Blend Awake
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 Opaque

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AuteurMessage
Ash O'Graham

Ash O'Graham


Messages : 725
Date d'inscription : 08/08/2010


Age du Personnage : 26 ans
Alignement: Chaotique Neutre
Classe - Fonction: Cyberpolitain - Politicien
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MessageSujet: Opaque   Opaque EmptyVen 11 Oct - 23:25

suite de >la route est droite<

Ash referma la porte, jeta son imper sur une chaise et traversa son appartement dans le noir, jusqu’à la salle de bains où il alluma la lumière crue.

Il était tard. L’écoulement du robinet bruissa dans le silence. L’eau remplit le lavabo blanc aux lignes épurées, et Ash s’arrosa le visage avant de lever la tête pour s’observer dans la glace, clignant des yeux entre les gouttes d’eau.

Il pensait à la soirée qui venait de passer, au soutien de Seth, Calypso et Zack, à cette impression bizarre d’être en famille, d’être à l’aise – une impression qu’aucun d’eux, finalement, n’avait jamais vraiment ressentie avec leurs parents tant il y avait de tensions, de non-dits. Il s’était senti bien, malgré tout. Même s’il avait découvert qu’être un petit con égoïste peut faire mal. Il s’en foutait de toute façon, tant qu’il était là-bas, avec eux, dans le bazar sympathique et sincère de la vie des jumeaux.

Mais maintenant c’était différent. Il était de retour entre les murs blancs de son appartement froid et vide, avec ses meubles gris au design si sobre et élégant, son frigo américain et ce dallage d’ardoise noir sur les murs de la salle de bains. Peut-être que Sarah était rentrée, qu’elle dormait entre les draps fins de leur lit king-size, ses cheveux blonds brushés répandus négligemment sur l’oreiller moelleux. Mais elle n’était qu’un objet de plus dans le décor trop parfait et silencieux.

Il attrapa une serviette et s’essuya le visage, tâchant de chasser le sentiment d’inconfort qui le gagnait. Il était las et fatigué, il ne voulait plus penser à rien. Lentement, il se déshabilla et se mit sous la douche. Peu à peu la chaleur de l’eau inonda sa peau, son corps s’engourdit, la vapeur emplit la pièce et il perdit le fil de ses propres pensées. Son esprit se brouilla agréablement, s’embourbant dans une torpeur somnolente. Machinalement il se brossa les dents, ses yeux mi-clos à peine reflétés par le miroir embué, il enfila un caleçon propre et un t-shirt, puis rejoignit sa chambre.

Sarah était bien là, dormant paisiblement. Il lui jeta à peine un regard, se glissa sous les draps sans l’effleurer, et il ferma les yeux pour s’endormir. Mais alors une pensée informulée le retint éveillé. Il rouvrit les yeux, songeur, et tourna la tête vers Sarah. Dans un flottement de conscience comme on n’en connaît qu’avant le sommeil, il songea : peut-être serait-il agréable d’essayer d’être sincère, avec elle aussi ? Rien n’était moins sûr, mais l’expérience pouvait se tenter. Sur cette idée confuse, sa tête retomba et il s’endormit.

*

Le lendemain matin Sarah préparait le petit déjeuner lorsqu’il entra dans la cuisine. Deux petites assiettes étaient posées face à face sur le bar en aluminium. Le café arrivait. Ash s’assit sur l’un des tabourets et répondit au sourire avenant que Sarah lui envoya.

« Bonne soirée ? demanda-t-elle avec une pointe de reproche.
Il réalisa qu’il n’avait pas été là pour l’accueillir à son retour de voyage.
- Euh, oui. Désolé, j’étais chez les jumeaux. On a fait un genre de… réunion familiale.
- Ah oui ? C’est sympa. »

Elle n’en croyait pas un mot.
Il la regarda longuement tandis qu’elle versait le café.

« Et toi, Émerillon ?
- Super. C’est vraiment aussi beau qu’on le dit. Et puis j’ai signé les contrats que je voulais.
- Parfait ! » commenta-t-il distraitement.

Mais en entendant sa propre voix sonner faux, il s’aperçut que lui non plus ne la croyait pas.
Il rit intérieurement de l’ironie de la situation. Ils se persuadaient eux-mêmes qu’ils entretenaient une relation de couple franche, libre, c’était ce qu’il avait dit à Calypso, d’ailleurs, et à ce moment-là il en était persuadé : oui, ils étaient tombés d’accord pour n’être l’un pour l’autre, avant tout, qu’un atout social, un soutien de carrière, oui ils avaient convenu qu’ils pouvaient aller voir ailleurs. Mais alors pourquoi ne pas se faire réellement confiance, pourquoi peu à peu s’étaient-ils mis à se jalouser, à se mentir à longueur de temps, à entretenir le jeu savant d’apparences vaines ?
Elle s’était assise en face de lui et capta l’angle de son sourire sarcastique.

« Y’a quelque chose d’amusant ? » demanda-t-elle.

