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 Vengeance

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Sasarei Holkaìn

Sasarei Holkaìn


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MessageSujet: Vengeance   Vengeance EmptyVen 16 Nov - 17:15

Début

La traversée avait été une épreuve pour Sasarei. Elle qui aimait tant voyager sur l’océan, humer son odeur iodée et sentir le vent dans ses cheveux, elle n’avait pas desserré les dents de tout le voyage. Tout lui paraissait fade et amer, comme si une fois fixé sur son but, son cerveau ne pouvait plus être atteint par d’autres choses.

Sa vengeance ; le but de sa vie depuis maintenant douze ans. Une pensée meurtrière qui avait toujours été là ; même quand elle avait essayé de l’ignorer. Toujours présente dans un petit coin de sa tête, creusant lentement son trou, s’installant insidieusement dans son esprit.
Et maintenant qu’elle en était tout proche, qu’elle pouvait presque atteindre son objectif ; elle avait peur.
Peur d’échouer ? De mourir ? C’était bien plus compliqué. Elle se sentait mal et fiévreuse, affaiblie et tiraillée. Elle avait peur que faire le dernier pas vers sa vengeance soit comme de sauter dans le vide d’un abyme sans fond. Un voyage sans retour.

En réalité, elle était même terrifiée à l’idée de se retrouver face à face avec son père. Cet homme qui lui avait fait tant de mal. Mais elle ne pouvait ni montrer ni parler de ce qu’elle ressentait en cet instant, à la vision du cimetière de bateaux Kempuka. Parce qu’elle était allé beaucoup trop loin pour reculer, parce qu’elle c’était toujours montrée forte depuis qu’Il l’avait abandonné et parce qu’elle ne pourrait jamais commencer une nouvelle vie sans clôturer l’ancienne. Pour toutes ces raisons, Sasarei releva la tête, fermement décidée à affronter l’homme qu’elle trouverait au bout du chemin.

Elle entendit le capitaine donner quelques ordres brefs à ses hommes avant de s’avancer vers elle.

-Nous sommes arrivés, dit –il d’un ton neutre, je suppose que vous ne savez pas où se situe précisément Armando ?

-Non Calahaan, je crains fort que nous ne soyons obligés de le chercher dans ce labyrinthe.

-Vous connaissez le bateau de votre père n’est-ce-pas ? Sasarei hocha la tête. Alors nous pourrions peut être jeter l’ancre ici même et nous rendre sur l’île en chaloupe pour chercher son bateau parmi ceux échoués près du rivage. Si nous le trouvons, Armando ne sera certainement pas loin, sinon nous nous résoudrons à affronter les récifs en pénétrant au cœur du cimetière.

-Ça me paraît tout à fait approprié Calahaan et puis c’est quand même votre navire, c’est à vous de décider des risques que vous prenez avec. Nous nous suivrons votre plan, répondit-elle.

Une embarcation fut donc mise à l’eau, pour rejoindre l’île. Mais cette fois-ci, Drake décréta qu’il serait le seul à accompagner Sasarei. Et comme il n’avait aucune autorité légitime sur Moera, elle s’invita à bord avec eux. Risquant ainsi de s’attirer les foudres de Sasarei ; mais il n’en fut rien, la jeune femme était bien trop concentrée ou plutôt préoccupée par son objectif.

Ils accostèrent en douceur sur l’îlot. Pénétrant dans la brume flottante et l’aura grisâtre qui semblait émaner de l’île elle-même. Enfin, c’était plus une bande de terre émergeant de l’eau qu’une l’île véritable. Elle devait être à peine plus étendue que le port d’Oxley. La plage était jonchée de débris de bois, de fragments de vêtements et d’os brisés, polis peu à peu par le mouvements des vagues, jusqu’à devenir assez fins pour se mélanger au sable. Et après quelques mètres seulement, la plage s’arrêtait net pour laisser place à une jungle dense, sombre, humide et fort peu engageante. Côté mer, l’eau peu profonde laissait de rares récifs percer sa surface, mais après un mètre de distance, les rochers se faisaient plus nombreux mais l’eau les rendait invisibles. Seule la grande quantité d’épaves éventrées sur ces obstacles permettait de se douter de leur présence. Les trois compères restèrent un instant sans voix devant ce spectacle de désolation et de mort omniprésente avant de se ressaisir et de se rappeler pourquoi ils étaient là.

