Dreidven sur une table de laboratoire, les yeux et la poitrine grand ouverts, un enquêteur en costume, deux technicien en blouse blanche, et trois ratons laveurs... A moins que cela ne soit un spectromètre de masse, un terminal quantique et un communicateur à transistor picométriques... peu importe.

-Alors ? Demanda l'homme en costume
-J'ai accès à toute la mémoire récente, dont les incidents de Holsten street, je vous ai transféré le tout.
-Ah, très bien, merci. L'inspecteur s'apprêta à quitter la pièce ; avec toutes ces histoires il n'avait pas que ça à faire.
-Bizzarre... Attendez, je n'ai accès à aucune mémoire antérieure, aucun fichier !
L'inspecteur se retourna avec un soupir de lassitude.
-Et bien, peut-être qu'il est neuf...
-C'est possible... Le technicien examina rapidement les différentes pièces de l'androïde. Non, les pièces sont d'époque différente, on n'en fabrique pas des comme ça... Il pianota sur un terminal. Cet androïde est dans nos fichiers mais son identification n'a pas rien à voir avec ce que j'ai sous les yeux ! Les pièces sont de différentes séries... impossible d'identifier une provenance particulière... Mais je peux vous affirmer que ce sont les meilleures pièces du marché et c'est du travail de pro.
-Ca veut dire quoi ça ? C'est un robot-espion ?
-Ca pourrait être une arme militaire, je n'ai aucune idée de ses fonctions annexes, tout est verouillé. Mais vu la facture, ça ressemble plutôt à du travail de hacker mécatronique que d'organisation gouvernementale.
-Bon, c'est pas mon rayon et j'ai autre chose à faire mais je vous met quelqu'un sur le coup. En attendant étudiez moi ce truc ! Lanca-t-il en quittant la pièce.

Bob, technicien de son état, lança un regard désenchanté à son assistant.
- Greg, on a du boulot...

Greg referma la porte derrière lui d'un disgracieux coup de fesse (cafés et beignets encombraient ses mains). Il avança sous la lumière crue du labo et posa son fardeau sur une paillasse.
- Pfff ! Il ont encore renforcé la sécurité, on passe des heures dans les contrôles !
-Et ouais...
-Chinon t'a trouvé quelque choshe ? Demanda-t-il la bouche pleine de sucre.
Son collègue fit pivoter son siège vers lui en hochant négativement la tête.
- J'ai tout essayé ! Ses codes sont inviolables, à croire qu'ils changent en permence ! Pas possible non plus d'avoir accès manuellement à la mémoire interne, ce truc est doublé en tungstène, son système mécatronique est aussi fermé que sa cybernétique ! J'ai même essayé au laser à ions...
-En même temps si c'est du tungstène ça servait pas à grand chose...
- Je sais...
- C'était marrant ?
- Bof, quelques étincelles, moins drôle que la dernière fois.
- Ah...

Cela faisait déjà plusieurs jours qu'ils planchaient sur l'énigme robotique que constituait cet androïde, et ils n'avaient pas l'ombre d'un indice.

Les deux techniciens buvaient leur café en silence... Greg leva soudain la tête.
- Et l'interface ?
- L'interface... Tu veux discuter avec ce droïde ?
- ...ouais.
- T'est bizzare comme mec.
Ils tournèrent simultanément la tête vers l'androïde.

