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 Et si... Nous étions cyberpolitains ?

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Ferial Grindwell

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MessageSujet: Et si... Nous étions cyberpolitains ?   Et si... Nous étions cyberpolitains ? EmptySam 12 Mar - 17:40

[HS : eeeeh ouaaaais, c'est moi qui inaugure le topic. Parce que c'est toujours moi qui inaugure tout ! ahahahaha]


Et si… Tout avait changé ? Et si le monde tel qu’on l’avait conçu était devenu tout autre ? Et si nos vies n’avaient plus rien à voir avec une autre réalité ?

On suit les pas de Ferial Grindwell, une enquêtrice travaillant dans le privé, épaulée par son associé St. John dans un cabinet de la Citadelle. La Police les appelle en renfort pour les affaires les plus critiques, les plus malsaines. Mais voilà, St. John a pris des congés sabbatiques sans prévenir sa partenaire, qui ne se remet pas de son départ précipité. Ferial est désormais seule pour assurer son rôle de détective.


Le téléphone sonna. Ferial décrocha au bout du troisième ring.
− Détective Grindwell, j'écoute.
Un silence. Une voix agitée grésillait dans le combiné. Ferial attendit qu’elle eut fini pour embrayer sur un ton laconique :
− J’arrive tout de suite.

Et si... Nous étions cyberpolitains ? Bare-f10

Il pleuvait cette nuit-là. C’était un jour de clichés où tout semblait se dérouler par la seule volonté d’une puissance omnisciente. Les néons aux couleurs violentes clignotaient dans le rideau de pluie, attirant les badauds dans une éternelle nuit d’ivresse et de stupre. Toutes ces enseignes étaient là pour rappeler qu’une fois que le soleil était couché, les règles changeaient au bon vouloir de la population. S’amuser jusqu'à bout. Le jour, la nuit, une boucle sans fin, deux mondes qui s’opposent, encore et encore.
La boîte de nuit où avait eu lieu le meurtre – et qui faisait aussi office de boîte de striptease – répondait au doux nom du Delicateseen. Elle hurlait de bleu et de rouge à la face des passants et s’ingéniait à les narguer en laissant l’hologramme d’une femme pulpeuse se tortiller au-dessus de l’écriteau principal. Un homme vint la rejoindre peu de temps après : c’était cela, le rouge et le bleu, sauf que le bleu représentait la femme, et le rouge représentait l’homme. Ferial nota ce détail peu important simplement parce qu’il sortait du lot de tous ces stéréotypes qui commençaient sérieusement à l’emmerder, puis elle entra.


L’intérieur était encore plus criard que l'extérieur : un déchaînement de lumières vibrantes et aveuglantes, une musique lascive et basse qui vous entraînait bien malgré vous. Mais pas Ferial. Le travail passait avant tout. Elle se fichait bien de voir tous ces corps se tordre en tout sens, ce qui la choquait, et bien qu’il y ait peu de choses désormais qui la choquent vraiment, c’était leur attitude désinvolte alors qu’un meurtre venait juste d’avoir lieu ici. Ils dansaient et ne s’arrêtaient que pour boire un Mojito ou une Margarita, tandis que les « strippers » gesticulaient sur des plateformes surélevées. Ce n’était qu’un spectacle navrant à ses yeux, cernés à cause de son manque de sommeil, qui lui pesait depuis plus d’un mois. Depuis qu’IL était parti. Elle s’arrêta un instant pour se frotter les yeux, puis elle reprit sa route, évitant à tout prix les fêtards.
L’homme qui gardait le coin des VIP, et entre autres, les loges des employés, la stoppa en levant une patte énorme et velue. Elle soupira et sortit de la poche de son trench-coat beige son badge d’officier des forces de l’ordre. Oui, elle n’était pas une petite chose en sucre. Ignorant le sourcil levé par l’étonnement du gorille, elle s’engouffra dans un étroit couloir sombre jusqu’à franchir un rideau de perles et de paillettes. Sans surprise, un policier attendait à l’autre bout. Il ne faisait pas vraiment partie de ses favoris – en fait, elle n’en avait aucun – mais elle ferait avec. Elle le devait bien au cadavre refroidissant dans la loge dont elle franchit le seuil.
C’était une jolie jeune femme. Peau de bébé, blanche et scintillante de paillettes argentées, yeux bleus écarquillés et maquillés d’un soupçon d’eyeliner, bouche vermeille et grande ouverte sur des dents parfaites… Ses cheveux blonds et bouclés, peut-être ou non pour l’occasion, ondulaient sur le sol gris et terne, en comparaison. Elle ne portait qu’un simple bikini rose et des porte-jarretelles blancs.
Une véritable poupée avec laquelle les messieurs et les mesdames ne se lassaient sans doute pas de jouer.
Ferial se pencha, les mains dans les poches car elle avait oublié ses gants de protection, et examina avec intérêt le monstrueux hématome qui ornait le cou gracile de la stripteaseuse. Elle nota également une hémorragie pétéchiale dans ses prunelles de glace qui avaient vu toute la scène. Une tragédie de plus dans ce grand théâtre des horreurs. Plus jamais elle n’aurait à se trémousser à moitié nue devant un parterre de pervers. La mort lui accordait au moins ça.