-Bon, il ressemble à quoi le rafiot qu’on cherche, demanda Moera.

-Et bien c’est un petit navire mage, qui doit faire à peu près la moitié de la taille du Leborean, expliqua Sasarei. Il ne comporte qu’une petite cabine sur le pont supérieur et n’a qu’un seul pont inférieur, ensuite il y a la cale. Il a des voiles rouges sombres, la figure de proue est une créature marine grossièrement taillée qui garde un trésor et son nom est Le Meryan. Seulement, c’est une description qui était valable lorsque le navire était entier, j’ignore dans quel état nous le découvrirons. Alors ouvrez l’œil, conclut-elle.

Et ils se séparèrent pour couvrir plus de bateaux, lorgnant chacun de leur côté les épaves fracassées.


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MessageSujet: Re: Vengeance   Vengeance EmptyDim 27 Jan - 11:41

Vengeance Cimeti10

Une bruine glacée opacifiait l’atmosphère déjà alourdie par l’humidité ambiante. Drake porta son regard sur la plage. Déjà, il apercevait les coques éventrées des bateaux qui étaient venus s’échouer sur l’île. Le cœur battant, il repensa aux paroles de Kendan : « Ne pense pas à ce qu’il pourrait advenir du Leborean. Tant que nous sommes en vie, il voguera sur les flots. » Mais ces paroles n’avaient fait que retarder l’inévitable. La peur, cinglante, s’insinuait dans tout son être et ce bien malgré lui. Drake n’aimait pas l’idée même que son bateau puisse un jour venir s’échouer sur ces côtes. Une légende disait que lorsqu’un capitaine mourait, son bateau allait de lui-même jusqu’aux récifs de Kempuka pour s’y briser, irrémédiablement. S’il venait à disparaître, ce serait sur son bateau. Au cours d’une bataille navale, d’un combat contre des forbans ou bien lors d’une tempête.
Oui, voilà la mort que Drake choisissait.
Il secoua la tête pour se débarrasser de toutes ces idées noires. La chaloupe avançait sur une mer étrangement calme, presque stagnante sous la lourdeur du ciel cuivré. La jungle qui s’étendait autour de la plage exhalait une moiteur quasiment perceptible, même à une telle distance du rivage. Quand ils accostèrent enfin, Drake jeta un coup d’œil à Moera. Elle s’était imposée sans qu’il ait eu son mot à dire. Elle était comme ça, Moera. Elle n’avait pas besoin qu’on lui donne des ordres ou qu’on lui refuse quelque chose. Elle agissait, tout simplement. Drake en vint à trouver sa présence rassurante. Il savait qu’elle aussi était effrayée face à cette scène morbide. Il le sentait à sa démarche, à ses regards circulaires, ses yeux verts plissés sur une terre désolée.

Une fois à terre, ils marchèrent lentement vers les premiers bateaux échoués qui n’étaient parfois plus que des planches de bois incrustées de coquillages. Après que Sasarei ait donné une description précise du Meryan, ils se séparèrent. Moera prit de l’avance grâce à son élément, l’air, qui lui permettait de sauter de bateau en bateau et donc de se déplacer plus aisément qu’eux. Drake, lui, avait plus de mal. Le simple fait de marcher parmi ces débris faisait courir un frisson le long de sa colonne vertébrale. Le bois craquait sous sa botte comme les os d’un géant qui se décompose lentement. D’énormes algues vertes recouvraient parfois les squelettes comme des lambeaux de chair verdâtre. L’odeur qui s’en dégageait n’avait rien de ragoûtant non plus. Drake se fit violence pour ne pas se mettre un foulard autour du nez.

