Blend Awake
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 [19 ans plus tôt - Cyrène] Jeux interdits

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Greta de l'Hesperanz

Greta de l'Hesperanz


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MessageSujet: [19 ans plus tôt - Cyrène] Jeux interdits   [19 ans plus tôt - Cyrène] Jeux interdits EmptyLun 1 Oct - 23:09

Le vent d'automne soufflait sur la campagne, balayant la jachère des prés en friche et la cime des arbres. Les bois prenaient lentement une couleur d'or et le bleu pur du ciel se faisait à peine entamer par quelques gros nuages cotonneux, tout en contrastes de blanc lumineux et de gris brillant. Les champs fauchés commençant à se faire envahir de fleurs de saison étaient posés sur les collines tels des tapis bariolés et de temps en temps on apercevait un village ou un manoir en touches de beige et de gris relevées par le rouge de leurs toits.

Au milieu de cette impression colorée se traçait une route pavée sur laquelle filait une diligence noire tirée par six chevaux. Deux valets se tenaient sur le banc arrière, les malles sanglées sur le toit et à l'intérieur, confortablement installés, Monsieur de l'Hesperanz et Mademoiselle Regina Brownstone, grande femme d'origine Néothulianne d'une cinquantaine d'années qui était l'archétype même de la gouvernante de haute-noblesse, avec ses robes en tons de bleu et de gris, son chignon et son grand nez fin pincé de lorgnons.
A côté de monsieur, assise dans ses jupons de mousseline immaculée, une petite Greta de huit ans s'affairait d'un air concentré sur une poupée en porcelaine. Elle l'avait entièrement déshabillée, puis avait sorti de son sac un livre de science, une boîte de couleurs et un pinceau et traçait avec application en bleu et en rouge les vaisseaux sanguins sur le corps du jouet. Mademoiselle Brownstone ne disait rien et préférait se concentrer sur le paysage, attendant impatiemment que son père intervienne : elle avait toujours trouvé que cet enfant avait des occupations étranges. De son côté, Monsieur de l'Hesperanz n'avait pas l'air de trouver cela dérangeant. Seule parfois une lueur d'inquiétude imperceptible venait troubler son regard tendre.

La route devint subitement mauvaise : la voiture eut un cahot, le livre de Greta tomba et le choc fit déraper sa main : un trait rouge traversa le corps de la poupée pour venir se perdre sur la soie verte de la robe de l'enfant. La gouvernante eut un réflexe et tira immédiatement son mouchoir qu'elle humidifia du bout de la langue pour nettoyer la tache. Ses années d'expérience rendirent le tissu impeccable en quelques secondes, tandis que Greta regardait sa poupée d'un air contrarié. Elle déforma ses lèvres roses en moue boudeuse.

Elle était impatiente d'arriver sur le domaine, comme à chaque vacances, pour pouvoir déambuler et explorer chaque recoin de l'immense manoir familial. Seule ombre au tableau, cette saison venaient aussi le frère de son père et sa femme, ainsi qu'un couple d'amis pour des parties de chasse à courre. Et il y aurait leurs enfants, évidemment.

**

Le lendemain, après le copieux repas de midi, Greta demanda à quitter la table où discutaient les adultes. Elle y fut autorisée et partit précipitamment se laver les dents.

Alors qu'elle ressortait de sa chambre quelques minutes plus tard, elle fut bousculée par les garçons en tenue d'équitation qui, pressés de partir en promenade, ne prirent même pas la peine de s'excuser. Leur manque de politesse énerva profondément la fillette. Elle se pencha à la rambarde, constata que les adultes prenaient le digestif dans le salon et que mademoiselle Brownstone était hors de vue. Elle en profita pour se glisser dans la chambre de son père : elle n' était pas fermée à clé.

Greta se précipita vers une commode et ouvrit les tiroirs : elle piocha une paire de longs ciseaux en argent, une dague fine dans son étui, une boîte d'aiguilles, une pince à épiler et les laissa tomber dans sa besace damassée, rejoignant ainsi un livre mou et pesant « emprunté » dans la bibliothèque et une poche remplie de tubes de verre et de boîtes de toutes tailles. Elle referma ensuite soigneusement tous les tiroirs et ressortit de la pièce comme si de rien était.