Désolée ma belle, mais il y a déjà trop de visages qui hantent mon esprit.

La jeune femme se redressa et fit signe au légiste de service ce soir, attendant sagement dans un coin, qu’il pouvait maintenant emporter le corps. La poupée disparut dans un gros sac noir. Elle aurait bientôt droit à la toilette de minuit.

Bon, vérification du corps, check. La pièce est un peu bordélique, ça va pas m’aider à savoir s’il y a eut lutte ou pas. Le tueur aurait pu arriver par derrière et la prendre par surprise, mais sa blessure au cou me dévoile une autre partie du puzzle qui n’a rien à voir avec cette hypothèse.
Cette satanée odeur de fraise va me rester dans le pif jusqu’au lever du jour. Merde.


Soudain, quelque chose attira son attention. Ferial se baissa de nouveau et ramassa du bout des ongles une boucle d’oreille couverte de sang. Certainement avait-elle été arrachée durant l’attaque, il lui faudrait vérifier si elle appartenait bien à la victime. La jeune femme attrapa ensuite une enveloppe vierge et y glissa la pièce à conviction. Elle remarqua également des éraflures sur les pieds de la table qui servait de coiffeuse et l’absence d’un produit de beauté dans un des compartiments de la boîte de maquillage. Elle inscrivit tous ces détails dans son calpin et ressortit de la pièce rapidement. Un bel et très grand jeune homme se tenait dans le couloir, immobile et le regard fixé sur la porte. Il ne portait rien d’autre qu’un boxer noir ; sa peau couleur caramel avait été huilée en partie et ses longs cheveux sombres et fins étaient relevés sur sa tête. Ferial fut étonnée non seulement par la forme étrange de ses sourcils, par les tatouages tribaux qui recouvraient ses bras, mais surtout par ses membres postérieurs. Un homme avec des pattes de loup… Elle aura tout vu.
− La mixité, que ce soit des espèces ou des sexes, sert l’intérêt de mes nombreux clients, dit une voix derrière elle.
Elle se retourna et vit un autre bel homme – décidemment – un peu plus âgé, bien que cela n’enlevât rien à son charme. Cheveux longs, noirs et bouclés, tressés en une natte qui coulait sur son épaule, sourire éclatant, yeux d’un bleu profond et bouc bien entretenu. Il portait un costume entièrement blanc et clairement chic, il devait avoir les moyens pour s’en offrir de pareils.
− Vous êtes ? répondit Ferial, ignorant superbement sa remarque qui n’était pas vraiment utile dans le contexte actuel.
Il s’avança un peu et lui présenta une main, l’autre posée sur l’épaule du drôle de garçon, l’ayant rejoint entre-temps comme un bon toutou qui s’assoit aux pieds de son maître. La jeune femme ne réagissant pas, il se rétracta et son sourire parut soudain plus crispé et gêné.
− Calahaan, Drake Calahaan.
Ferial cligna des yeux. Il avait cru que ce nom l’aurait impressionnée, mais il était clair qu’elle ne savait pas qui il était, alors il précisa :
− Patron du Delicateseen.

