L’atelier de Yhuk’ta Shwarin était essentiellement bringuebalant, sale, et bordélique. Les murs en terre étaient couverts d’étagères, qui elles-mêmes débordaient d’objets divers aux provenances éclectiques. C’étaient des objets souvent peu identifiables et dont l’utilité était rarement évidente. Plumes, cailloux, lambeaux de cuir, morceaux de plantes, branches, fleurs sèches, coquilles d’escargot, bocaux remplis de terre ou de sable, coques de noix, coquillages… Rien que des breloques, des bibelots, des babioles – des colifichets inutiles que le temps recouvrait d’une pellicule de saleté poussiéreuse plus ou moins épaisse. Mais ce bazar hétéroclite constituait pour Yhuk’ta la base de tout son travail : il excellait dans la fabrication d’objets magiques en tout genre et ces objets, une fois assemblés selon des règles secrètes, devenaient des amulettes protectrices, des talismans puissants...
Ce jour là, assis à sa grande table de travail, les coudes posés sur le vieux bois, il s’appliquait à coudre la bouche d’un visage flasque. Ce qu’il tenait entre ses doigts ridés, c’était une tête réduite en devenir : les os, la chair et les yeux avaient été retirés, et il fallait désormais coudre les lèvres et les paupières avant de remplir la tête avec des pierres chaudes et du sable noir. Mais ‘la tête’, pour l’instant, ressemblait moins à une tête qu’à un ballon dégonflé, une sorte de sac vide, informe et inerte, qui s’affaissait dès que Yhuk en ôtait sa main. Et, justement, il glissa à nouveau sa main à l’intérieur pour mieux percer la peau de son l’aiguille – mais le masque ne prit qu’une forme monstrueuse, et la main sembla n’être là que pour agiter une marionnette sans vie. Ce spectacle morbide inspira à Yhuk un sourire satisfait, et il murmura à l’adresse des yeux vides : « Poussière, tu retournes à la poussière… »

Trois coups brefs retentirent.
Quelqu’un frappait à la porte. Pourtant, il n’attendait personne. Il continua sa couture comme si de rien n’était. Trois autres coups. « Eh ! Le vieux schnock dur d’oreille ! fit Tsantza du haut d’une étagère. Ça toque, j’te signale ! » Yhuk grommela – il voulait simplement terminer les lèvres avant d’aller ouvrir.
Trois autres coups. Tsantza ricana : « Tu sais quoi Yhuk ? T’es tellement sourd, que le jour de ta mort t’entendras même pas le destin frapper à ta porte ! » Yhuk fit mine de ne pas avoir entendu les remarques désobligeantes de son djinn, et se leva enfin pour se diriger à pas mesurés vers la porte d’entrée de son atelier – porte qui servait non pas pour les clients de la boutique, mais pour ses relations personnelles, c’est-à-dire un nombre d’individus relativement restreint.
Il ouvrit.

Régulièrement, Jayke venait boire un thé chez son grand-père et ils discutaient alors de tout et de rien, surtout de rien à vrai dire puisqu'ils n'étaient tous deux pas de très grands bavards. Mais tout de même, depuis le moment où ils s'étaient rencontrés pour la première fois, ils avaient eu le temps d'échanger beaucoup sur l'un et l'autre. Des anecdotes de voyage, le plus souvent, et parfois même, quand il était dans ses bons jours, Yhuk'ta racontait de vieilles légendes à son petit-fils (ce qu'il aurait du faire s'il ne s'était pas éclipsé de la vie familiale, le vieux filou !).
Bref, aujourd'hui était l'un de ces jours parfaits pour aller prendre le thé et papoter... Si seulement le papy daignait bien lui ouvrir la porte, bordeyl de marde !
Quand enfin Yhuk'ta apparut sur le seuil, Jayke lui décocha un regard noir (juste quelques secondes) pour ensuite lui faire un grand sourire forcé.