Il se retrouva bientôt seul, Sasarei et Moera ayant disparu de son champ de vision. Essayant d’oublier la peur qui le tenaillait, le capitaine balaya l’espace du regard à la recherche du moindre indice, de ces voiles rouge sombre qui caractérisaient le Meryan. Il osa passer sa tête à l’intérieur des coques éventrées. Des squelettes humains jonchaient le sol de certaines cales et parfois Drake découvrait des caisses remplies de poudre qu’il préféra éviter de toucher. L’humidité avait certainement réduit leur pouvoir de destruction à néant mais on n’était jamais sûr de rien avec un matériau aussi instable. Drake priait intérieurement pour ne pas tomber sur un pavillon qu’il connût, ennemi ou ami. Il ne pourrait se remettre d’une telle vision. Il se détesta pour cela. Il se sentait faible, victime d’émotions futiles qui étaient pourtant bien réelles. Elles ne cessaient de le tourmenter depuis qu’il avait su que leur longue traversée se terminerait à Kempuka.

C’est alors qu’il comprit qu’une telle épreuve ne pouvait qu’être bénéfique. Il serait le premier capitaine à revenir vivant du cimetière de bateaux que tous les marins redoutaient. Il s’en faisait le serment. Il reviendrait et rirait au nez de l’infortune. « J’ai trouvé ! » cria soudain la voix de Moera, faisant écho au roulis des rares vagues qui venaient s’échouer sur la plage. Drake et Sasarei se retrouvèrent au tournant d’une épave et essayèrent de suivre la piste jusqu’à Moera, guidés par sa voix. Elle se tenait sur un énorme rocher planté dans le sable et qui cachait vraisemblablement un bateau de petit taille. En se rapprochant, Drake vit qu’il s’agissait d’un brigantin. Il n’y avait pas de doutes. Les voiles rouges, la créature marine tenant son trésor en guise de figure de proue… C’était le Meryan. Échoué sur le flanc, sa croque fracturée en divers endroits, il n’en était pas moins en plutôt bon état, si on le comparait aux autres épaves. Drake jeta un coup d’œil à Sasarei, debout près de lui. Le visage de la jeune femme était indéchiffrable. Il savait cependant qu’au fond d’elle de multiples émotions devaient s’entrechoquer. Il releva les yeux vers le Meryan. Il s’était juré de la soutenir dans cette épreuve et rien ne le fera revenir sur sa décision. Désormais, c’était à elle de prendre les commandes.

[Pardon pour ce très long temps de réponse, j'espère être plus rapide la prochaine fois ; faudra qu'on voit ensemble ce qui se passe par la suite ^^]
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MessageSujet: Re: Vengeance   Vengeance EmptyLun 1 Avr - 19:13

La fouille de l’épave du Meryan n’avait rien donné, mais Sasarei avait noté l’absence des affaires personnelles de son père. Le petit nombre de squelettes qu’ils avaient trouvés indiquait aussi que l’équipage n’avait pas entièrement péri dans le naufrage. L’îlot et sa forêt sinistre abritait donc les rescapés du Meryan et parmi eux Armando. Ils décidèrent de laisser passer la nuit.

*

Noir. Tout était noir dans le cauchemar qu’elle fit cette nuit-là. Et elle tombait dans un vide sans fond, serrant son sabre contre elle. Un sabre ruisselant de sang qui gouttait sur ses bras et tachait ses vêtements. Il coulait et coulait, s’écoulant du sabre et la recouvrant de plus en plus. Elle avait tué son père et le sang qu’elle avait répandu allait la tuer elle. Il y en avait partout. Elle voyait le fond du gouffre. C’était un puits, un puits rempli de sang. Le sang de mon père pensa-t-elle. Et elle sombra…émergeant en sursaut et en sueur de son sommeil agité. Elle ne put se rendormir.

