*Rétro portant sur Calypso, PNJ, soeur jumelle de Zack*

Les élèves de l'amphithéâtre B6 étaient relativement calmes. Walter G. Steaven, un informaticien grisonnant aux traits tombants et fatigués, ânonnait son cours pour la énième fois dans les locaux de l’Université de Cyberpolis. La Citadelle de Range Harbor, comme toutes les citadelles, était une tour de verre dans laquelle les cyberpolitains s'abritaient. Le quotidien s'y déroulait avec une régularité imperturbable, et imperturbablement Walter G. Steaven terminait son cours à l'instant même où la sonnerie retentissait. Cet homme était réglé comme une horloge et ne finissait jamais son babille en avance.
Et cependant, ce jour là, alors qu'il lui restait encore un quart d'heure pour étaler sa science, il aligna posément les dernières phrases de son discours, puis se leva. Les étudiants le regardèrent avec étonnement, et une vague d’agitation bruyante passa dans les rangs. Le vieux professeur saisit le micro, lui arrachant un son déchirant qui fit immédiatement taire l’assemblée.

« S’il vous plaît…hum! Allons, allons, ... »

Il se râcla la gorge, ménageant son effet, et informa :

« Aujourd’hui j’ai…le bonheur de céder un temps ma place à un ancien de notre université. Monsieur Liekaterinev, docteur en mathématiques complexes, est là aujourd’hui pour vous exposer les théories de Jean Spigelman sur les flux alternants des réseaux depuis la jonction »

Calypso leva légèrement la tête du bras sur lequel elle se reposait en attendant de devoir de nouveau prendre des notes à un rythme effréné. Un docteur en math C ? Sans doute encore un de ces vieux scientifiques barbants auxquels ils avaient régulièrement droit. Elle soupira et jeta un coup d’œil amusé à sa voisine, Vicky, qui pianotait des sms sur son cellphone.

«  Franchement je préférerais encore la suite du laïus de Waly à ça… » fit Claypso.
« Mais clair… » répondit l'autre, ne lâchant pas son écran des yeux.

Un jeune homme, assis quelques rangs plus bas, se leva. Sa longue chevelure noire tombait en dessous de sa taille. Il descendit les marches qui menaient à la sortie à côté de l’estrade professorale.

«  Il est pas gêné celui là! Tu crois qu’il se barrer du cours ? » s'étonna Vicky.
« Hum, j'sais pas…j'le connais pas. »

C'était en effet un parfait inconnu. Elle le regarda s’approcher du maître de conférence puis lui parler. Elle ne pouvait pas les entendre de là où elle se trouvait – d'ailleurs, elle se fichait bien de ce qu'ils pouvaient se dire – mais, en revanche, elle pouvait les voir, et le type aux cheveux longs, bien qu'il se tînt dos à la salle, avait l'air plutôt beau gosse. En tout cas, tant qu'on attendait le fameux docteur en math C, son fessier constituait un horizon appréciable...

Seth s’était levé en silence peu après l’annonce de son nom et descendait flegmatiquement les marches qui le séparaient du vieux W.G. Steaven. Il n’était pas spécialement enthousiasmé par l’idée d’intervenir dans les cours du vieil homme…mais il restait un point d’encrage important pour lui dans le système universitaire de la Citadelle, et il valait mieux éviter de le contrarier bêtement.
Après quelques échanges de politesse d’une banalité navrante il récupéra le micro que lui tendait de sa main noueuse l’ancien informaticien de génie, se tourna vers la salle où les murmures avaient repris de plus belle, puis commença :

« Ok, déjà le micro marche donc ils ont fait des progrès ! Professeur, c’est inutile de rester planté derrière moi, je vous rassure tout de suite je respecte trop le service de nettoyage de la fac pour avoir l’idée de tuer quelqu’un dans un amphi…»

Quelques rires épars. Le maître grisonnant s’assoie sur un banc, non loin de ses élèves.

« Alors tout d’abord je suis désolé pour les fans inconditionnels d’enseignants quinquagénaires mais rassurez vous je vais être au moins aussi chiant que votre profs de code! »

Calypso resta incrédule un moment. Constant qu'en dehors de son charmant fessier ce type ne semblait pas avoir plus de 20-25 ans, son visage était fin quoi qu’un peu trop pâle et illuminé par d’improbables yeux bleus qui lui donnaient des airs de fauves. En omettant sa tenue classique – un col roulé et un ensemble noir de base- sa gestuelle, sa verbe et son aisance ne faisait absolument pas enseignant. Il savait visiblement parler, mais d’avantage comme on parle à une troupe de soldat qu’à un parterre d’étudiants. Elle se redressa, soudainement intéressée…avant de retomber dans son siège au bout de 3 minutes devant l’écrasant dogmatisme de l’exposé de l’elfe.

