Hakim sortit de sa vieille camionnette grinçante, et claqua la portière avec agacement.

Cela faisait une bonne heure qu'il tournait en rond dans le quartier. Il le connaissait bien pourtant ! Ce n'était pas la première livraison qu'il était sensé effectuer dans le coin. Mais pour une fois, l'adresse qu'on lui avait transmise semblait être fausse. Pas de bar ici, du moins pas celui auquel il s'attendait.

Entièrement vêtu de faux cuir noir comme à son habitude et d'une écharpe en coton lâchée autour de son cou, le maghrébin filiforme soupira lourdement et sortit un écran tactile translucide de l'une des poches de son perfecto. Il le posa sur le toit rouillé de sa camionnette et le consulta avec agacement, observant minutieusement le plan du quartier.

S'il y avait bien une chose qu'il détestait : c'était les petits plaisantins -généralement des concurrents- qui s'amusaient à lui passer de fausses commandes pour lui faire perdre son temps. Mais il accorda encore le bénéfice du doute à son commanditaire. Il était sensé livrer des pièces de rechanges pour un système de purificateur d'air d'un bar, et il n'avait peut-être pas encore épuisé toutes les rues du coin.
Hakim pianota de sa main droite sur son écran tactile -une main couverte d'un gant de cuir noir à l'inverse de la gauche qui était nue, elle- et vérifia son bon de livraison.
Peut-être qu'il s'était trompé de quartier ? Peut-être que c'était aux docks qu'il devait livrer cette merde.... ?

Le regard couleur de bronze patiné du trentenaire balaiya finalement la rue, à demi accoudé au toit de la voiture. Il faudrait qu'il demande son chemin... Mais y avait-il seulement encore quelqu'un dehors à cette heure tardive...? Il était déjà 23h passé.



(HS : bon, je tâtonne alors excusez moi si je ne fais pas les choses comme il faut et au passage, j'ai plutôt l'habitude de RP au présent alros désolée si je me plante parfois )

D'abord adossé à un mur, Misha se glissa hors de l'ombre, une main sous sa veste. Titubant, il sortit une cigarette du paquet qui était désormais vide. Il grommela, laissant choir le paquet froissé sur le trottoir. Même en cherchant bien, il ne trouva pas son briquet. Il avait dû le perdre lors de son altercation avec le livreur. Ou peut-être ne s'était-il jamais matérialisé après la téléportation ? Hihi, intéressante théorie...
Misha haussa les épaules. D'accord, il n'était pas dans un secteur mage, mais s'il avait du cul, il pourrait peut-être tomber sur un élémentaliste de feu au coin de la rue... Non ? Il regarda en tout sens, cligna des yeux, se les frotta, bâilla et se cura une oreille du bout du petit doigt.

Bon, c'était pas encore gagné.

Le vagabond avança lentement, la clope encore éteinte au coin des lèvres. Son ventre gargouillait affreusement et il espérait avoir une forte envie d'alcool parce que la situation l'exigeait. La rue face à lui était quasiment déserte. Il pouvait cependant discerner au loin une silhouette. Aurait-il la force d'arriver jusqu'à elle pour lui taxer un briquet ? Allez, il devait se donner toutes ses chances. Il devait persévérer vers cette petite lueur d'espoir et de réconfort qu'était le briquet dans la poche de l'inconnu. Par la taille et la posture, il devinait aisément qu'il s'agissait d'un homme. Et comme la plupart des cybers étaient des fumeurs invétérés, Misha avait 80% de chance de tomber sur l'un d'eux.

Mais quelle était cette sensation qui le taraudait depuis qu'il avait quitté la citadelle ? Comme un sentiment de danger, une impression de mort imminente.

...
NAAAH

Il avait eu son comptant de surprises pour la journée. Là, il allait harceler le mec pour qu'il lui file du feu, éventuellement un autre paquet de clopes s'il était assez généreux, et trouver une poubelle pour se restaurer dignement. Ouais, super plan. Il fit son plus beau sourire carnassier et accéléra jusqu'à arriver au niveau de l'homme.

- B'soir. T'aurais pas de quoi allumer ma clope par hasard ? Ce serait genre super sympa.

Hakim soupira lourdement. Evidemment, son sens aiguë de la méfiance lui fit repérer instantanément la silhouette titubante qui s'approchait à présent de lui.

Bordel, encore un clodo... ou alors c'est un piège... bon sang c'est vraiment pas ma soirée.