[NB : Les phrases en italiques sont les pensées de Ferial, mais je suppose que vous l'avez compris. Le nom du night-club fait référence à une chanson du groupe Aqme. Les Astarnaï peuvent prononcer "Délicate et Saine" (la chanson) et les autres "Delicate + seen" (je sais pas si on peut appeler ça un jeu de mot, mais je pense que oui).]
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Ferial Grindwell

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MessageSujet: Re: Et si... Nous étions cyberpolitains ?   Et si... Nous étions cyberpolitains ? EmptySam 26 Mar - 11:33

Et si... Nous étions cyberpolitains ? 83c13d10

Le bureau de Drake Calahaan était spacieux et décoré avec goût, si on aimait la table en marbre noir, en total contraste avec la sobriété des meubles clairs et du sofa de cuir blanc. Des roses bleues, sans doute artificielles, trônaient dans un vase en cristal au beau milieu de la pièce. Drake s’installa et invita Ferial à faire de même en lui indiquant d’un geste la chaise rembourrée juste en face de lui. La jeune fille se croyait presque dans un de ces romans populaires où l’héroïne doit forcément, à un moment ou à un autre, poser des questions à un homme riche et séduisant qui se révélait ensuite ne pas être humain. Calme mais tout de même méfiante, elle fixa le patron du Delicateseen avec attention. Son air affable et ses manières gracieuses n’avaient rien de celles d’un tueur, et son accent Astarnaïa était charmant. Au pire, il devait côtoyer des gens peu recommandables dans le cadre de son travail, mais sans plus. Elle se força à sourire.
− Alors, M. Calahaan… commença-t-elle, mais il la coupa aussitôt.
− Appelez-moi Drake, je préfère, dit-il de son sourire le plus étincelant.
− … Drake, pouvons-nous parler de la victime ?
− Bien évidemment.
Il prit un air navré et glissa un dossier vers elle.
− Voici toutes ses références, personnelles et professionnelles. Je prends toujours la peine de bien connaître mes employés. Vous y trouverez également son contrat et la photocopie de ses papiers, en plus de la liste des clients. Nous enregistrons chaque entrée et sortie en validant les multipuces.
− Vous êtes un homme consciencieux, le complimenta Ferial tout en feuilletant le dossier.
− J’essaye de faire de mon mieux.
Il eut un sourire plus sincère et elle sut définitivement qu’elle avait affaire à quelqu’un de bien.
− Hum… Je lis ici qu’elle était d’origine Thiudescanne…
− C’est exact. Elle n’avait que vingt-deux ans… Une fille adorable et débrouillarde. Elle a pris ce boulot pour se payer ses études, mais aussi parce que ça l’intéressait d’évoluer dans différents univers. Elle m’a raconté qu’elle a été tour à tour caissière, conseillère en télécommunication, marchande de fleurs… Bref, elle touchait à tout, on peut dire qu’elle avait de la ressource.
Charline Meir… Je sens le nom d’emprunt.
− Je ne peux pas vous éclairer là-dessus, mais je sais en tout cas qu’elle ne s’ étendait pas beaucoup sur sa vie personnelle. À part ses anciens jobs, je ne sais pratiquement rien d’elle. J’ai appris à connaître son caractère et ses habitudes, et le reste, je lui laissais le soin de bien le garder pour elle.
− Encore un point pour vous, Drake. Décidément, vous m’épatez.
Il se détendit dans son fauteuil en cuir noir et croisa les mains sur son ventre.
− Je ne vois pas pourquoi cela vous étonne.
− J’ai l’habitude que les personnes que j’interroge soient plutôt nerveuses, voire furieuses… Et la plupart du temps, ce sont des petites frappes pas vraiment délicates.
− Je vois.
− On continue, je vous prie… Avait-elle des ennemis, ou du moins des personnes qui lui en voulaient ?
− Ici, je ne pense pas. Après, je ne pourrais vous dire ce qui se passait en dehors. Toutefois, je crois qu’il serait bon de préciser que les filles peuvent être assez jalouses et hypocrites entre elles, surtout quand je ne suis pas dans les parages. Heureusement que j’ai Murielle pour chaperonner tout ce petit monde.
Il avait pris un air plus crispé à cette dernière phrase, cependant Ferial ne releva pas.
− Qui est-ce ?
− Elle gère les filles et les garçons, ainsi que les serveurs. Attendez un instant.