Un empilement d’idiots désintéressés.
Seth commençait à se dire que d’avoir accepté cette charge à l’université n’était peut être pas une si bonne solution tactique...
Mais occuper la moindre minute vacante de son temps libre, déjà réduit à portion congrue par ses autres obligations, lui évitait de penser à Elle. Lui permettait d’oublier un temps son départ. Lui permettait d’oublier qu’il n’avait plus aucun moyen de la voir ou de la contacter. De la posséder.

Silence.

WG Steaven s’approcha d’un pas claudiquant de son ancien élève qui lui restitua le micro après les traditionnelles formules de remerciement. Puis se tournant vers l’assemblée :
« Suite à cette entrée en matière des plus édifiantes, je vous annonce que monsieur Liekaterinev assumera vos TD sur les IA de seconde génération et les systèmes experts pour le semestre à venir ! »

Deux semaines plus tard : TD n°1

Le jeune Seth Liekaterinev entra dans la salle, faisant taire la quinzaine d'élèves qui se trouvaient là. Il lança un « Bonjour tout le monde ! » accompagné d'un grand sourire ; puis il se retourna vers le tableau pour déballer ses affaires sur le bureau professoral. Dans son dos, étrangement, les élèves se taisaient. Je dis 'étrangement' parce que, vous en conviendrez, l'art de se taire – et plus largement l'art de fermer sa gueule – est une compétence assez peu répandue parmi la multitude estudiantine.
Mais ce jour-là, en présence de ce prof en particulier, le silence s'était fait. C'était un effet résultant de causes obscures et diverses. Parmi ces causes on pouvait citer : le sex appeal du prof en question, son charisme indéniable, et l'étonnement perpétuel de ces jeunes qui – en première année de master – n'avaient pas l'habitude d'être confrontés à des formateurs de leur âge... Mais le sex appeal restait la cause première et efficiente.

« Eeeeeh...! » s'exclama soudain Vicky dans un souffle. « Je savais bien qu'il me faisait penser à quelqu'un ! »

Ce disant, elle afficha sur son computer le site de Star Today – un merveilleux magazine people online dont les articles fournissent au lecteur attentif, non pas certes une analyse profondément clairvoyante de la condition humaine, mais du moins un échantillon extrêmement intéressant des pratiques sociales de la jet-set cyberpolitaine. Elle cliqua sur un lien « Les figures montantes du show biz » : la page web s'afficha, dévoilant une photo de Seth. On le voyait, debout au milieu d'une foule de personnalités mondaines, un verre de champagne à la main, un grand sourire bienveillant étalé sur le visage. La journaliste avait ainsi légendé son mauvais cliché : « Seth Liekaterinev, homme d'affaire et riche héritier célibataire : c'est LE bogoss du moment ! »

« T'as vu ?! C'est lui !! » s'extasia Vicky en chuchotant autant qu'elle le pouvait, faisant par là montre d'un sens de la discrétion quasi inexistant – ce qui d'ailleurs n'était pas étonnant, et s'accordait parfaitement avec son goût manifeste pour les tabloïds et leurs rumeurs ébruitées.
« Oui, oui, j'ai vu... » murmura Calypso pour faire, soucieuse de se faire bien voir, et qui se demandait pourquoi elle traînait encore avec une fille comme Vicky.

« Bien ! lança Seth. Le TD d'aujourd'hui va porter sur les structures mémorielles des IA de seconde génération, j'imagine que vous avez des bases dans le domaine ?...... ou....pas ?.... Ou pas, ok je vois. »

Le TD se passa sans encombre. Liekaterinev expliquait les choses clairement – bien qu'un peu rapidement – et la classe était attentive. Les filles, qui s'étaient transformées sous l'effet de leurs hormones en un troupeau de groupies disciplinées, écoutaient les paroles de Seth comme elles auraient écouté avec religiosité les déclarations du Journal Télé ou d'un prophète – ne se doutant pas une seconde qu'elles avaient en réalité affaire à un avatar de l'antéchrist. Les garçons, eux, jaloux d'un concurrent aussi inégal, s'appliquaient à comprendre tout ce que le bellâtre translucide racontait pour pouvoir, ensuite, tenter d'impressionner les filles en leur expliquant ce qu'elles n'avaient pas pu assimiler, occupées qu'elles étaient à observer la plastique du prof plutôt qu'à essayer de comprendre ce qu'il racontait.
Calypso, elle, essaya pendant toute la durée du cours de se persuader que son intérêt pour Seth était uniquement esthétique...en vain.