- Oh... C'est toi, dit simplement le vieil homme, ne remarquant même pas l'impatience de Jayke, avant de se retourner et de repartir en sens inverse, en laissant la porte ouverte (ce qui était une manière extrèèèmement subtile de l'inviter à entrer).
- Et dire "bonjour mon adorable petit-fils que j'aime", ça t'écorcherait la langue ? grommela le jeune homme, pour finalement entrer, suivit de près par Keane, son fidèle chien-loup.

Comme le vieil homme restait silencieux, Jayke enchaîna.

- J'ai toujours l'impression que tu es super content de me voir, ça fait plaisir. Bon, sinon, comment vont tes têtes ?
- Ca va, ça va x) J'étais justement en train d'en confectionner une nouvelle... toute fraîche.
- Merveilleux, fit Jayke en prenant l'air dégoûté.
- Huhuhuhuhu, tu veux voir ?

Sans crier gare, Yhuk'ta attrapa la tête et l'approcha de Jayke, qui recula alors vivement, encore plus rebuté.

- Eh ! Approche pas ce truc... mort trop près de moi !
- Ah ah ! Et ça se dit d'Aïn'rë...
- Oh ça va hein...

Yhuk reposa la tête réduite sur son établi, pendant que Jayke le considérait d’un air perplexe.

« Dis-moi, Yhuk, je ne t'ai jamais posé la question mais...tu les trouves où toutes ces têtes de…de…de gens morts ?
- Ooooh… fit le vieil homme d’un air mystérieux, je les découpe sur les cadavres de mes victimes bien sûr ! Ha ha ha…

La chose n’eut pas l’air de faire rire Jayke, qui commençait vraiment à se demander si son grand-père n’était pas un tueur en série sociopathe aux manies obsessionnelles. Le vieil indien, un sourire amusé aux lèvres, émit un soupir faussement exaspéré avant d’expliquer :

- Ces têtes viennent de corps non-identifiés, le plus souvent rejetés par la mer. Parfois, elles me sont confiées par des gens qui souhaitent que leurs proches soient embaumés… Tu sais comme moi que la tête peut renfermer le muisak* ou le wakani* ; si le rituel est respecté, elle devient une source de magie particulièrement puissante… C’est pour cela que l’on me confie les corps : je suis le seul à savoir accomplir le rituel correctement. »

Jayke eut l’air presque rassuré, et hocha la tête pour signifier qu’il comprenait, avant de rejoindre une table basse devant laquelle il s’assit à même le sol, selon la coutume aïn’rê.

« Veux-tu du thé, fils ? demanda Yhuk. Ou bien un peu de tabac ?
- Je ne cracherais pas contre les deux, merci. »

Yhuk attrapa son calumet qui traînait sur une étagère, vérifia qu’il était rempli, puis le tendit à Jayke. Il se dirigea ensuite vers un coin de la pièce qui servait vaguement de cuisine. Là, un cercle de pierres délimitait un foyer rempli de brindilles et couronné d’une bûche à demi consumée. Posée sur les pierres, une boîte d’allumettes que Yhuk avaient récupérée chez les technopolitains. Il la secoua : la boîte était vide.

« Du feu ? » fit Jayke en enflammant le bout de se doigt.
« Volontiers !... »

Yhuk fit un pas de côté pour laisser passer un jet de flammes qui s’en alla embraser le foyer. « Merci. » Il mit de l’eau à chauffer puis s’assit en face de Jayke, à qui il confisqua son calumet pour tirer une grande bouffée. Puis il expira une épaisse fumée, à travers laquelle son regard se mit à fixer celui de son petit-fils.

« Alors, fils, que me vaut cette visite ? Routine ou événement ? »


*muisak : esprit vengeur né d’une mort violente
*wakani : essence spirituelle d’une personne

Jayke, le calumet en main, demeura un instant silencieux, l'air pensif. Il savait que Yhuk pourrait tout à fait le conseiller sur ce qu'il allait lui dire.