*

Au matin, ils revinrent accompagnés de quelques marins pour passer la forêt au peigne fin. Drake avait demandé des volontaires pour les aider et son fidèle équipage avait répondu présent. Il avait dû choisir parmi la foule qui s’était proposée. Tous s’étaient armés et Drake avait répété pour eux les consignes de prudence de Sasarei ; signaler la moindre trace d’habitation, rester invisible et silencieux, ne pas attaquer seul.

La jeune femme commençait à perdre patience. Deux heures déjà qu’ils crapahutaient dans la jungle obscure à la recherche d’un indice. Deux heures dans la pénombre et l’humidité des arbres, à écarter leurs feuilles immenses du passage, à se protéger des insectes voraces, à éviter de s’embourber dans le sol et de s’empêtrer dans les racines. Elle n’en pouvait plus de toute cette végétation luxuriante, baroque et inhospitalière. Elle voulait en finir et le plus tôt serait le mieux. Alors qu’elle était sur le point de se mettre à hurler le nom de son père pour l’attirer, Drake vint tapoter son épaule pour l’informer qu’ils avaient trouvés quelque chose.
Ils marchèrent une centaine de mètre avant d’entrevoir une cabane rustique dans une minuscule clairière. L’endroit était habité mais son occupant semblait absent pour le moment et les marins n’avait remarqué aucun mouvement ni bruit suspect. Sasarei demanda à Drake de renvoyer ses hommes au bateau, car après tout c’était une vengeance personnelle et ils l’avaient déjà tous beaucoup aidée. Elle ne voulait pas que l’un d’entre eux soit blessé ou même tué dans le combat. Seuls restèrent Moera et Drake, l’un ne voulant pas abandonner une femme en pleine jungle et l’autre ne voulant pas quitter le premier. Sasarei prit donc son mal en patience et tous ensembles ils attendirent le retour d’Armando en scrutant la cabane à travers les fourrés.

Sa main se crispait sur la poignée de son sabre au moindre bruit, au plus petit bruissement de feuilles, puis elle constatait que ce n’était pas lui et relâchait sa prise. Elle repensait au rêve qu’elle avait fait. Et si on essayait de l’avertir, de l’empêcher d’accomplir ce qu’elle était venue faire ? Mais qui ? Les dieux ; elle ne croyait pas aux dieux. Elle chassa ses pensées ridicules et remarqua que Drake la regardait d’un air inquiet. Elle lui adressa un sourire pour le rassurer mais elle sentait bien qu’il était pâle et qu’elle ne pourrait pas faire mieux. Elle se força à ramener ses yeux sur la clairière et à ne pas penser qu’elle avait entrainé le gentil capitaine dans des endroits bien sombres. Tandis que Drake se demandait s’il devait envisager d’intervenir dans le combat qui se profilait.

*

Elle ne le reconnu pas lorsqu’il s’avança dans la clairière, quittant l’ombre des arbres pour s’avancer vers le cabanon, un lapin à la main. Ses cheveux avaient poussés et blanchis et ses traits étaient tirés. Il n’avait plus rien du tombeur de femmes qu’elle se rappelait ; ni son charisme, ni son énergie. Il était vêtu de haillons et de peaux et parlait tout haut alors qu’il était seul. Et puis elle identifia la démarche de son père, sa manière caractéristique de bouger les bras et les mains pour illustrer son discours et lorsqu’il tourna la tête vers leur cachette elle n’eut plus aucun doute sur son identité.
Ses yeux bleus la transpercèrent et un bref instant elle se revît sur les docks à dix ans, vendue sous une pluie battante à un esclavagiste alors que son père la regardait droit dans les yeux et lui disait que tout irait bien. Elle se leva d’un bond et quitta lentement le couvert des arbres pour s’avancer vers son père. Lorsqu’il leva la tête vers elle, il parut étonné de la voir. Elle tira son sabre et dit :

« Salut papa. »
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MessageSujet: Re: Vengeance   Vengeance EmptyLun 29 Avr - 14:22