Dans une belle glissade de chaise à roulette, Greg se mit à côté du processeur principal (la tête de l'androïde).
- A nous deux mon mignon !
- Je réactive le système externe.
L'androïde remua légèrement : habituelle évaluation protocolaire des systèmes après remise en fonction. L'unique oeil mécanique encore en place s'agita.
- Pourquoi avoir cherché à violer mes systèmes ? Interrogea soudain la voix déraillante du droïde.
- Hé ! C'est moi qui pose les questions ! S'offusqua Greg, il se redressa sur sa chaise et reprit, sur un ton d'interrogatoire : La vraie question est, cher tas de tungstène, pourquoi tes systèmes sont-ils inviolables ?
- Ma mémoire contient des informations trop dangereuses pour être consultable. Répondit instantanément la machine.
- Ah oui... Des infos du genre... ?
- Je ne peux vous dire la nature de ces informations sans risquer de provoquer la curiosité et la convoitise de personnes dont les actes pourraient par la suite être néfastes.
Sourcils froncés, Greg afficha une grimace d'incompréhension. Son collègue s'approcha à son tour en tripotant sa barbichette. Tout cela était très inhabituel.
- Dis-moi l'androïde, pourquoi conserver ces informations ? D'ordinaire les droïdes effacent les renseignements dangereux...
- Ces connaissances sont aussi dangereuses qu'utiles. Et selon les probabilités futures, j'ai estimé qu'il pourrait s'avérer positif que je détienne ces informations.
- Parce que nous ce serait pas positif qu'on les ait ?
- Non.
Vexé, Bob s'emporta :
- Alors un robot peut avoir des supers info utiles à tous, mais nous on serait trop bêtes pour s'en servir ?! 'Tu assimile notre QI à celui d'une limace de mer incontinente ou quoi ?
- Votre question comprend des éléments abérant... Mais je vous assure que votre QI est sans rapport avec la confidentialité de mes données.

Les techniciens se regardèrent en soupirant. Un droïde qui n'en fait qu'a sa tête, c'est suspect. Même s'il raconte des trucs qui semblent censés, on est jamais à l'abri d'une machine piratée qui déraille.

La porte s'ouvrit brusquement, laissant apparaître un homme en costume noir, armé de ce qui semblait être un ordinateur à projection holographique.
- Bonjour messieurs ! Agent Jonhson, de la cybercrim'. J'ai lu votre rapport et on vient vous donner un coup de main.
- C'est pas de refus !
- Je vous présente mes spécialistes : Patterson, docteur en intelligence artificielle ; Lewis et Walter, ingénieurs en mécatronique, notre hacker, Davis ( mais appelez-la Lizard) ; et je suis moi-même cryptologue à mes heures.

Les silhouettes hétéroclites de l'équipe défilaient dans le cadre de la porte et venaient emplir l'étroit labo du 3ème district. La seule cependant que les deux techniciens remarquèrent fut celle du hacker, ou plutôt de LA hacker. Moulée dans son pantalon noir qui dégageait une fascinante luminescence bleutée, elle traversa la pièce pour aller s'asseoir en tailleur sur une table. Ramenant en arrière ses cheveux méchés, elle commença à pianoter sur un clavier invisible. La teinte verte fluo de ses yeux trahissait la présence d'une paire de lentilles à réalité augmentée.
Le reste de l'équipe s'installa : le cryptologue se trouva un coin de table, le docteur alla près de l'androïde, quand aux ingénieurs, ils s'extasiaient déjà sur la mécanique robotique.

L'agent Johnson commença son briefing.
- Bon, d'après ce que j'ai lu du rapport nous avons affaire soit à un spécimen exceptionnel, soit à un système piraté. Je penche personnellement pour la deuxième hypothèse. Dans tout les cas le seul moyen d'avoir une quelconque certitude est de voir ce qu'il a dans le ventre ! Que ce soit de manière physique ou informatique, donc... Leeeewis !
L'ingénieur sursauta, laissant retomber le bras qu'il examinait avec béatitude quelques instants auparavant. Il se retourna lentement vers son patron avec un air coupable d'enfant prit en faute
- Merci Lewis. Je vous rapelle que nous ne sommes pas là pour faire du tourisme intellectuel, on recherche tout indice concernant d'éventuels délits de hacking, piratage, cyberterrorisme, recel mécanique, etc... Alors au boulot !
- Oui chef... Répondirent d'une seule voix les scientifiques un peu refroidis.
- Et le premier qui me trouve quelque chose, gagne mon Griffon tricéphal ! Lanca-t-il pour remettre un peu d'émulation parmi ses troupes.
L'annonce fit son petit effet chez les mécatroniciens, Lizard ricana.
- Johnson, si tu crack ce truc avant moi je veux bien te filer mon armure-dragon lvl 87...
- Et bien je relève le défi ma chère...