- Pour la routine, je dirais. Mais c'est justement parce qu'il ne se passe rien en ce moment dans ma vie que j'envisage de bouger de RH... Faire un nouveau voyage quoi, et donc je voulais connaître ton avis sur cette idée.
- Un voyage ? Rien que ça ?
- Ouais, bon alors c'est un événement D8

Le vieil homme émit un petit rire silencieux, apparemment amusé d'apprendre une telle nouvelle. Puis il appuya ses coudes aux articulations rouillées sur la table et se mit à observer Jayke d'un oeil inquisiteur et malicieux, un imperceptible sourire au coin des lèvres. Jayke avait la nette impression que Yhuk se moquait franchement de lui, à en juger par la manière dont il le zieutait, et il se renfrogna un peu plus, sans pour autant émettre une quelconque remarque acerbe.

- Un voyage hein... reprit le vieil homme. Où ça ?
- Je sais pas encore... et arrête de prendre ton air mystérieux de vieux sage... Ca marche pas avec moi.
- Hu hu
- _-_ Ca suffit !

Yhuk cessa de rire dans sa barbe et se força à afficher un air plus sérieux (pour calmer son petit-fils surtout).

- Bah, en quoi mon avis importe-t-il ?
- Ca m'ennuie mais je viens te demander conseil...
- Je veux bien te conseiller, fils mais... encore faudrait-il que ton projet ne soit pas qu'une idée aussi floue et nébuleuse que les nuages un jour de tempête !
- Qu'est-ce que j'y peux si je prends toutes mes décisions sur un coup de tête ? s'emporta Jayke, je suis comme ça ! Non mais vu que tu as de l'expérience en matière de voyage... plus que moi, je te l'accorde, vieux filou.
- Ca tu n'y peux rien ! C'est de famille, l'inconscience ! intervint Tsantza.
- Vazy, saleté de tête parlante...
- J'te permets pas ! è_é

« Chamailleries » murmura Yhuk dans un sourire amusé, tandis que Jayke avait enflammé une nouvelle fois le bout de ses doigts, la mine furieuse.

- Attention ou je te brûle le peu de peau qu'il te reste, stupide tête !
- Oo Oh ça va, j'ai rien dit ! Yhuk, protège-moi, ton p'tit-fils est un dingue de pyromane ! <o<

Ce dernier, exaspéré par la dispute de gamins entre son djinn et Jayke... regardait la scène d'un air blasé sans intervenir, d'un air de dire « vous me fatiguez bande d'excités -_- ».

Jayke, remarquant l’air exaspéré de son grand-père, ravala sa flamme et sa fierté d’un même mouvement. Se disputer avec une tête parlante était, il est vrai, une activité plutôt puérile et somme toute assez peu intéressante. Après avoir lancé un dernier regard incendiaire à Tsantza, qui lui tira la langue d’un air provocateur, le jeune homme se retourna vers Yhuk.

« Tes enfantillages sont-ils terminés ? lui demanda le vieux.
- …oui, monsieur.
- Hm.
- Donc euh…est-ce que tu pourrais me donner une idée de destination sympa ?
- Une destination… ‘sympa’ ? répéta Yhuk, prononçant le dernier mot comme s’il avait été pestiféré du fait de son statut « d’jeuns ».
- Ouais…‘sympa’ quoi. »

Le vieil indien soupira, puis se leva sans prévenir. Il fit quelques pas vers une grosse malle faite de planches de bois et cerclée d’arceaux de métal. Il plongea la main sous sa cape et en ressortit une clé. Il ouvrit la malle avec la clé, prit quelque chose que Jayke ne vit pas immédiatement, referma la malle et fourra la clé sous sa cape, avant de revenir s’asseoir en face de son petit-fils.
L’objet qu’il avait retiré de la malle était un long rouleau de parchemin noué par un lacet de cuir. Jayke scruta l’objet d’un air perplexe. Mais Yhuk ne prêtait pas attention à son étonnement – il ôta de la table tout ce qui le gênait, dénoua patiemment le lacet, puis déroula le grand parchemin sur toute la longueur de la table avant de l’immobiliser en déposant des objets aux quatre coins.
C’était une carte du monde.