Une goutte de sueur traça son chemin le long de la colonne vertébrale de Drake. Il était pourtant vêtu d’une simple chemise de lin, fine et légère, idéale pour supporter les températures tropicales. Or la moiteur et la lourdeur du climat de l’île étaient plus qu’insupportables. Ce n’était pas la bonne période et visiblement ils ne souffriraient pas juste de piqûres d’insectes. Insolation et déshydratation risquaient d’affaiblir leurs sens et de tromper leur instinct. Il lui fallait veiller sur ses hommes, et c’est pourquoi il avait accepté sans réfléchir de renvoyer une bonne partie de l’équipage au Leborean, suite à la demande de Sasarei. Il respectait le point de vue de la jeune femme qu’il savait assez raisonnable, bien que parfois l’inquiétude le prît quand il percevait l’incertitude et l’angoisse sur le visage de la pirate. Elle devait faire face au pire… Il la comprenait presque. Lui n’avait pas connu son père mais il savait que l’homme était tout ce qu’il détestait. Il l’avait vu dans les yeux de sa mère quand elle était encore consciente de monde qui l’entourait. Il l’avait senti quand elle évoquait trop rarement la silhouette massive de cet homme venu du sud, au visage buriné, marqué par le soleil et par la dureté de ses actions.

Un ciel d’orage se profilait alors qu’ils se tenaient tous les trois devant la cabane. Quelques rayons perçaient la voûte chargée de gris et l’air sentait la fragrance humide de la pluie. Le père de Sasarei apparut au tournant d’un bosquet, visiblement amaigri, la peau rongée par la barbe et les affres du soleil tropical. Drake et Moera reculèrent. Ils n’avaient pas leur place dans la bataille qui s’annonçait. C’était désormais entre Sasarei et son père. Moera regardait la scène d’un air indécis, les mains posées sur les hanches, prête à dégainer son couteau si jamais cela se compliquait. Remarquant cela, Drake lui toucha le bras et leurs yeux se croisèrent. Moera, malgré les joutes verbales entre elle et Sasarei, se souciait toujours du bien-être des gens. Drake sentait qu’au fond elles s’appréciaient, non seulement parce qu’elles étaient des femmes dans un milieu d’hommes mais aussi parce qu’elles avaient tous les deux reçues des blessures qui ne finiraient jamais de les contrarier.
« Tu sais quoi ? Moi aussi je devrais sérieusement envisager de botter le cul à mon paternel, déclara Moera après s’être appuyée contre un arbre.
- Ce n’est pas comparable, mais si ça peut te soulager… répondit Drake avec un sourire et un regard indulgent pour son amie.
- Ca me soulagerait, ça c’est certain… »
Un papillon voleta en face d’eux, ses ailes irisées de turquoise et d’orange. Un craquement alerta soudain les deux compagnons qui entreprirent de sonder les fourrés et les arbres alentour. Drake et Moera s’engouffrèrent dans la végétation alors que plusieurs silhouettes apparaissaient et disparaissaient entre les troncs. La main sur la garde de sa rapière, le corsaire partit vers la gauche tandis que Moera choisit la droite. Les branchages craquaient sous ses bottes mais peu importait puisque les ruffians savaient déjà qu’ils les avaient remarqués. Les survivants du Meryan.
Drake se déporta sur la gauche alors qu’un assaillant jaillit d’entre les arbres. Beaucoup estimaient qu’aller au-devant du danger était une idiotie. Bien au contraire, Drake préférait faire face plutôt qu’attendre qu’on vienne le poignarder dans le dos. Il devenait ainsi maître de son destin et laissait la couardise aux inconscients. La peur se transformait alors en adrénaline, le cœur battait à tout rompre et les sens s’ouvraient au reste de l’univers. Le maraud était un solide gaillard au visage gravelé par une petite lèpre, la lippe pendante, le regard furibond. Il cachait sa calvitie sous un foulard couleur rouille et témoignait d’une adresse surprenante pour un physique aussi trapu. Ils virevoltèrent entre les minces troncs du sous-bois, attaquant, parant, dansant d’un pied sur l’autre pour éviter les racines. Malgré la disette que devait avoir connu le bougre sur cette île désolée, le pirate se montrait inébranlable face aux assauts de Drake. Celui-ci comprit que s’il ne s’en débarrassait pas rapidement, le combat risquait de durer longtemps.
Alors que l’homme le poursuivait, le corsaire se retourna brusquement, coupa des branchages à la volée qui atterrirent dans le sillage de son adversaire, le prenant au dépourvu. Se dépêtrant dans les branches et les feuilles, le maraud laissa quelques secondes à Drake pour contre-attaquer. Il s’avança, la rapière en avant, quand une douleur sourde lui mordit la chair du flanc. Baissant la tête, il découvrit un trait d’arbalète fiché dans sa peau. Une fleur rouge s’épanouit sur la chemise. Il jura et l’enleva d’un coup sec. Le fautif apparut, se jeta sur lui. Ils roulèrent dans les feuilles. Drake cogna l’homme au visage, du sang gicla encore sur sa chemise, mais pas le sien. Le pirate enfonça ses doigts sales dans la gorge de Drake pour l’étrangler. Tout s’était passé très vite et le premier assaillant risquait de venir suppléer son compagnon d’une minute à l’autre.
Mais il ne vint pas. Drake se cabra, jeta son adversaire sur le côté. Ce dernier heurta un tronc et demeura assommé quelques secondes. Drake en profita pour récupérer sa rapière et la planter dans le torse de l’homme. Pas de pitié. Puis il pivota et vit son premier assaillant avachi sur le flanc, un filet de bave teinté de sang couler sur le parterre de feuilles mortes. Moera l’observait entre deux troncs, sa dague souillée de sang dans son poing serré.
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MessageSujet: Re: Vengeance   Vengeance EmptyMar 16 Juil - 18:34