La fillette parcourrait le parc en quête d'un coin paisible où il n'y avait ni les garçons à cheval ni leurs sœurs, terriblement niaises et ennuyeuses à ses yeux. Leurs rires aigus lorsqu'elles jouaient à s'attraper ou à se percher l'exaspérait au plus haut point. Elles accusaient sans cesse Greta de les snober, mais refusaient toujours les jeux proposés par la jeune fille : explorer le grenier pour trouver une momie, disséquer une taupe ou faire pousser de la mandragore ne les emballait franchement pas.
Au final, Greta avait renoncé à essayer de comprendre en quoi déambuler comme un pantin les yeux bandés et les bras tendus dans le vide pouvait être amusant, et vaquait à ses occupations toute seule.

Elle marchait le plus vite possible à travers les massifs, son sac pesant sur son épaule, et atteignit bientôt le mur de pierre qui fermait le parc. Elle était trop petite pour atteindre le bord avec ses mains. Renonçant à prendre son sac trop lourd, Greta prit quand même soin de glisser dans le ruban de sa ceinture la paire de ciseaux d'argent. Puis elle agrippa le lierre et enfonça le bout de ses pieds dans les interstices entre les pierres, pour parvenir tant bien que mal en haut du mur et descendre de l'autre côté.

Aucune notion du temps ne venait troubler la quiétude de la forêt par ce mois d'Octobre, à part peut-être les feuilles qui tombaient de temps en temps. Greta marchait, en coupant au ciseau toutes sortes de plantes, de préférence épineuses, qu'elle tenait en bouquet dans sa main ensanglantée. Elle entendit soudain un bruit anormal semblant provenir de l'autre côté du ruisseau qu'elle longeait : elle traversa sur les cailloux en prenant bien soin de ne pas glisser et se cacha à moitié derrière un gros noyer.

Un petit espace au milieu des feuillus avait été nettoyé, et à un ou deux mètres de hauteur, sur les branches entremêlées, une cabane -ou plutôt un début de cabane avait été construit.
Il y avait un garçon de dos, en équilibre sur la plate-forme, en train de réajuster le toit. Il sembla à Greta qu'il était plus âgé qu'elle... et beaucoup plus grand aussi, avec des cheveux ondulés tombant sur ses épaules. Il descendit de la structure et se tourna pour regarder d'un air satisfait les alentours. Au moment où son regard passa sur le noyer, Greta se recula vivement derrière le tronc, espérant ne pas avoir été vue car elle n'osait aller lui parler.

[19 ans plus tôt - Cyrène] Jeux interdits Stalke10

[HS : désolée pour ce post un peu trop long ^^' la suite sera moins ennuyeuse à lire...]
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Drake Calahaan

Drake Calahaan


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MessageSujet: Re: [19 ans plus tôt - Cyrène] Jeux interdits   [19 ans plus tôt - Cyrène] Jeux interdits EmptyDim 7 Oct - 12:17