« Oooh ! s’extasia faussement Jayke. C’est une carte au trésor ? 8D »

Yhuk ne releva pas et enchaîna, endossant son rôle de vieux sage.

« Ceci...est le TOUT.
- Ça se voit…
- …Nous venons de là. »

Spoiler:

« Et nous sommes ici. »

Spoiler:

« Hm hum. » approuva Jayke, qui se demandait si Yhuk le prenait sérieusement pour un con ou s’il était simplement sénile.

« En quelles autres terres t’es-tu déjà rendu ? »

- Euuuh...

Après un temps d'hésitation, Jayke pointa du doigt tour à tour la partie Est d'Herakleo, la partie Nord de Nefer-Sund, Octantis et la partie Sud de Minoris-Dystrisia. Il lui sembla soudain que ses voyages remontaient loin, alors que cela ne faisait que quatre ans qu'il s'était installé à RH. Cette impression s'intensifia quand il se rappela toutes les aventures qu'il avait vécues là-bas... Il avait fait des rencontres à la fois exceptionnelles et dangereuses, avait plusieurs fois réchappé à quelques situations saugrenues, mais plutôt amusantes, lorsqu'il y repensait. C'était comme si la moitié de sa vie était déjà passée. Un mince sourire nostalgique se dessina sur ses lèvres.


- Voilà, dit-il en revenant enfin sur Terre.
- Hummm... Pas mal. Tu vois les petites croix rouges ?

Le jeune homme s'aperçut qu'il y avait de ces petites croix rouges un peu partout sur la carte, en particulier sur les littoraux.

- Elles indiquent les lieux que j'ai visité, continua le vieil homme en hochant la tête avec satisfaction.

Jayke le regarda avec de grands yeux ronds. Il y avait tellement de croix ! Mais passé l'étonnement de cette révélation, il parvint à se ressaisir, notamment parce qu'après tout, son grand-père avait voyagé quasiment toute sa vie, et que ce n'était donc pas vraiment surprenant qu'il ait visité autant d'endroits.

- Eh beh... T'as eu bien plus la bougeotte que moi, le vieux ! J'espère qu'un jour je pourrais te rattraper.
- Hu hu, je n'en doute pas fils, je n'en doute pas. Mais sache qu'il n'est nul besoin d'ailler aussi loin que les terres froides de nérigon, ou que les déserts du Néfer Sund, pour voyager.

À ces mots, il se pencha sur Apartadiza et désigna la myriade d'îles qui composaient l'archipel.

- Ah bon, pourquoi ?
- Combien de ces îles-là as-tu déjà visitées ?
- Euh, à vrai dire, aucune...
- Ah ! (= interjection satisfaite) Eh bien commence par-là, jeune effronté.
- ... Même Oxley Circle ? 8D
- ...........

Oxley Circle. En entendant ce nom Yhuk se rembrunit immédiatement. Ignorant le sourire provocateur de Jayke, il se leva et s’en alla chercher le thé qui était chaud. Il revint un instant plus tard, portant deux verres en terre cuite d’où émanait une fumée épaisse mêlée d’une forte odeur de menthe. Yhuk s’assit et but une gorgée, ne jetant même pas un œil à son petit fils. Son regard silencieux était fixé sur Oxley Circle, sur le dessin de cette île en forme d’anneau.

« C’est un endroit dangereux. Et peu intéressant, finit-il par lâcher.
- Peu intéressant ?
- Oui…Enfin quoique…
- Quoique ?
- Quoique les femmes y soient plutôt jolies ! » ricana-t-il.

Bon, il est vrai que ces femmes étaient pour la plupart des prostituées mises à la disposition des pirates en manque mais…il valait mieux ne pas préciser ce genre de détails.