Il se pencha et appuya sur un bouton de son téléphone fixe, toujours et encore blanc. Quand un son grésillant se fit entendre, il dit :
− Murielle, tu peux venir ici s’il te plaît ?
Un gloussement rauque et monstrueux s’éleva, faisant sursauter la jeune femme. Elle n’avait jamais rien entendu de tel. Drake hocha la tête, comprenant parfaitement sa réaction. À peine trente seconde plus tard, on frappa lourdement à la porte et sans attendre la réponse du maître des lieux, une femme corpulente et plutôt âgée déboula dans le bureau telle une tornade. Elle portait une chemise lie-de-vin un peu trop ajustée et une jupe noire un peu trop courte au goût de Ferial, qui se retint de faire une grimace.
− Voici Murielle Perléan, annonça Drake d’une voix blanche.
Ferial se leva – à contrecœur – pour aller serrer la main de la femme.
− Madame P…
− Mademoiselle !
− … Mademoiselle Perléan, je suis Ferial Grindwell, détective privé. Je seconde la Police pour cette enquête et j’aimerais vous poser quelques questions.
− Oooooh, désolée, mais je ne peux pas ! s’écria-t-elle brusquement tout en s’agitant. Je dois superviser les spectacles de ce soir. On a choisi le thème du Western et je ne veux pas que le reste de la soirée soit gâché !
− C’est très gentil pour la morte qui était jusqu’à présent l’une de vos filles ! aboya Ferial, que ce petit discours mettait hors d’elle.
− Laissez, Miss Grindwell, intervint Drake. Murielle, tu peux y aller.
− QUOI ?!
Sans se faire prier, la vieille femme disparut dans un nuage invisible de parfum bon marché. Ferial se retourna vivement vers le patron de la boîte.
− Vous venez de redescendre en dessous de -1 dans mon estime ! Je dirai même, en dessous de -10 ! lui assena-t-elle. Finalement, vous ne valez pas mieux que les autres.
Imperturbable, il appuya son menton sur ses mains relevées.
− Permettez-moi de m’expliquer.
− À d’autres !
− Murielle, insista-t-il, est une femme bornée et compliquée. J’arrive à la gérer moi-même en lui cédant certains de ses petits caprices. Je vous assure qu’elle est tout aussi bouleversée que les autres de la tragédie qui a eu lieu ce soir.
− Elle le cache bien, en tout cas.
− Je lui reparlerai de votre demande. Je suis certain qu’elle trouvera un moment à vous accorder.
− C’est ça.
Toujours énervée, Ferial se dit qu’il serait temps d’aller voir la victime. Son dossier personnel n’étant pas suffisant pour l’enquête, elle allait sûrement passer la nuit à chercher d’autres indices plus concrets. Drake s’était levé, mais la jeune femme avait déjà filé, lui ayant juste lancé un « je vous contacterai » à sa sortie.
L’air était frais cette nuit-là et quand elle glissa enfin, et avec soulagement, de la boîte de nuit, elle inspira une profonde bouffée pour se rasséréner. Son souffle se transforma ensuite en vapeur blanche, qui dériva et se mêla à ceux des passants. Une silhouette familière était en train de parler à des policiers en uniformes. Ferial se décida à bouger et la rejoignit en trois foulées, évitant par la même de bousculer les badauds, et bien qu’elle en avait fortement envie. Respirer ne suffisait pas à la calmer complètement.
− Eh, tu m’en files une ?
La silhouette se retourna, révélant un grand jeune homme à la peau sombre, tout comme celle de l’hybride, aux cheveux noirs coupés au niveau des oreilles, une cicatrice barrant son œil droit. Il portait une simple chemise à manches courtes malgré la fraîcheur, sur un débardeur blanc et un jean. Le canon de son arme dépassait sensiblement de son holster d’épaule, mais il avait l’air de s’en ficher royalement. La discrétion n’était pas son truc. Il glissa sa main dans sa poche, qui en ressortit avec un paquet de cigarettes, dont l’une était déjà au coin de sa bouche. Ferial en prit une et le jeune homme l’alluma avec un zippo métallique sur lequel un loup dessiné hurlait vers le ciel.
Ferial se sentit tout de suite mieux.
− Toi qui avais dit que tu arrêterais… dit-il avec un sourire moqueur.
− La ferme, Jayke.
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MessageSujet: Re: Et si... Nous étions cyberpolitains ?   Et si... Nous étions cyberpolitains ? EmptyMar 19 Avr - 19:23