Drake posa sa main sur quelque chose de visqueux et de doux. La chose croassa et sautilla hors de sa main pour atterrir sur son torse. Il loucha sur une grenouille verte.
- Simon !!!
Une tête blonde apparut entre le battant de la porte et son encadrement. Drake se dépêtra tant bien que mal pour sortir de ses draps et aller mettre une baffe à son cousin qui affichait un sourire goguenard. La tête disparut quand Drake arriva à son niveau. Commença alors une course-poursuite dans la maison, bientôt interrompue par la poigne ferme de l’oncle Abeín.
- Vous allez vous calmer ou je vous flanque une grosse rouste bien sentie ! avait-il aboyé avant de les jeter dehors.
La grenouille réussit à se glisser dans un trou de la fenêtre de la chambre des enfants et à quitter la place, ni vue ni connue. Drake se redressa et épousseta sa chemisette ocre et son pantalon déjà marron (de toute façon). Simon en profita pour l’attraper par la jambe, ce qui le déstabilisa. Ils roulèrent dans la boue jusqu’à l’enclos des cochons, se relevèrent vivement et reprirent la course qu’ils n’avaient pas terminée.
Simon avait un an de plus que Drake. Ses cheveux blonds et ses yeux clairs, il les avait pris de sa mère, une couturière Nérigonne venue s’exiler à Cyrène. Lui et Drake passaient leur temps à sa chamailler et à se battre ; mais ces combats de petits garçons n’étaient que des jeux. Malgré leurs chahuts constants, ils s’entendaient bien la plupart du temps. Parfois même, ils faisaient semblant d’être des pirates et là le monde entier pouvait les engueuler, ils étaient les garçons les plus heureux de Blend Awake. Drake se promit d’ailleurs de se laisser pousser les cheveux une fois adulte, comme le font les marins quand ils restent trop longtemps en mer. Pour l’instant, ses mèches les plus basses stagnaient sagement au niveau de la base de son cou. Sa tante les coupait toujours quand elle estimait qu’ils étaient trop longs, et ce même si Drake se mettait à râler.
Les deux garçons atteignirent une route qui allait au-delà des collines, bien loin d’Asteni, le village qui l’avait vu naître et qui le regardait désormais grandir. Le son d’un violon se mêla au vent qui rasait l’herbe grasse. Ils coururent vers une petite rivière, l’un des rares points d’eau des environs, et se mirent à s’asperger tout en rigolant. Soudain, une immense ombre les enveloppa.
- Alors on s’amuse bien les fillettes ?
Owen, l’aîné âgé de dix-sept ans, les dominait de toute sa corpulence digne d’un plantigrade. Il leva une patte, puis une autre, et se mit à grogner. Simon et Drake se sentaient comme des lapins pris au piège. Ils se mirent à courir dans tous les sens quand Owen passa à l’attaque. Leurs petites jambes tricotèrent entre les herbes hautes et des glapissements s’échappaient de leur bouche grande ouverte à mesure que l’ours se rapprochait d’eux. Bientôt ils durent se séparer pour aller chacun de son côté dénicher la cachette idéale. Drake s’enfonça dans le sous-bois, zigzaguant entre les arbres et les rochers, lorsqu’il heurta quelque chose. Ou plutôt quelqu’un. Drake se remit aussitôt sur pied, prêt à frapper avec son… bâton qu’il venait juste de trouver. Il le brandit fièrement, telle une épée de chevalier. Le petit garçon de neuf ans qu’il menaçait de son arme de fortune se mit à geindre. On aurait dit une version miniature de Drake.
- Qu’est-c’que tu fais là Raleigh ? dit-il en abaissant son bâton, rassuré.
- J’voulais vous prévenir qu’IL était en chasse ! gémit Raleigh tout en se massant une épaule. J’peux jouer avec vous ?
- T’sais bien que non. Sigrid voudrait pas.
- Mais… mais… mais j’connais son plan !
- … Dis toujours.
Owen était dans l’un de ses bons jours. D’ordinaire, il arpentait le village et parfois la forêt voisine, accompagné de ses fidèles crétins, et tous s’évertuaient à terroriser les plus jeunes parce qu’il n’y avait clairement que ça à faire dans les environs. Toutefois, Owen avait décidé d’être clément aujourd’hui car c’était l’anniversaire de Simon. Il avait notamment promis à Sigrid, la mère des cousins de Drake, de faire des efforts. Mais rien ne leur disait qu’il n’irait pas jusqu’au bout de sa traque… Un craquement les fit sursauter. Ils se dispersèrent comme des papillons.

Drake avait réussi à échapper à l’ours – comme lui, Simon et Raleigh aimaient à appeler Owen – et longeait désormais le muret qui contournait l’hospice. Il s’arrêta au bout de quelques minutes, déplaça une couche de feuillages et de ronces qui fit apparaître un trou dans le mur de pierre. Il dispersa ensuite cailloux et poussière d’une main et se plaça face au trou, suffisamment large pour qu’il puisse voir une bonne partie du jardin intérieur. Il demeura immobile jusqu’à apercevoir une silhouette familière, aux longs cheveux bruns et ondulés, s’asseoir face à une fenêtre. Malgré la distance, Drake vit le visage creusé de sa mère et comprit très vite que, comme à son habitude, ses yeux ne regardaient rien de particulier, juste un grand vide.
Il replaça la couche de feuillages.

