarder d’un rapide coup d’œil s’il n’y avait personne en vue. Les deux Kwanaïn’d la suivirent, Yhuk dépité et Jayke au bord de la crise de fou rire qu’il maîtrisait en évitant de regarder justement la déception qui se lisait sur les traits de son grand-père.

− Bon, on va pas y aller à pied, parce que ça fait une trotte, déclara Sasarei après avoir posé ses mains sur ses hanches.
− Comment alors ? En volant ? rétorqua le grand brun.
− Mieux que ça. Je vous offre un voyage express, répliqua la jeune femme avec un sourire.
− WT… Se… se téléporter ?! O.O
− Eh oui. Ne me dis pas… que tu as peur ? (son sourire devint carnassier)
− Je ne veux pas finir coupé en deux, voilà tout u_u’

De son côté, Yhuk parut brusquement hésitant. Il laissa la honte qu’il venait d’avoir s’envoler et le sérieux revenir crisper ses traits déjà marqués.

− Gamine, es-tu sûre que tu as assez d’expérience ?
− Oui… Es-tu sûre ??? réitéra son petit-fils avec un regard fou.
− * marmonnant * Je connaissais un jeune téléporteur qui avait voulu téléporter un ami avec lui… C’était son seul ami. Après ça, il ne lui resta plus qu’un demi-ami.
− Et ils vécurent heureux, amen, ajouta Sasarei alors qu’elle se fichait complètement de ce qu’il venait de dire.
− Merci papy !! é_è * s’agite *
− Vous bilez pas, j’ai fait ça des tas de fois.
− … D’accord.
− Ouais ouais… * air sceptique de Jayke puissance mille * Bon si le vieux y va, c’est okay pour moi.

Sasarei hocha la tête avec approbation puis dit :

− Par contre, je ne transporte qu’une personne à la fois. Sécurité oblige * cile *
− o_o (Jayke)
− Eh eh eh (Yhuk)
− T’inquiète petit, vue que t’as pas l’air de pouvoir rester seul sans nounou, tu iras le premier.

Et sans lui demander son avis, Sasarei saisit le grand brun par le bras et ils disparurent.

>suite<

Les deux jeunes avaient disparu. Yhuk se sentit soudain un peu seul. Ces deux jouvenceaux avaient au moins le mérite de le distraire… Puis il se souvint que Tsantza était toujours là, sagement posé sur son étagère (mais après tout, étant privé de tout membre, il n’avait d’autre choix que de rester immobile à sa place), attendant qu’on daigne s’intéresser à sa personne.

« Hé, la chose, l’interpella Yhuk avec son habituelle délicatesse.
- Hum ?
- T’es resté silencieux tout ce temps ?
- Oui, pour une fois je n’ai fait qu’écouter. Je n’avais pas besoin d’ajouter mon grain de sel, ces deux gosses sont des poivrières à eux tout seuls !
- Il est vrai... En tout cas tu ne m’avais pas manqué ! fit-il, l’air faussement renfrogné.
- <3 Toujours aussi sympa le viock…
- N’est-il pas ? <3 »

Sans plus de cérémonie, Yhuk attrapa Tsantza par le lacet de cuir qui était fixé au sommet de son crâne, et l’accrocha à l’intérieur de son manteau :

« J’vais avoir besoin de toi, si on doit combattre ce vieux Lê…
- Ah ah ah ! Le vieux Laid… ! 8D
- Et son djinn…
- Ah ! è_é Je vais enfin pouvoir mettre sa raclée à ce maudit Conkên !
- Oui… Tout ceci va être fort amusant x) !
- Fiiight ! \o/ » (pour des raisons physiologiques évidentes, Tsantza ne peut pas lever les bras ainsi, mais le smiley traduit malgré tout son état d’esprit intérieur : \o/).

C’est à cet instant que Sasarei reparut.

« Me revoilà !
- Oh. Très bien. Allons-y. »

Confiant pour avoir souvent été téléporté par Satinka, il tendit sa main ridée vers Sasarei. Elle lui prit la main et…pof !


>suite<