Bien qu’il fît nuit, les rues étaient encore très vivantes, voire bondées à certains endroits où les clubs, les pubs, les boîtes de nuit les plus branchés se trouvaient. D’interminables files d’attentes stagnaient devant des vitrines scintillantes de milles couleurs, la musique s’entendait même derrière les épais murs et vibrait à l’extérieur comme un avant-goût exaltant pour la plus grande joie des gens qui attendaient. Ferial n’était pas très fan des fêtes qui duraient jusque très tard dans la nuit. Elle avait réussi à trouver son rythme au fil du temps uniquement pour son boulot contraignant. Les tueurs ne s’arrêtaient jamais après le soleil, au contraire, il y avait une recrudescence de la violence quand le voile de la nuit se posait sur les quartiers cyberpolitains. Avec Jayke, ils prirent un cabxi direction le commissariat où le jeune homme travaillait. Sur la route, il lui fit un topo de ce que lui avaient dit les quelques personnes qu’il avait interrogées devant la boîte, et elle lui montra les quelques preuves qu’elle avait collectées sur la scène du crime.
Quand ils arrivèrent au commissariat, une foule d’inspecteurs et de policiers en uniforme s’empressèrent de saluer le jeune officier, au grand étonnement de Ferial.
− Eh Jayke, comment va ? dit un homme grassouillet, assis près du comptoir des scellés.
− Ca va, grogna-t-il tout en continuant d’avancer.
− Jayke ! l’interpella un autre en costume bleu sombre. T’es sur une nouvelle affaire ? Je peux participer ?
− Benedict, t’éviteras pas de remplir la paperasse…
− Pas cool, mec !
Le jeune homme haussa les épaules et hocha la tête ensuite à chaque autre salut. Une fois à son bureau, tout au fond de la salle et près du ventilateur, il y déposa son arme et les quelques babioles qui ne lui serviraient pas ici. Ferial ne put se retenir plus longtemps.
− Dis donc, c’est moi ou t’es potes avec tous ces gens ? Ils sont super familiers avec toi.
− Ce n’est pas ce que tu crois. Ils sont juste incapables de prononcer mon nom de famille.
Il se retourna et lui offrit un sourire railleur. Cette réponse sembla soulager quelque peu la jeune femme. Jayke était tout aussi asocial qu’elle.
− Pourtant, c’est pas compliqué de dire « Moireathan » ajouta-t-elle, un doigt songeur sur le menton.
− C’est pour ça que toi et moi on est copains.
− Quelle veinarde je suis, répliqua-t-elle avec un faux air dégoûté. Bon, t’as fini ?
− Relax, ma petite, le corps ne risque pas de s’envoler.
Il lui tapota la tête et elle se retint de le frapper comme elle avait l’habitude de faire quand il l’embêtait. Ça ne marchait pas tellement parce qu’il avait une peau en béton, mais elle ne pouvait pas s’en empêcher, c’était plus fort qu’elle. Tout en se dirigeant vers l’ascenseur qui descendait chez le coroner, Jayke reboutonna sa chemise pour paraître moins débraillé, tandis que Ferial vérifiait sur son cellphone les derniers messages qu’elle avait reçus.
− Je trouve ça toujours aussi bizarre que le coroner travaille dans vos sous-sols, déclara-t-elle à la sortie de l’ascenseur.
− C’est pas notre faute si l’ancien local a brûlé. Toutes les preuves sont parties en fumée, c’était moche.
− Vous savez qui a fait ça ?
− Oh, un pyromane je suppose… L’équipe de l’inspecteur Franks est toujours sur l’affaire.