Le coursier se tourna lentement vers la silhouette approchante -un homme, à n'en pas douter- tout en rangeant son plan dans la poche intérieure de sa veste.

Son visage se ferma instantanément, les sourcils froncés, l'expression froide et peu amicale. Il posa ainsi directement le tableau : il n'était pas le genre d'homme qui apprécie qu'on le fasse chier... et s'il fallait s'énerver, il était tout à fait disposer à le faire.
Spontanément, Hakim se redressa un peu aussi, pour bien faire sentir qu'il était très grand à défaut d'être baraqué.
Et quand ce type lui demanda du feu, sa méfiance paranoïaque ne redescendit pas pour autant.

C'est donc d'un ton un peu sec qu'il répondit contre toute attente.

"Je ne fume pas."

Manque de bol pour Misha, il était visiblement tombé sur le seul cyberpolitain au monde à ne pas fumer....
Et qui en plus, se targua d'une remarque cynique, le regard assez hautain.

"Vous empestez l'alcool, il suffirait d'une flammèche pour vous transformer en torche humaine."

Misha ne se départit pas de son sourire face au regard hautain de l'homme. Celui-ci avait un je ne sais quoi d'intrigant. Quelque chose dans l'attitude, un brin de méfiance, un soupçon de dédain, bref, ça se voyait qu'il ne souhaitait pas entamer une conversation philosophique avec le vagabond.

Mais voilà, Hakim ne se doutait pas qu'il était tombé sur un spécimen rare de pot de colle. Misha, tel un papillon de nuit attiré par la lumière, n'avait qu'une envie en voyant un tel désintérêt pour sa personne : lui prouver qu'il avait tort, qu'il ratait définitivement une occasion de bien se marrer avec lui.

- Ah bah c'est con ça, soupira Misha, la clope toujours au bec.

Puis, à la deuxième assertion du cyber, il répondit, en se reniflant :

- Oh vous savez, qu'on me mette le feu ou pas, ça ne change pas grand-chose à ma vie.

Misha sourit de plus belle, les mains dans les poches, définitivement peu impressionné par la froideur d'Hakim. Ce dernier ne pouvait pas non plus se douter que le vagabond alchimiste était atteint d'analgésie congénitale, une affection rare qui l'empêchait de ressentir quoi que ce soit de physique : la douleur mais également le plaisir. A la fois bénédiction et malédiction, cette étrange maladie était la carte de visite de Misha. Elle l'avait forgé comme elle avait anéanti toutes ses chances de ressembler au commun des mortels. Misha vivait dans un monde à part fait de blagues douteuses et de conneries assumées.

- T'as l'air perdu, je me trompe ?

Il retira la clope de sa bouche et la glissa derrière son oreille.

- J'suis pas méchant, promis, dit-il en levant les deux bras, l'air innocent (ou du moins autant qu'il pouvait le paraître).

Le destin faisait parfois drôlement les choses... Hakim venait de rencontrer son alter-ego miroir, son opposé parfait : un alchimiste, plaisantin, et surtout... exempt de toute forme de douleur.
Alors que le cyberpolitain, lui, n'était que froideur et souffrances, assaillit depuis des années par des douleurs fantômes insupportables dans son bras droit, amputé, remplacé par un bras bionique qu'il s'efforçait en permanence de cacher sous ses vêtements et un gant en cuir noir.

Et fatalement, ignorant tout de Misha, Hakim prit de travers ses paroles, alors qu'il aurait pu être fasciné par son cas, voir... jaloux.

"Et en plus il est suicidaire... J'ai gagné ma soirée on dirait....", songea Hakim, interprétant de travers les paroles de l'alchimiste résigné. De ce fait, il soupira lourdement pour bien faire comprendre qu'il était affligé par la remarque de Misha, ne détournant pas pour autant les yeux.
Il ne faudrait pas que ce clodo sorte tout à coup une arme de sa veste...

Toujours sur ses gardes, Hakim eu cependant le reflex de détourner un instant les yeux de côté très machinalement, à l'évocation de sa situation.

"Mh.... je suis sensé livrer un truc dans un bar qui n'a pas l'air d'exister".

Il repointa ensuite son regard directement dans celui de Misha, l'affinant à l'extrême et souriant en coin, d'un air qui en disait long sur ses craintes réelles vis à vis de l'intru.