« Aah si les femmes sont jolies…c’est décidé, j’y vais ! s’exclama Jayke.
- Tss… Tu t’enflammes comme une braise au soleil, fils.
- Roooh, c’est bon, j’rigole.
- Ah ah. On ne rigole pas avec la mort.
- Geeenre, tout de suite… »

Le regard de Yhuk se fixa à nouveau sur l’image d’Oxley Circle, et des images traversèrent sa mémoire. Du sang. Beaucoup de sang. Un homme tué. Un coup de feu. L’odeur de la poudre. L’odeur de la sueur dans la cale des bateaux. Les rats qui rongent les cadavres… Le vieil homme secoua la tête pour chasser les images de mort, et releva le regard vers Jayke qui l’observait désormais en silence, sentant bien que son grand-père était trop pensif.

« Allez, dis, qu’est-ce qu’il y a avec Oxley Circle ?
- J’y suis allé.
- Et… ?
- Et je sais de quoi je parle, quand je parle de mort. Cette île…La forme même de cette île est un signe des dieux. C’est un cercle, une cage, un piège… Mieux vaut ne pas y poser le pied.
- …Je crois que je serais assez fou pour le faire. Mais puisque tu n’y tiens vraiment pas, très bien : je n’irai pas. »

Yhuk hocha la tête en silence, satisfait.
Il prit le calumet des mains de Jayke, aspira une bouffée, puis désigna une île du bout de la pipe, puis une autre.



« Emerillon… »



« …ou Nexis. »

Comme Yhuk avait ramenée la bouilloire fumante de thé quelques minutes plus tôt, Jayke en versa dans une tasse d'argile et en but une gorgée, tout en réfléchissant aux propositions que son grand-père venait de lui faire. Nexis était une petite île mage à côté d'Ekthranexos, quant à Emerillon...

- Je ne suis pas tenté par Emerillon, finit-il par lâcher, mais par contre Nexis... Peux-tu m'en dire plus à son sujet ?

« J'aurais pas deviné qu'il préférerait Nexis tiens ! Tsss, les jeunes sont si prévisibles, pensa Yhuk après avoir lancé un regard sarcastique à son petit-fils, que celui-ci ne vit pas, puisqu'il était absorbé dans la contemplation de la carte. »

- Nexis... Comme tu le vois, elle se trouve juste à côté d'Ekthranexos, la terre des chimères... D'ailleurs ces créatures sont également fort nombreuses à Nexis.
- Ah bon ? fit Jayke en relevant un sourcil perplexe, j'avoue que je suis curieux d'en voir une en vrai...
- Mais ce ne sont que des espèces à peu près pacifiques, ajouta le vieil homme à sa suite.
- Heureusement ! Et un hybride aussi, dans la foulée 8D
- ... Les hybrides ne sont pas des bêtes de foire, ne les mets pas dans le même sac que les chimères.

Jayke se leva brusquement, piqué au vif.

- Raah, mais je disais pas ça dans ce sens ! Qu'est-ce que tu crois ?
- ... Rien, que tu es curieux, et que tout ce que tu ignores t'apparaît comme un spectacle, répondit le vieil homme, impassible à la colère de son petit-fils (il s'énervait si facilement...).
- Oui, rien de plus, mais c'est la même curiosité que j'ai par rapport aux gens d'Octantis ou de Nefer-Sund.
- Je veux bien te croire.

Son feu intérieur un peu diminué, Jayke se rassit lentement.

- J'ai besoin d'apprendre, alors je dois voir... beaucoup de choses.
- Oui, oui, apprendre, apprendre... Mais n'oublie jamais que les êtres que tu rencontres existent. Existent sans toi et n'existent pas pour toi, philosopha Yhuk.
- ... Je le sais papy, soupira le jeune homme, ton fils, mon père, m'a appris à être tolérant. Tu devrais t'en douter.
- Oui, oui, mais les chimères ne sont pas des curiosités... et les hybrides ne sont pas des monstres... et les femmes exotiques ne sont pas de simples objets de désir... (enfin, quoique pour ces dernières... hu hu)

Jayke l'écoutait mais n'aimait clairement pas qu'on lui fasse la leçon. Il n'était plus un gamin !