L’après-midi avait bien avancé et après avoir savouré le gâteau au beurre et au miel qu’avait préparé Sigrid pour l’anniversaire, Drake se promena, solitaire, sur le chemin qui menait vers les collines. Les collines marquaient une frontière naturelle qui séparait Cyrène de Range Harbor. Souvent il avait été tenté de la traverser. Il n’y avait rien pour lui ici. Du haut de ses douze ans, Drake avait déjà le sentiment de perdre son temps. Mais il s’était au moins promis qu’à treize ans il franchirait le pas. Et ce sans un regard en arrière.
Drake continua à marcher, dépassant des buissons, des menus chemins de terre et des champs de blé. Arrivé à un certain point, il se mit à trottiner joyeusement vers un arbre tout en retrait des autres, son arbre. Il sauta au-dessus d’un ruisseau, monta la corde et se souleva sur le parquet branlant qui constituait le premier niveau de sa cabane.
Il n’y avait pas de doute : cette cabane était l’œuvre de sa vie. S’il avait pu, il aurait construit un bateau avec les vieilles planches en bois qu’il avait trouvé dans une chaumière abandonnée. Mais voilà, il manquait de matériel et d’énergie. Alors à la place, il décida de se construire un refuge rien que pour lui. Ce serait son sanctuaire, un endroit que ses cousins ne pourraient jamais voir ni atteindre. Un véritable chez-soi.
Le toit lui posait des problèmes. Mais Drake savait se montrer persévérant quand ça en valait le coup : il prit le marteau qu’il avait « emprunté » à son oncle et se mit à taper sur les clous rouillés qu’il avait aussi récupérés. Une heure plus tard, le toit commençait enfin à ressembler à quelque chose. Il ne penchait plus – c’était déjà ça – et il l’abriterait convenablement les jours de pluie. Satisfait, Drake redescendit de l’arbre. Il balaya les alentours de son regard fier puis se figea. Une touffe de cheveux noirs dépassait légèrement de derrière le noyer. Son cœur se mit à battre à tout rompre.
- EH ! TOI LÀ !

[Bon sang, j'aurais jamais cru que ce serait aussi difficile d'écrire sur l'enfance de Drake. Du coup là je suis pas complètement satisfaite D= ]



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Greta de l'Hesperanz

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MessageSujet: Re: [19 ans plus tôt - Cyrène] Jeux interdits   [19 ans plus tôt - Cyrène] Jeux interdits EmptyLun 8 Oct - 20:29

Oh mince ! Il a de bons yeux !

La fillette n'avait pas pensé que ses cheveux en bataille, sa demi-tonne de jupons et le bleu de sa robe se détachaient très bien sur la nature environnante et que même un borgne myope n'aurait eu aucune peine à la dénicher derrière son noyer.
Le garçon courut vers l'arbre. Il avait l'air furieux : Greta ouvrit de grands yeux effrayés puis sautilla de racine en racine pour s'enfuir. Mais elle avait plus l'habitude des sols marbrés que des tapis de feuilles ; le garçon saisit son bras en quelques secondes et à la tira violemment vers lui.

« Héééé ! Tu me fais mal ! »

Elle essaya de le repousser avec sa main valide, tira son bras vers elle pour qu'il la lâche. Le garçon avait de la force : elle aurait tout aussi bien pu tenter de déplacer un rocher. Il grimaça et la lâcha enfin.

« Qu'est ce que tu fiches ici ? »
« Je me promène. » répondit-elle en articulant chaque mot. L'effet « précieuse en vacances » aurait fonctionné à merveille quinze ans plus tard mais pour l'instant, du haut de ses huit ans et complètement dominée par un Drake bien plus grand qu'elle, elle avait l'air un peu ridicule.