Elle eut à peine le temps de cligner des yeux, que son père réapparaissait sabre en main, lui assenant un coup vif au visage. Elle se détourna pour esquiver, mais son geste ne fût pas assez rapide pour lui éviter une estafilade le long de sa pommette droite. Le sang perla, et avec lui les doutes et les pensées parasites de Sasarei s’envolèrent ; elle oublia sa peur et son hésitation à attaquer son père. Après tout il ne lui avait même pas demandé ce qu’elle voulait et l’avait agressée sans sommation, sans même lui dire un mot; ne laissant dans son esprit que la concentration et l’ivresse du combat. Elle voulut contre-attaquer mais Armando était déjà sur elle, la harcelant de coups et l’obligeant à se défendre. Elle recula. Il se matérialisa sur sa gauche. Elle contra in extremis le coup destiné à son flanc mais ne vit pas venir le poing. L’uppercut la cueillit sous la mâchoire, l’envoyant s’écraser au sol. Désorientée, elle raffermit sa prise sur son arme. Armando leva sa lame, captant le regard de sa fille tétanisée. L’arme fondit vers sa gorge et s’enfonça sans effort dans le sol meuble.

Elle réapparut à quelques mètres de lui, presque surprise d’avoir échappé au coup mortel. Comme si seul son instinct de survie lui avait permis de se téléporter tandis que sa conscience la voyait déjà morte. Elle se forçat à se relever et se remit en garde. Essayant de ne pas laisser aller son esprit. Mais les distractions étaient grandes. Maintenant qu’elle était près de son père, elle pouvait constater les ravages du temps et du naufrage. Les rides profondes qui marquaient son visage, sa barbe clairsemée rasée à coups de poignard, sa silhouette sèche, sans trace de la vigueur et de la bonne santé d’autrefois. Et ses yeux, elle voyait dans ses yeux la marque de ses échecs, la cicatrice de ses souffrances et la folie du naufrage. Une folie sans borne qui consumait peu à peu son esprit. Soudain un bruit de lutte et des cris étouffés par la végétation attirèrent son attention vers la jungle. Drake et Moera qu’elle avait abandonnés à leur sort, avaient certainement des ennuis en ce moment...  