Les séances s’enchaînaient, toutes désespérément similaires, tristement inintéressantes. Un premier rang d’étudiantes, toujours le même, s’est formé à partir du deuxième TD. Et bien que Seth n’ait rien contre le fait qu’une dizaine de jeunes femmes observent avec assiduité son fondement, leur manque d’attention sur le cours l’agace profondément. Il sert les dents et se remémore son objectif, oublie de penser à Elle.
L’heure s’achève.
Les rangs du fond se pressent vers la sortie, les autres classent tranquillement leurs affaires en papotant. « Vicky » lui adresse un large sourire charmeur et entraîne son amie à l’extérieure.
« Attendez une minute… »
« Ouiii ? »
« Non pas vous … Calypso O’Graham. »
« Euh moi ? »
Il ne réplique rien, son silence faisant foi et termine de ranger ses propres affaires, en attendant que les derniers élèves disparaissent et que les amis de la jeune femme cesse de lui faire des allusions à voix basses.
Elle s’installe discrètement sur une table et patiente.
Puis enfin il se lève:
" O'Graham... je me demandais, tu es la soeur de Ash non?"
« ...Ash...*mauvais souvenirs* ...oui...c'est bien mon frère » A sa mine Seth comprend immédiatement que la fraternité n’est pas vraiment à l’honneur ici…Il adopte alors un ton faussement ironique et l’attitude de l’ancien camarade pas forcément sympathisant.
" on a fait une petite partie de notre cursus ensemble...je suppose qu'il est toujours aussi "clean" dans ses affaires"
« Oui toujours… :’) »
Il ri brièvement et passe la lanière de son sac sur son épaule.
« ça ne m’étonnes pas…tu as un moment là ? »
« En fait ça dépends…j’ai une programmation à faire pour demain »
« Ha ouais pour le cours de Glennford, si tu veux on peut regarder ça ensemble… »
Leurs regards se croisent enfin pour la première fois depuis le début de l’entretient. La respiration de la jeune femme s’accélère légèrement, elle cille et bafouille :
« Ben euh je… »
« Pour être honnête j’aimerais vraiment pouvoir passer un peu de temps avec toi…je veux dire en dehors des cours, sauf si ça te gênes vraiment… »


Le piège se referme lentement. O’Graham, les politiciens sont toujours d’une utilité certaine. La jeune femme hésite encore un court instant puis accepte. Elle n’est pas forcément d’une grande beauté mais reste suffisamment jolie pour ne pas paraître commune. Elle est douée et travailleuse, capable d’idée mais pas vraiment entreprenante. La couverture parfaite.

Une heure et demi plus tard.
Devant la porte de l'immeuble de Calypso.

« En tout cas, merci beaucoup pour le café et....pour m'avoir raccompagnée, et...caetara...^^' »

Calypso hésita un instant. Elle ne savait pas si Seth était vraiment intéressé, ou s'il voulait simplement qu'ils soient amis, ou... Mais elle ne put s'empêcher de dire : « J'ai passé un super moment. » Il répondit par un sourire : « ...Moi aussi. »
Il fixa son regard bleu glace dans les yeux bleu nuit de la jeune fille. Ce regard...quand il se posait sur elle, elle était comme paralysée, son souffle coupé, les battements de son cœur accéléraient...comme si un cristal transperçait son âme – c'était une douce souffrance, un afflux d'adrénaline – et elle se laissait happer par ce regard....
Il rapprocha son visage d'elle...très près... beaucoup trop près....
Elle réalisa soudain qu'ils se fixaient depuis de longues secondes – et elle détourna les yeux, gênée.

« Euh...on se voit vendredi ?
Il se rapprochait encore...
- Ouais», répondit-il simplement, à l'oreille de Calypso.

Puis il s'éloigna.

Trois semaines plus tard.

Désormais Seth l'invitait à prendre un café plusieurs fois par semaine. Il n'y avait qu'une simple séance de TD tous les quinze jours, mais par un heureux concours de circonstances le jeune homme avait à faire à la faculté ces derniers temps, et finissait souvent en même temps qu'elle....... Et pourtant il ne l'avait toujours pas invitée à faire quelque chose en dehors du campus !
Allongée sur son lit, Calypso alluma son cellphone dont elle venait de recharger la batterie. « Nous sommes...Vendredi...14h42 » annonça fièrement l'appareil de sa voix mécanique. « Vous avez...1...nouveau message. » Calypso ouvrit sa boîte de réception.