Et si... Nous étions cyberpolitains ? Baseme10

Le couloir qu’ils longèrent devint de plus en plus sombre à mesure qu’ils approchaient de la salle d’autopsie. Néons, ampoules de secours et alarmes lumineuses clignotaient et les murs étaient aussi froids que s’ils avaient été dans un des caissons de conservation. Ferial frissonna légèrement à cette perspective de se retrouver un jour coincée dans un si minuscule espace. Des corps enveloppés dans leur sac mortuaire attendaient là, peut-être par manque de place. Les deux battants de la salle d’autopsie s’ouvrirent bien avant qu’ils ne les touchent. Un jeune homme en uniforme médical bleu-vert se glissa à l’extérieur, une pile de linge dans les mains. Il s’arrêta dès qu’il les aperçut.
− Russel ? s’étonna Ferial en le dévisageant.
− Eh, Fefe ! Comment tu vas ?
Il se rapprocha immédiatement, visiblement content de la voir.
− Ne m’appelle plus comme ça… grommela-t-elle vers lui.
Mais Jayke pouffait déjà dans sa main.
− C’est trop mignon.
− Ta gueule, Moire… Moire… aaaaaathan.
Russel rit de leurs petites chamailleries, ses dreadlocks blondes se balançant doucement autour de son visage bistre.
− J’imagine que tu viens ici à cause d’une affaire ? demanda-t-il après être redevenu un peu plus sérieux.
Well done, Ralf… Tu m’épates de jour en jour. Ou devrais-je dire, de mois en mois.
− Eh, c’est pas moi qui passe mon temps à bosser et qui donne jamais aucune nouvelle à ses vieux potes. Moi je nettoie les corps qu’à la nuit tombée.
− Comme ça t’as le reste de la journée pour glander, c’est beau.
− Pfff, c’est fini ça ! Je suis clean, maintenant !
Un coup d’œil vers Jayke et il redevint calme.
− Bon, pas le temps de bavarder. Je te préviens juste que le nouveau coroner est… assez spécial. Je suis arrivé quand l’ancien prenait enfin sa retraite, et du peu que j’ai appris sur lui, c’est qu’il est assez bien. Du genre, soigneux et doué dans ce qu’il fait quoi. Mais le nouveau… Ah ah, c’est juste énorme. Un vrai dingue. M’enfin, je m’en plains pas. Au moins on s’amuse un peu dans cet endroit glauque.
Il lui adressa un salut de la tête et s’empressa d’aller à la buanderie. Ce petit discours avait laissé un léger arrière-goût de méfiance dans la bouche de Ferial. Puisque Russel était lui-même un cas social avéré, le fameux nouveau médecin légiste devait être bien pire… Bien pire. Elle soupira et poussa la porte sans plus réfléchir à la question. C’est là qu’un flot de musique qu’elle estima trop joyeuse pour correspondre à l’ambiance du lieu l’assaillit. Son regard alla du poste de radio qui hurlait la soupe populaire jusqu’à l’homme qui léchait tranquillement un eskimo goût banane ou citron, les jambes relevées sur un brancard, touchant presque le mort qui y était allongé. N’y tenant plus, après plusieurs minutes de consternation totale, la jeune femme arracha du mur la prise du poste. Elle resta plantée là, la prise dans la main, le regard noir braqué sur le coroner. Car c’était bien lui, avec sa blouse blanche et ses gants. Et pourtant, elle aurait fortement aimé que ce ne soit pas le cas.
Alerté par ce brusque retour au silence glacial, l’homme tourna finalement la tête vers les nouveaux venus. Il perdit l’équilibre quand il remarqua soudain leurs plaques, mais il se rattrapa de justesse à la table d’autopsie la plus proche. Il les gratifia d’un sourire… très déroutant. Un sourire troué.
− Bonjouuuuuuuur à vous ! Enfin, devrais-je dire plutôt bonsoir, n’est-ce pas ? Je perds la notion du temps à force de traîner ici, ah ah !
− Et vous êtes ? demanda Jayke avec circonspection.
− Oooh, pardonnez mon impolitesse.
Il se leva brusquement et leur présenta une main.
− Dr Pavlov, à votre service !
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