La douleur terrible d’un coup de taille à la hanche ramena ses pensées vers son père et le combat qu’elle menait. Sasarei voulut parer le coup suivant, mais elle ne réussit qu’à le détourner de sa cible et la lame de son père qui visait son cœur s’enfonça dans son flanc gauche comme dans du beurre. Une souffrance atroce se répandit dans le corps de la jeune femme et elle recula loin de son agresseur, verrouillant sa garde tant bien que mal, en dépit du sang  qui gouttait le long de sa jambe et de la douleur qui pulsait dans tout son corps. La blessure qu’elle venait de recevoir réduisait radicalement ses chances de victoire. Drake et Moera était seuls, mais Sasarei ne doutait pas qu’ils puissent s’en sortir sans trop de difficultés.

Elle devait se focaliser sur lui.
Armando.

Elle se forçat à évacuer le superflu de son esprit et à observer les faits et gestes de son père avec la plus grande attention. Analyser son adversaire pour le connaître mieux que soi-même, c’est ce qu’on lui avait appris. Certes, son père était meilleur qu’elle, la raclée qu’elle était en train de prendre le prouvait. Il était vieux et avait l’expérience d’une vie passée à combattre pour lui. De plus il était complètement dérangé. Les mois voire les années passées sur cette île maudite, à manger on ne savait quoi (les membres de l’équipage morts dans le naufrage par exemple) ou pire, les bestioles, l’eau impropre, hygiène inexistante, toutes ces choses avaient rongé son esprit jusqu’à le rendre paranoïaque et agressif. Sasarei n’avait donc pour elle que sa lucidité. Lorsqu’il fit un pas de côté, Sasarei suivit son mouvement, et lentement ils décrivirent un cercle dans l’herbe tendre, tels deux tigres s’affrontant du regard. Chacun jaugeant son adversaire avec soin. Une éternité sembla s’écouler tandis qu’ils s’observaient, puis ils se ruèrent l’un sur l’autre et durant la série d’attaques qui suivi, Sasarei ouvrit l’œil sur chacune des manœuvres de son père, les angles d’attaque, les feintes et les cibles qu’il visait en se téléportant. Et d’un coup, la stratégie de son père lui sauta aux yeux.

Elle testa sa théorie sur les assauts suivants, réussissant sans difficulté à anticiper les attaques d’Armando. Et pour la énième fois il se téléporta pour la prendre à revers. Sasarei retourna alors son arme et sans hésitation, frappa derrière elle, à l’endroit exact où se matérialisait son  père, transperçant son cœur d’un geste fluide et ferme.
Le temps paru s’arrêter. Et sans se retourner, elle imagina sans peine l’expression de surprise peinte sur le visage de son géniteur avec peut-être, une touche de regret dans son regard avant de l’entendre s’affaisser au sol dans un bruit mou.
Son regard balaya la clairière et Sasarei sentit un vague sentiment de soulagement l’envahir, puis sa vision du décor s’assombrit graduellement. Elle osa enfin porter la main à son ventre et tâter la large plaie qui barrait sa chair. Lorsque la douleur fusa dans tout son corps, elle laissa échapper un cri plaintif et retira sa main. La vue continuait de se réduire et la dernière chose qu’elle vit avant de s’effondrer, fût ses doigts trempés de sang.
Étrange scène que celle d’un père et sa fille réunis et réconciliés ; dans la mort pour l’un et l’inconscience pour l’autre.

***

Une silhouette floue mais familière courait vers elle. Elle aurait voulu se lever pour aller à sa rencontre et la rassurer, dire qu’elle allait bien, que tout était fini ; mais elle se sentait tellement fatiguée et sa tête était si lourde. La silhouette la rejoignit et s’agenouilla à côté d’elle. Pourtant elle ne voyait pas son visage et la pénombre barbouillait tout en nuances de gris. La silhouette la prit dans ses bras et sa peau exhalait une subtile odeur de citron.
« - J’ai si froid, lui dit-elle d’une voix faible avant de s’évanouir. »
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