Y'a pas à dire, à la cybercrim' c'est des pros... Un peu à l'écart, Bob et Greg regardaient avec respect les programmeurs, Bob hocha la tête avec une moue admirative.
- Quand on sait que la progression a été calculée de manière quasi-logarithmique...
Greg acquieça.
- Ouais, atteindre le Lvl 87 dans Anarchy Empire, c'est la classe...

Les deux informaticiens s'apprêtaient à se lancer dans une course virtuelle sans merci. Mais à peine furent-ils connectés au droïde... qu'ils s'arrêtèrent net.
- C'est quoi ça... murmura Lizard
- J'ai jamais vu un truc pareil, t'as une idée de ce que c'est ?
- Non... Enfin, faut que je fasse des recherches là...


Chacun avait mené ses recherches de son côté et l'heure était aux compte-rendus.
Depuis quelques longues minutes déjà, l'équipe écoutait passivement le discours dithyrambique du docteur sur l'intelligence artificielle du droïde :
- ...et il arrive ainsi à une estimation substantielles des données. Cela associé à des facultés prospectives absolument exceptionnelles, il en résulte un comportement qui pourrait être assimilé à...
Comprenant subitement la conclusion du raisonnement, Bob releva brusquement la tête pour intervenir,
- Du libre arbitre ?
- Oui ! Approurva le docteur en hochant frénétiquement la tête.
Dans son dos, Greg ouvrit de grand yeux ronds.
- La vache... On nage en pleine science-fiction... murmura-t-il.
- C'est vraiment fantastique ! Enfin, sauf si son programme asimov a été piraté, ce qui expliquerait les choses d'une manière moins réjouissante... Corrigea le docteur.
- Exactement Patterson. Walter, la traçabilité ?
- Et bien tout est... a-priori légal, les pièces ont été acquises de manière règlementaire une personne habilitée, un certain docteur Giulio Achenza en Dystrisia... Mais je perds la trace après... donc aucun moyen de savoir comment ce droïde a atterrit ici...
-Cet acheteur pourrait être le propriétaire ?
-C'est peu probable...
-L'androïde dit que son propriétaire est décédé, intervint le docteur.
-D'accord... ça nous avance pas beaucoup. Mais comme légalement un androïde sans propriétaire appartient au domaine public, ça nous donne l'avantage de pouvoir l'étudier tranquille...


- Viens voir ça, Jonhson ! Interpella Lizard, Je savais bien que ça me disait quelque chose ! Ce sont des encodages issus d'algorythmes pré-jonctionnels.
Deux colonnes remplies de texte en langage informatique étaient visibles en vis-à-vis sur l'écran, comparaison dont le sens était visiblement réservée aux initiés...
- Qui a pu utiliser un truc pareil ?
- Aucune idée, la plupart des clés de cryptage pré-jonctionnelles ont été perdues... Cela dit nous on en a pas forcément besoin.
- Tu peux le décrypter ?
- A vrai dire, non... Mais je crois savoir qui pourrait.
- Et évidemment tu ne connais que son pseudo c'est ça ? Soupira Johnson.
- Exact...
- Bon, si ça l'intéresse tu lui envoie mes coordonées et on verra pour les autorisations.
- Je vois ça tout de suite, boss.

Citation :

From : Lizard
To : Ivy

Salut, ça fait un bail qu'on s'est pas parlés et je sais pas si t'est toujours dans le milieu, mais bon...
Maintenant je bosse à la cybercim', et je suis tombée du des algorythmes pré-jonctionnels dans un cryptage d'androïde. Du coup je me demandais si tu pouvais me donner un coup de main.
Recontacte moi si ça te branche...

[HRP : Your turn, mysterious Ivy ;p]