"Quant à savoir si tu es quelqu'un de dangereux... laisse-moi me faire ma propre opinion ok ? Et puis... Ca ne changerai pas grand chose à ma vie.", imita Hakim, sociabilisant un minimum et s'amusant de retourner cette remarque à son propre cas.

Si son sourire avait pu s'agrandir encore un peu plus, Misha n'aurait plus été tout à fait humain à l'heure actuelle. Et s'il avait pu éprouver la douleur, il aurait eu très mal aux zygomatiques. Son regard détailla un peu plus la grande silhouette. Il remarqua non sans une légère surprise que le bras droit de son interlocuteur était plus raide que le gauche. Cachait-il un terrible secret ? Etait-ce une affreuse malformation ? Un bras mécanique peut-être ?

Le vagabond était de plus en plus intrigué. Qui plus est, les répliques de l'homme le mettaient en joie. Il avait de la répartie, ça c'est sûr ! Et ce petit regard perçant, et ce sourire en coin... S'il avait aimé les hommes, Misha l'aurait embrassé sur le champ. Mais non. Même les femmes ne l'intéressait pas, à vrai dire. Puisqu'il ne pouvait pas éprouver de plaisir... Quand bien même le désir était là, ce n'était jamais suffisant.

En revanche, de là dire que cette rencontre était liée au destin... Fallait pas pousser non plus.
Misha s'adossa au mur et sortit un vieux cellphone de la poche intérieure de sa veste. Après quelques grognements et pianotages impatients, il appuya sur une touche qui composa un numéro. Tandis qu'il attendait qu'on décroche, il croisa le regard de l'homme.

- T'es livreur alors ? Qui l'eut cru. Pas moi en tout cas. T'avais plus l'air d'être... euh... tu sais quoi.

Il avait sans doute remarqué que Misha parlait toujours par énigmes.

- C'est plutôt équitable, mon pote. Une rencontre au milieu de la nuit dans un coin aussi paumé ne présage pas forcément que des mauvaises choses. Faut apprendre à se connaître avant de juger, pas vrai ?

Il lui lança un clin d'oeil et soudain son regard s'éclaira.

- AH ! (plus bas à l'attention d'Hakim : ) Elle a décroché.
Heeey Djazz ! Comment va, poussin ? Dis-moi... Non attends une seconde... J'ai encore rien dit ! ... J'suis dans une merde noire là, tu peux venir ? ... J'te jure que c'est la vérité vraie ! ... Une question de vie ou de mort ! ... Jme trouve dans le secteur marchand, près d'une boîte de nuit, La Sambaya ... Ouaip ... Ouaip. A toute huhu !

Il raccrocha, l'air satisfait.

- C'est une gonzesse super, elle te dira sûrement où se trouve le bar que tu cherches. Et si jamais un jour tu te retrouve blessé dans des circonstances étranges, sa voisine est guérisseuse ;D

Encore un point commun, et de taille... Hakim n'était pas non plus porté sur la gente masculine, ni.. féminine d'ailleurs; Du moins pas des masses, et pour les mêmes raisons que Misha. Mais... pour des circonstances bien différentes et clairement humaines !

Hakim n'en donnait clairement pas l'impression avec sa droiture, sa froideur, et son assurance, mais il était en réalité particulièrement mal à l'aise avec son corps maigrichon et diminué. Et là, il était persuadé que ce type bizarre matait son bras droit.....
Son regard s'affina d'autant plus : il détestait ça... qu'on remarque cette chose qi lui empoisonnait la vie et la facilitait en même temps. Il était d'ailleurs près à faire une remarque, quand Misha sorti soudain un vieux mobile de sa poche. Et là, Hakim ne put empêcher un soupir amusé et limite moqueur de lui échapper.

- La vache, ça c'est du dernier cri !

Mais Hakim fronça à nouveau les sourcils ensuite, toujours aussi méfiant bien qu'il ne pouvait nier qu'il soit intrigué. Il accouda son coude gauche au toit de son véhicule, et répliqua du tac au tac, se détendant visiblement progressivement : si ce type voulait s'en prendre à lui, il l'aurai certainement déjà fait de toute façon.

- De quoi ? D'un tueur à gage ?

Hakim poussa un nouveau soupir amusé, un peu hautain, sa forme habituelle de rire pas franchement très engageante, sans doute. Mais il enchaina de suite, le regard à nouveau glacial et un brun provocateur.

- ... ou d'un dealer peut-être...?