« Les femmes exotiques ne sont pas de simples objets de désir... » avait osé dire Yhuk malgré son lourd passé de séducteur. Tsantza ricana : « Alors elles sont quoi ? xP »
Jayke approuva la tête réduite d’un sourire, que Yhuk reprit à son tour : « Oui bon… » Il toussa légèrement puis reprit :

« Donc tu voudrais aller à Nexis ? Pourtant Émerillon est intéressante aussi…
- Ah bon ? On m’a dit que c’était chiant là-bas. Yhuk tiqua au mot ‘chiant’ qu’il considérait comme une hérésie importée de chez les ‘djeuns’ cyberpolitains. Paraît que y’a que des poissonniers !
- Hm...c’est le dernier endroit où j’ai séjourné avant de m’installer à Range Harbor.
- Ah bah voilà, c’est c’que j’disais : c’est un endroit pour les vieux ! triompha Jayke.
Yhuk lui lança un regard de tueur.
- Ooooh rigole un peu papy !
- Bah, je rigole si j’veux. Et puis Émerillon n’est pas qu’une île de vieux pêcheurs. C’est vrai pour les côtes, mais l’intérieur est sauvage…
- Plus sauvage que moi ? blagua Jayke en prenant un air ténébreux.
- Ah ! se gaussa Yhuk. Plus sauvage que tes cheveux sales, oui ! C’est une île volcanique.
- Baah…j’aime pas les volcans >_>
- Parce qu’ils ont des flammes plus grosses que les tiennes ? glissa Yhuk avec un sourire moqueur.
- Raaah ! fit Jayke en se cachant la tête dans les mains. Non mais Nexis, papy, Nexis !!
- J'y viens ! J’y viens ! »

Ce gosse est d’une impatience folle. Il faudra qu’un jour je lui apprenne la patience… En attendant ce jour béni entre tous, et puisque Jayke semblait tellement pressé, Yhuk lui indiqua une toute petite île à proximité de Nexis.

« Ça, fils, c’est Lawéllhim. »

« Ça, fils, c’est Lawéllhim. »

Yhuk pointa de nouveau du doigt sur la carte. Les bras croisés, Jayke y jeta un coup d'oeil puis regarda son grand-père, attendant la suite.

- Une petite île où ne vivent qu'une centaine d'habitants.
- Très joli nom, en tout cas.
- Tu peux commencer par aller là.
- Y'a que des vieux là-bas, c'est çaaaa ? ironisa le jeune Kwanai en haussant un sourcil au passage.
- ... Non, c'est un centre d'entraînement pour jeunes gens en mal d'action, continua le vieillard avec un sourire en coin, déjà satisfait de l'effet probable qu'il produira sur Jayke.
- ....... Tu déconnes ? Non, c'est ça, tu te fous de moi

Yhuk'ta fit mine de lui lancer un regard faussement offusqué, comme pour dire « tu me prends pour un menteur ? ».

- Ca m'étonnerait franchement que ce genre d'endroit existe vraiment, soupira le jeune homme. Et le Nexos, c'est comment ?
- Ahh... ça... tiens-t-en à Laxéllhim et Nexis pour l'instant. Nexos, c'est une île pour les invocateurs.

Jayke fit une grimace, suivit d'un "grumpf" très révélateur.

- Les invocateurs groupés et très prudents... ou bien très doués, ajouta Yhuk en l'ignorant royalement.
- Dommage... Ca doit être fun d'enflammer quelques monstres... dit Jayke d'un air songeur.
- ... Le camp de Lawéllhim réunit, comme je l'ai dit, une centaine de personnes, pas toujours les mêmes ; il y a une dizaine de maîtres qui gardent les lieux et mènent les entraînements, et, puisque c'est là tout ce qui t'intéresse, sache que de temps à autres ils emmènent les jeunes faire une visite sur le Nexos.
- Oh. Ca m'intéresse, c'est sûr (*cile*). Alors c'est décidé, va pour Lawéllhim !

Le vieil homme enroula la carte, un sourire de vainqueur aux lèvres.

- Merci le vieux !
- Humpf... De rien, le mioche.