Il leva la tête pour rencontrer ses yeux, s’abîma un instant dans leurs reflets bleus en souriant tandis qu’elle fouillait dans les siens pour comprendre. L’idée de la veille lui revint : être sincère. Il lâcha sur un ton pensif :

« Je me demande parfois pourquoi on se raconte tant d’histoires. (Elle tiqua.) J’veux dire on est là, en pyjama gris, à prendre le café bêtement en échangeant trois mots de politesse comme si on n’était rien de plus que des inconnus à un bar. C’est nul, non ?
Elle le considéra avec dépit.

- ‘C’est nul’… Oui, probablement, admit-elle avec calme. Enfin si c’est si nul que ça, t’as qu’à retourner chez (mimant les guillemets) « les jumeaux », moi je retournerai « signer des contrats », et au moins les choses seront claires. »

Elle débarrassa son bol, vidant le fond de café dans l’évier, puis quitta la pièce comme si Ash n’existait pas. Il la suivit promptement dans le salon. Il voulait absolument essayer, essayer juste un peu de parler sincèrement avec elle – juste essayer, le temps d’une conversation, de ne pas être un sale con.

« Attends, c’est pas c’que je voulais dire !
Elle se retourna vivement.
- Alors c’est quoi ? Hein ? Qu’on s’emmerde ici ensemble ? Qu’on est des hypocrites ? Qu’on est deux CSP+ cyniques et pitoyables qui refusent de s’avouer leur manque affectif ? C’est quoi ? »

Il s’arrêta soudain et la regarda, étonné.
Elle avait la voix étrangement claire, les yeux brillants.

« Il s’est passé quelque chose ? demanda-t-il. (Elle ne dit rien.) À Émerillon, celui avec qui t’étais… J’veux dire, (il cherchait son regard) toi et lui c’est sérieux ? »

Elle ouvrit la bouche mais ne dit rien, baissant les yeux, elle haussa les épaules.
Il se passa une main sur le visage, accusant le coup, et se laissa tomber assis sur l’accoudoir du canapé. Elle lui jeta un coup d’œil à la dérobée. Il semblait songeur. Elle n’arrivait jamais à savoir vraiment ce qu’il pensait.

« En fait… commença-t-il. C’est très bien. (Elle le regarda, incrédule. Il s’expliqua très sérieusement.) Enfin, ‘très bien’… que tu m’en parles. C’était pour ça, au départ, que j’ai dit ça. J’veux dire… Ce que j’ai dit au sujet du fait qu’on s’échange trois mots pour rien dire au p’tit déj. (Elle le regardait en fronçant les sourcils, tâchant de le suivre son raisonnement dans lequel il semblait se perdre lui-même.) J’étais vraiment chez les jumeaux, hier soir, tu sais ? Enfin on s’en fout. C’est pas la question. J’me suis disputé avec Trevor, l’autre jour et… On s’adresse plus la parole. Du coup j’ai parlé avec Seth. Tu sais, mon pote de la fac. Il est assez direct comme mec. Et comment dire… Putain, mais on s’en fout de ça aussi en fait ! Le truc c’est juste que je me suis aperçu que je devrais peut-être… je sais pas… »

Il se prit la tête dans les mains. Il cherchait ses mots, sa pensée.
S’exprimer sincèrement était plus difficile qu’il n’aurait cru. Au milieu d’une phrase il s’écoutait soudain parler, comme extérieur à lui-même, et il ne se reconnaissait qu’à moitié, comme s’il avait passé tellement de temps à se construire un personnage qu’il avait oublié sa propre voix, ou comme si c’était un autre mec qui parlait, un gars normal, presque naïf, peut-être le mec qu’il avait été et qui était parti de sa chair en même temps que Lili.

Sarah, elle, l’écoutait désormais sincèrement.
Elle s’était assise sur un fauteuil, un peu loin de lui. Son regard bleu observait minutieusement la physionomie de celui qui aux yeux de tous était son fiancé. Elle songeait aux premiers instants où elle s’était intéressée à lui, attirée par son charme provocateur et par le mordant de son esprit, elle songeait aux moments d’excitation, puis à la lente descente vers le simulacre du quotidien. Elle avait aimé, au début, le voir jouer avec ses masques, elle l’avait admiré, elle avait cru pouvoir entrer avec lui dans son jeu. Mais Ash était un solitaire, tristement incapable de s’ouvrir à quiconque. Une fois qu’il eut cessé de s’amuser au bal des apparences avec elle, il n’y avait plus eu entre eux que le silence et les mensonges discrets, comme s’ils étaient arrivés au dernier masque de la collection : celui du gentil petit couple. Et à présent voilà qu’il s’égarait, que pour la première fois, elle le voyait se perdre en lui-même.
Il reprit :

« Dit comme ça, ça va te paraître stupide, mais disons que je me suis… pas mal remis en question. Enfin, dans la mesure du possible, ricana-t-il pour lui-même. Tout ça pour dire que j’en suis arrivé à l’idée qu’être sincère, parfois, ça peut être intéressant. (Il leva les yeux vers elle et rencontra son regard.) Du coup si tu veux me dire quelque chose… Si… Je sais pas, si tu veux me dire que (l’image de Lili traversa son esprit et il sourit mélancoliquement) que t’es raide dingue d’un mec et que tu veux me plaquer comme une merde six mois avant le mariage, ben… C’est faisable. »