En tout cas il aurai clairement de quoi satisfaire pas mal de drogués sur lui, justement ! Bien caché dans les mécanismes et l'électronique high tech de son bras artificiel. Et cette boutade n'était donc clairement pas innocente non plus.

Il resta de marbre à son clin d'oeil ensuite, ne préférant pas chercher à comprendre si allusion il y avait ou pas, et il suivi l’échange téléphonique en silence, dubitatif.
Décidément, ce clodo semblait en réalité plein de ressources et... "d'humour". Si l'on pouvait appeler cela ainsi.
Quoi qu'il en soit, Hakim l'observa en détail durant son coup de fil, des pieds à la tête, pensif. Des oreilles pointues...? Un métis ? Ou une de ces créatures elfiques qu'Hakim ne supportait pas peut-être ?
Quelle pitié, songa-t-il. Tomber si bas... Devenir une loque humaine... quelle faiblesse....

A nouveau, il haussa un sourcil, et croisa les bras sur son torse, faisant crisser le faux cuir de son perfecto.

- attends là.... t'as des amis ? Et qui croient à ce genre de connerie au point de se déplacer ?

Hakim poussa un soupir amusé et regarda ailleurs, secouant lentement la tête de dépit.

- J'espère qu'elles sentent moins fort l'alcool que toi.

Djazz soupira, raccrocha, se rhabilla et descendit. La Shelby Cobra 427 gris requin à bandes noires démarra en trombe. Les riverains encore dehors à cette heure discutant avec les marchands sous les échoppes éclairées de mille lanternes s’écartèrent, et Djazz quitta les pavés pour gagner la rue en direction de Misha.

La rue du Sambaya, cette minable boîte crasseuse, était à peine éclairée de lampadaires instables et de néons grésillant. Djazz déboula au coin de la rue, vit immédiatement la silhouette de Misha et pila au milieu de la voie en laissant une grosse marque noire sur le goudron. Elle éteint le moteur et sortit comme un boulet de sa voiture en se dirigeants à grands pas furieux sur son ami.

« C’est ça que t’appelles une merde noire Pavlov ?! Tu te fous de ma putain de gueule ? »

Misha lui lança un de ses sourires de gamin qui a fait une bêtise et la jeune femme leva le bras pour lui en coller une, avant de soupirer et de le laisser tomber le long de son corps. Ca n’aurait servi à rien avec lui.

Elle mit les mains dans les poches et s’appuya contre un réverbère, près de Misha, et remarqua enfin la camionnette, et son propriétaire. Djazz le regarda de haut en bas, déduit rapidement que Misha lui était tombé dessus et que c’était peut-être pas ambiance salon de thé entre eux. Elle fit la moue, et lança à l’homme :

« Vous avez pas de chance, vous êtes tombé sur le plus collant et le plus parasite des clodos de Range Harbor. Je vais vous en débarrasser si vous voulez. »

Hakim tourna son regard couleur de bronze patiné sur la jeune femme prénommée Djazz, la jaugeant de la même façon sans chercher à le dissimuler.
Toujours bien observer les ennemis potentiel... Que ce soit un homme ou une femme, le niveau de dangerosité ne varie pas.
Il fourre ses mains dans les poches de son perfecto usé et croise une jambe devant l'autre, adossé à sa bagnole.
Son regard glisse sur le véhicule de la jeune femme, semblant beaucoup plus intéressé par celui-ci que par le parasite nommé Misha qui lui collait au basque depuis un moment.

"Chouette monture..."

Il releva les yeux sur la jeune femme au style affirmé. Elle devait avoir un caractère fort... Et il aimait ça.
Ce qui ne l'empêcha pas de darder un regard froid sur elle, toujours aussi peu enclin à se montrer trop rapidement amical ou ouvert.

"Ne vous donnez pas cette peine. Si j'avais voulu m'en débarrasser je n'aurai eu aucun mal à m'en charger moi-même."

Il marqua une pause sans la quitter des yeux, avant de regarder à nouveau Misha, le sourire en coin.

" Moi qui pensait qu'un type comme toi ne pouvait être entouré que d'autre clodos..." Il regarda à nouveau Djazz : " Hakim. Et vous êtes ?"