« Ouais ben, là c'est ma clairière. Alors dégage ! »

Greta se vexa immédiatement. Elle affichait un air à la fois désappointé et outré. Elle ne devait pas avoir la bonne méthode pour se faire des amis... Elle chercha une faille, mais le problème ne venait sûrement pas d'elle car elle n'avait prononcé un seul mot. La fillette en arriva à la conclusion que ce garçon était un rustre et finalement, pour se donner une contenance, toisa son pantalon boueux, ramassa son bouquet de ronces et s'en alla en levant le nez.

**

« Greta ! Revenez immédiatement !!! »

Mademoiselle Brownstone arpentait l'étage, sa baguette dans une main et un livre dans l'autre. C'était l'heure de la leçon de littérature et la petite fille n'avait vraiment pas envie de se plonger dans la grammaire tordue des poèmes alchimistes. Elle avait réussi à échapper à la vigilance de sa gouvernante et avait couru jusqu'à la terrasse de derrière, traversé le parc sans se faire voir de son père qui profitait du petit matin puis était allé récupérer son sac, oublié la veille près du mur de pierre.

Se moquant bien que sa pauvre gouvernante la cherche en vain, Greta se mit à suivre la route en direction de son endroit fétiche : le cimetière.

Entouré d'un mur de pierre couvert de végétation, les grilles rouillées à moitié par terre, il y régnait une atmosphère étrange, unique dans tout le domaine : les marais d'à côté répandaient une sorte de brume jaunâtre, les pierres tordues se dressaient et étendaient leurs ombres sur le sol inégal. Les ronces et les plantes sauvages cachaient les photographies délavées, la mousse recouvrait les noms. Il était abandonné : le dernier enterrement s'était déroulé quelques années plus tôt et puis un nouveau avait été aménagé plus près d'Asteni.

Greta se faufila sous la grille, abîmant sa robe au passage, et se dirigea vers son endroit préféré : un tombeau assez haut, entouré de marches, de colonnes et d'un toit plein de mousse. Posée devant la sépulture, la statue en marbre d'une belle femme drapée, emprisonnée dans un immense rosier qui avait poussé à ses pieds. Sur la pierre tombale, simplement un nom et deux dates :

Hérodiade Grand-Duc de l'Hesperanz
21 MARS 198
-
15 JANVIER 230


la fillette posa son sac sur le tombeau plein de mousse, alla dénicher un pot en fer qu'elle remplit à la fontaine, ramassa du bois mort puis se hissa sur le tombeau avant de faire un cercle avec des pierres et d'allumer un petit feu avec le briquet en argent « emprunté » à son père. Lorsque le feu eut bien pris, elle posa le pot sur le foyer et sortit ses outils de son sac. Elle coupait ses plantes en suivant la recette du livre de poche, passant les étapes qu'elle ne comprenait pas, attendant que l'eau bout.

Au moment où elle hésitait entre écraser les framboises et les manger, un bruit de pas parvint à ses oreilles. Qui pouvait bien venir ici ? Elle espéra très fort qu'il ne s'agissait pas de mademoiselle Brownstone – cette femme était bien capable de venir la chercher dans un trou à lapin, avec une canne à pêche s'il le fallait pourvu qu'elle assiste à sa leçon.

Ce n'était pas mademoiselle Brownstone (et pour fêter ça, Greta décida de manger les framboises). La silhouette sortit de la légère brume de ce matin d'Octobre et vint se planter devant la jeune hypocrate : c'était le garçon de la veille.

« Heu, salut... »

Greta ne réagit pas et était tiraillée entre l'envie de se faire un ami et celle de lui dire, à son tour, de dégager de son cimetière. Le garçon jeta un coup d'oeil au pot et aux plantes.

« Qu'est ce que tu fais ? T'es un genre de sorcière ? »

Une sorcière ? Les sorcières sont vraiment chouettes, pensa-t-elle. Mais elles sont adultes, terriblement vénéneuses et peuvent charmer n'importe qui.

« Non, pas encore. » répondit Greta en lui adressant un sourire candide. « Je ne suis pas assez vieille, mais j'y pense pour plus tard. »
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