Citation :

De : Seth À : L'emmerdeuse
Salut, ça te dit de voir le nouveau Kashaow? je peux passer te prendre à 19h...

État intérieur de Calypso : « Yaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa il m'invite au cinémaaaaaaaaaa !!! 8D!!! » *Danse partout en jetant des fleurs et des bonbons*
État extérieur de Calypso : sourire jusqu'aux oreilles et rouge sur les joues.

Citation :

De : Calypso À : Seth
Avec plaisir..! Quelle heure ?

Bon, Kashaow étant le réalisateur préféré de Zack, Calypso avait évidemment déjà vu le film, maiiiis...elle ne pouvait pas refuser.
Toc. Toc.
Zack entra dans la chambre un paquet de biscuits à la main.
« Je goûte : tu veux des bichocos ? »

Il fallait passer sur la perte de temps que lui imposait cette séance de cinéma bidon, oublier les 2h qui suivraient, forcément dans un restaurant sans intérêt où il ne mangerait quasiment rien comme d’habitude et devrait attendre qu’elle finisse de s’empiffrer, et voir plus loin…
Elle s’était habillée de façon plutôt classique, quoi qu’ayant forcé sur le maquillage et raccourci sa jupe, et semblait rayonner de bonheur comme un gamin qu’on emmène pour la première fois dans un parc d’attraction… Seth soupira et afficha un masque de contentement somme toute niais et aux antipodes de ce qu’il aurait souhaiter pouvoir dire…
« On y va ? »

***
« Ha… excuse moi… »
« Non c’est rien… mais tu devrais répondre… » Elle souri légèrement.
Il se leva, abandonnant Calypso à son dessert, et de dirigea vers les toilettes en décrochant négligemment son cellphone.
« Quoi !? »
« Darling… j’ai une mauvaise nouvelle. Commission rogatoire, instruction et fouille du domicile… »
« …Et ils me collent qui comme juge ? »
« A ton avis ? Quaterpark bien sûr… »
« Mais merde !? Débrouillez vous c’est votre job ! je ne veux pas de flic chez moi ! »
« Ils ne peuvent pas officier en dehors des horaires légaux… je te suggère de faire le ménage avant darling… »
Il raccrocha sans cérémonie et pianota une série d’ordres, il ne pouvait pas laisser la soirée en plan mais la situation risquait de se dégrader… il fallait régler l’affaire rapidement et l’abandonner avant 1h…Il jeta un coup d’œil à l’horloge du cellphone qui indiquait 22h45 et jura. S’appuyant sur le bord du lavabo il fixa un instant son reflet dans la glace grisée qui lui faisait face puis, s’emparant du porte savonnette, le balança avec force dans le miroir qui se fissura.

Calme, il fallait rester calme.

« Benson… »
« Je savais que tu rappellerais darling ! »
« Fouille du domicile… celui de consortium ? »
« Oui je doute qu’il ai un mandat pour Highway… »
« Ok, déplacez tout dans l’appart du district 4 ! »

***
Le sepemtrionin frôla de ses longs doigts gantés la joue de Calypso qui frémit. C’était idiot, contrairement à Zack elle était loin d’en être à sa première relation…Il effleura de ses lèvres l’orle délicat de sa bouche, elle passa les bras autour de sa nuque et lui rendit son baiser avec élan. Puis enfin leurs regards se croisèrent.
Elle trembla de nouveau, quelque chose passait dans ses yeux, quelqu’un d’autre. Elle se demanda si c’était vraiment elle qu’il touchait.
Rêve
Il lui sourit tendrement, gommant son trouble éphémère. Elle avait besoin de ce sourire, de ce regard, de cette voix. Elle avait besoin de lui.
Cauchemar
Elle était prise au piège.

***
« Ça ne peut pas attendre demain ? » demanda-t-elle.
Puis elle se redressa légèrement, remontant le drap sur sa poitrine.
« Non, je te l’ai dit tout à l’heure, ce trader a vraiment déconné je peux pas laisser ça en plan.. »
« Mais il est minuit passé…reste…mon frère n’est pas là, et tu n’auras qu’à repartir tôt demain matin... »
Seth se pencha vers elle, saisissant d’une main le menton de la jeune femme, et l’embrassa. Il n’avait évidemment pas retiré ses gants, se refusant à toucher directement cette peau comme il se refusait à toucher toutes les autres. Sauf Ambre, sauf Daniel.
« Je te téléphone… »



00h45
Un quart d’heure d’avance.

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