Misha fit mine d'ignorer le regard scrutateur d'Hakim sur sa modeste personne, rangeant le téléphone dans sa poche. Pouvait-il se vanter de sortir du lot à Range Harbor ? Avec sa cicatrice sur la bouche, ses dents du bonheur, son tatouage d'alchimiste sur l'oeil et ses oreilles d'elfe ? Il se fondait bien plus dans la masse quand il traînait ses guenilles à Consortium. Au moins cela lui valait des rencontres hautes en couleurs et des petits pics d'adrénaline non négligeables dans son corps raté...

Il se trémoussa de contentement quand Djazz débarqua et lui aboya dessus. Il l'avait prévu, évidemment. Il se souvint des fois, tout au début, où elle oubliait qu'il ne pouvait rien ressentir et qu'elle s'acharnait encore à le frapper... C'était sympa. Elle avait même tenté plusieurs fois de lui fracasser le crâne avec une batte et il lui avait semblé qu'elle avait presque adoré ça, la coquine !

Tout en se grattant la panse, Misha observa l'échange entre ses deux compagnons. Il releva un sourcil à la dernière réplique que fit Hakim à son égard et émit un aboiement en guise de rire.

- Si tu savais qui sont les gens que je fréquente, tu ferais moins le malin ! Non mais, je connais même un capitaine corsaire... Qui sent bon, en plus. Qu'est-ce que tu dis de ça ?

Puis il se tourna vers Djazz, lui prit la main et lui fit un baise-main comme l'autre corsaire en question lui avait appris. Ca devrait lui plaire, non ?

- Ce monsieur cherche son chemin, gent dame, dit-il, toujours baissé, le regard relevé vers elle et le sourire plus chafouin que jamais.

Hakim regarda avec mépris ce clochard bizarre se mettre à... rire, à priori. Du moins c'est la seule réaction qui pourrait se rapprocher le plus de son rire stupide.
Enfin Hakim décidé que c'était un rire stupide en tout cas, toujours aussi enclin à penser de façon sympathique et amicale.

Il avait de plus en plus besoin d'un fix. Cette conversation commençait à lui donner mal au crâne, à l'importuner tout en l'intrigant. Un mélange désagréable, qui lui fit d'ailleurs pousser un soupir de dédain à la remarque de Misha sur ses fréquentations.

"Un corsaire qui sent bon ? Voyez vous ça. C'est Noël ou quoi ?"

Comme s'il pouvait être inquiété des relations du jeune alchimiste, vue les siennes... Mais Hakim n'était pas du genre à se vanter de ce genre de choses. Chef d'un groupe de punks pas franchement reluisant aux yeux des autorités, il valait mieux faire profil bas. On ne dévoile pas sa couverture trop vite, surtout aux premiers... tarés venus.

Il jaugea Misha en haussant un sourcil circonspect quand il le vit faire ce baise main à la jeune femme, et ne put à nouveau pas retenir un ricanement hautain.
Il regarda alors à nouveau la jeune femme, amusé.

"Il est toujours comme ça ou il est particulièrement en forme ce soir ?"

Le baisemain fit rire Djazz de bon coeur... étrange manière de saluer quelqu'un, mais peu importe. Les conneries de Misha lui apportaient toujours un peu de bonne humeur. Elle ne s'était pas battue et n'avait rien cassé sous la colère depuis des semaines, un grand progrès ! Elle nota dans un coin de sa tête qu'il faudrait un jour qu'elle rende à nouveau visite au corsaire qui sent bon, puis reporta son regard mutin sur l'homme près de sa camionnette.

"Honnêtement, j'sais pas. Mais je crois que tomber sur un mec seul et l'emmerder lui a fait péter l'feu. Vous cherchez quoi du coup ?"

Il l'informa de sa destination. En effet le bar qu'il cherchait se situait bien à cet endroit, mais n'était pas visible de la rue pour de bonnes raisons. Djazz n'y était allée qu'une seule fois pour se procurer un liquide alchimiste interdit à la vente dont elle s'était servie à la fois pour alimenter un moteur expérimental et à la fois pour agrémenter une soirée privée chez son frère. Il avait été plus efficace dans les sinus que dans le mécanisme de son véhicule.
Elle se garda bien d'évoquer cela (sans quoi Misha aurait probablement fait une remarque dispensable sur le sujet) et fit signe à Hakim de la suivre.

Ils se dirigèrent un peu plus loin vers une porte extrêmement banale au milieu d'une façade de pierre sale. A gauche, une fenêtre au volets en tuile.

"Ils ont peut-être changé depuis mais..."