Elle eut un sourire gêné et sincère, comme pour s’excuser de la situation. Elle semblait touchée, aussi. Il ne savait pas trop ce qu’elle pensait, ce qu’elle ressentait. Cela faisait longtemps qu’il ne l’avait pas vue comme ça, comme une personne autre, un être humain à part entière, et pas seulement une dépendance de lui-même. C’était comme si soudain, à l’évocation de la simple idée qu’elle put partir et appartenir à un autre, elle redevenait extérieure, opaque, mystérieuse.

« Je sais pas exactement ce que j’ai à dire, en fait, finit-elle par lâcher avec un léger rire gêné. Pour être sincère, vu que c’est l’idée, d’être sincère, j’ai passé des très bons moments avec… (Elle regarda Ash.)  il s’appelle Maxime. (Il hocha la tête.) Et c’est marrant, en un sens, parce que j’étais super énervée contre toi, tu m’agaçais et… Là je sais plus du tout. En fait, j’avais l’impression qu’avec toi c’était complètement mort. Honnêtement, y’a encore un quart d’heure y’avait plus rien à sauver. Mais maintenant… Tu sais que t’es super mignon quand t’essayes pas de faire semblant ?

Il sourit comme un ado et ils échangèrent un regard complice. Puis elle baissa les yeux et sourit étrangement pour elle-même, le regard dans le vague. Il la regarda, hésita un instant…

- J’suis bisexuel, dit-il.
- Quoi ?

Il avait dit ça sans trop savoir pourquoi. Peut-être parce que c’était la suite logique : il l’avouait à Trevor, il en reparlait avec Seth et les jumeaux… Le coming out est un peu une loi des séries. Il avisa la mine déconcertée de Sarah, et expliqua :

- C’est pour ça que Trevor me parle plus, dit-il simplement.

Mais visiblement elle en voulait davantage. Une part de lui se disait qu’il était en train de faire une grosse connerie. Il se voyait lui déballer sa vie, ensuite elle le quittait, puis, des années plus tard, le jour où il briguait un poste important, elle publiait ses mémoires truffées d’anecdotes croustillantes. Mais non, elle le regardait avec bienveillance, elle attendait simplement qu’il se livre. Il vit sa nuque se pencher et repensa à certaines nuits avec elle, à des discussions animées, à des fous rires. Tout n’avait pas été parfait. Il ne l’avait jamais aimée avec la même intensité que Lili. Mais malgré tout ils avaient vécu des choses ensemble. Ils avaient partagé trois ans. Il baissa les yeux :

- Ça te fait quoi ? demanda-t-il.
- Que tu sois bi ? Je sais pas, c’est un peu étrange. Mais ce qui est sûr c’est que j’ai jamais eu l’impression que tu te forçais !
- Ah ah ! Non, ça…
- Du coup tu… fréquentes des mecs aussi… ? En ce moment ?
- Un surtout… disons que c’est plutôt un ami.

Elle hocha la tête, songeuse.

- Ton père a dû réagir comme un connard.
- C’est peu dire.
- Pourquoi tu me l’as dit ?
- Vas savoir… C’est le grand moment de sincérité, non ? Sérieusement, je crois que c'est surtout parce que… C’est le déclencheur. C’est ce qui fait que depuis hier soir je me suis aperçu que… Finalement j’ai peut-être pas tellement envie d’être juste un sale con.

Elle rit soudain franchement.

- Quoi ? sourit-il à son tour.
- Nan, rien. C’est juste ce « finalement j’veux pas être un sale con », sous-entendu « avant c’était mon rêve ultime » : c’est bien d’assumer ! »

Ils rirent ensemble de bon cœur. Ash se sentait bizarrement léger. Il ne savait toujours pas comment sa vie allait tourner, mais à ce moment-là il s’en fichait. Lorsqu’il releva la tête, il fut surpris de trouver Sarah devant lui. Elle fit glisser son index sur sa joue, et inclina la tête vers lui pour l’embrasser. Il se laissa faire, essayant de ne pas être trop content de lui, trop sûr de sa victoire, et lui rendit son baiser.

« Alors tu retournes pas voir Maxime ? demanda-t-il.
- Pas pour l’instant. » souffla-t-elle.

Il réprima un sursaut d’orgueil : elle ne lui accordait pour le moment qu’un sursis, mais il accepta en un silence. Elle avait dit cela si doucement, en l’amenant contre elle… Il ferma les yeux. Il essayait de ne pas se sentir complètement paumé, de ne pas penser qu’il n’avait plus de boulot, plus de père et une fiancé en sursis. Il se laissa aller à ses caresses, laissant son sang pulser dans ses veines et s’emparer de sa conscience et de son corps.
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Opaque

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