Elle toqua six fois sur un rythme précis, puis après quelques secondes d'attentes, on entendit la fenêtre s'ouvrir et les volets s'écarter. Une femme d'âge mur s'y pencha, jaugea Hakim, puis Djazz qu'elle sembla vaguement reconnaître.

"Bonsoir ?"

Djazz s'écarta en lançant à Hakim :

"C'est là. Dis lui pourquoi t'es là sinon elle t'ouvrira pas"

[désolée pour le retard]

Misha avait la tête vide. Il suivit docilement Djazz, talonné à une distance respectable (et prudente) par Hakim. La femme d'âge mûr qui leur ouvrit ne daigna même pas le considérer une seconde. Il avait l'habitude d'être ignoré, surtout quand il était calme. L'ambivalence de son personnage se voyait dès à présent : tout dans son apparence hurlait l'extravagance, alors qu'il pouvait simplement faire disparaître sa présence en fermant la bouche. Ca devait plaire à Hakim, pour sûr.
Ce dernier intriguait toujours autant Misha. Il sentait bien qu'il ne pourrait jamais en faire son ami - voire même une simple connaissance - parce que le cyber n'était visiblement pas du genre à se lier facilement aux gens.
C'était plutôt dommage, considérant que Misha faisait partie de ces marginaux qui n'avaient rien à perdre, Hakim n'aurait pas été obligé de faire un pacte de sang avec lui. Le vagabond ne lui en aurait pas tant demandé.
Il se mit à tripoter la chaîne qui dépassait du pantalon de Djazz, sifflotant un air légèrement agaçant entre ses dents du bonheur.

Hakim poussa un vague soupir amusé à l'explication haute en couleur de Djazz. Cette jeune femme semblait décidément avoir un sacré caractère, et cela n'était pas pour lui déplaire.

Il lui emboîta donc le pas sans hésiter, de toute façon il ne craignait pas grand' chose. Avoir peur dans ce monde rendait fou ou inconscient, et Hakim avait donc appris à ne plus jamais ressentir ce sentiment.
Mes mains dans les poches de son perfecto en faux cuir élimé, il posa un discret coup d'oeil sur Misha, toujours très observateur.
Ce jeune homme aux oreilles pointues était bien plus "agréable" à côtoyer quand il fermait son clapet, et hakim ne manqua pas de le remarquer.
*Tiens donc, son exubérance serait-elle une façade...?*

Hakim n'eut cependant pas plus le temps d'étudier cette découverte : une femme se montra à la fenêtre de la bâtisse à l'appel de Djazz, et il répondit donc d'une voix très posée.

"Je suis Hakim, je viens livrer un caisson de retraitement de l'air."

A n'en pas douter, cette bâtisse louche n'en avait absolument pas besoin ! Ce genre de moteur étant en général plutôt prisé par les bars de luxe, ou du moins avec un tant soit peu de classe renommée.
Le fait était qu'Hakim ne venait pas livrer cet engin, mais plutôt la drogue ou le produit en tout cas illicite qui se trouvait caché à l’intérieur...

Djazz se désintéressa vite de la situation, car elle avait pour principe de ne se pas se mêler des affaires des autres. Ce qui, dans cette ville, valait mieux. Elle profita cependant du fait d'être là pour se diriger vers la fenêtre, à côté de la femme qui parlait à Hakim. Son mouvement ôta des mains de Misha les chaînes du pantalon, ce qui eut pour effet d'interrompre son sifflotement et de le faire renifler bruyamment.

Elle sortit quelques billets de sa poche et les tendit discrètement à l'intérieur de la maison. un gamin qui était assis à une table, en train de manger une soupe épaisse, sauta de sa chaise et voulut attraper les billets. Djazz leva le bras pour l'en empêcher.

"Prépare moi donc une tisane" dit-elle entre ses dents.

Le gamin se dirigea vers un plan de travail, ouvrit un pot d'infusion à la vervaine et en tira un petit sachet de ce qui ressemblait à du thé gunpowder. Il le pesa, l'ouvrit, rajouta un peu de poudre et le referma, puis le lança à Djazz qui le glissa dans son pantalon. Elle abandonna les billets dans les mains du garçon, puis se redressa vers Hakim et le salua.

"Je rentre, bien le bonsoir. Misha, j'te veux pas chez moi ce soir, si tu rentres, je te jettes dans le bassin aux poulpes de l'aquarium de Stern Road."

Puis elle trottina vers sa voiture, la démarra en trombe et disparut.