Suite de là

"Une semaine...

Oui, une semaine. "

C'était les mots du jour : "Une semaine". Une semaine que Lowell était arrivé à Range Harbor. Une semaine qu'il avait foulait ses terres nouvelles, hostiles. Une semaine qu'il arpentait les rues, dévalait les ruelles, explorait les culs de sac, prenait ses repères, mémorisait les lieux, trouvait les bons raccourcis. Une semaine durant laquelle il s'attelait à rendre moins hostile cet environnement dans lequel il évoluait désormais.
C'était fondamental, il fallait qu'il se familiarise, qu'il pose ses marques. Vitale. Oui, vitale.
Une semaine qu'il cherchait, scrutait, jugeait, notait. Une semaine qu'il guettait le moment, une semaine à l'affut d'un endroit. L'endroit. Il ne cherchait que le calme et le silence, c'est tout ce qu'il demandait.
Il l'eut pendant la semaine justement. JL n'étant pas là pendant la journée, l'appart des deux frères était devenu bien plus calme que les premiers jours. De plus, Aaraon n'était pas très bavard et Lowell lui en était pleinement reconnaissant car, de la sorte, le jeune octantin lui épargnait un gaspillage de salive conséquent et inutile.
Sa présence justement... Parlons-en: elle lui donnait parfois l'impression d'être revenu à Wild'Oak city, 5 ans en arrière (enfin... peu lui importait de combien de temps ça le remmenait puisqu'à Wild'O le temps avait cessé de couler). Cela le rassurait, l'apaisait... Mais ça le dérangeait.
La raison ? Il n'avait pas l'intention de rester et il n'en avait jamais eu l'intention. Il se sentait de trop. Il voulait rester seul. Il voulait fuir la présence de toute forme de foisonnement de vie... Il ne voulait pas s'attacher...
Non... Il ne le voulait pas...
Donc une semaine, squattant un appartement, en cherchant un autre.
A la limite, pourquoi ne dormirait-il pas dehors ? Non, il lui fallait un logement, il lui fallait une base, un point d'appui solide, ferme, quelque chose de matériel. Il en avait besoin, c'était ainsi.
Ainsi, il cherchait sans en avoir l'air.
En fait il faisait ça un peu au pif, en lisant les pancartes qu'il trouvait lors de ses promenades, feuilletant vaguement les annonces dans les journaux et en tendant une oreille plus ou moins intéressé quand il surprenait une discussion qui portait sur le sujet.
Puis la journée était vite passé et en général il rentrait, préparé de quoi nourrir les deux autres et lui-même, participant ainsi à leur vie au quotidien. Rien de plus, rien de moins.
Une porte qui s’ouvre, un vague salut et il s’engouffrait à l’extérieur.
Il n’aimait pas rester trop longtemps dans cet appart, donc il allait se promener encore.
Marcher, toujours marcher et encore marcher. Ça l’aidait à bien mettre en place ses idées ou à n’en pas avoir justement. Et finalement, venait le moment où il en avait marre de marcher. Alors, il allait dans un bar et étanchait la soif que lui avait procuré une telle marche.
"Une semaine … "se disait-il en scrutant le fond de son verre qu’il venait de finir.
Il avait évité de dormir dehors durant la semaine qui était passé et il rentrait seulement quand il était sur d’être sobre (ça le fait pas de venir bourré chez quelqu’un qui vous loge). Du coup, il rentrait tard, mais il rentrait quand même.
Mais ce soir, cela faisait une semaine. Il commanda un autre verre…

***

Étendu par terre, adossé contre le mur, Louve, toujours fidèle au poste somnolait près de son maître. Un déjà-vu ? Évidement. Ne soyez pas étonné, ce tableau vous le verrez bien d’autres fois encore.
Et une fois encore, il s’était endormi avec l’image de La Belle, lui déposant un baiser sur ses lèvres, comme pour lui dire bonne nuit. Il rêvait d’elle. Il ne souhaitait plus se réveiller mais … Quelque chose le fit réagir. Quelque chose qui n’était pas habituel.
Un bruissement provoqué par le frottement de vêtements, une respiration, oui une respiration bien réelle. Entre le sommeil et l’éveil Lowell se surprit à espérer l’impossible : Et si c’était elle ? Involontairement son cœur s’emballa mais il ne bougea pas d’un poil. Ayant trop peur d’ouvrir les yeux et de confirmer que cette thèse était infondée (oui car dans un seconde temps il s’était rendu compte que c’était impossible), il resta immobile et attendit patiemment la suite des évènements …

Il était tôt ce matin là. Trop tôt même, pour Vanéa. Elle avait eu une nuit agitée, cherchant tant bien que mal un coin où dormir où elle ne serait pas dérangée mais en vain, elle ne le trouva pas ce soir-là. Elle avait dormi que quelques heures, son esprit en alerte mais pourtant, elle semblait assez bien réveillée, errant toute seule dans les rues encore vides de la populasse grouillante qu'on pouvait très bien observée dans la journée.
La journée s'annonçait longue dans son esprit et comme chaque jour, elle se dirigeait vers les docks dans l'espoir de pouvoir grappiller quelques petits bouts de la marchandise qui y allait et venait (sa principale préoccupation étant, pour le moment, de se nourrir. Un sac vide, ça n'a jamais tenu debout).
Il devait être vers 5 heures. Elle ne savait pas très bien. Tout ce qu'elle avait constaté, c'est qu'il faisait encore nuit mais que le ciel commençait à se teinter d'un bleu plus clair dans l'horizon. L'hirondelle devait encore dormir, elle n'aurait aucun mal pour la retrouver si elle venait à bout de l'emprise de Morphée. Au moins, elle avait sûrement moins de mal pour trouver de la nourriture que Vanéa. Quoique, trouver de la nourriture était assez simple, c'était plutôt l'acquérir qui était bien plus compliqué.
La jeune fille rêvait de trouver un joli porte-feuille avec du bel argent dedans, avec ressource illimitée. Cela pourrait sembler très avare, grippe-sous ou je ne sais encore mais quand vous dormez dans la rue ou dans un vieux bâtiment délabré et que vos repas dépendent de votre capacité à voler, trouver une bourse d'argent avec cheatcode or illimité, c'est une trouvaille rêvée et inespérée. Quoique, ça apporterait pas mal de problème si cela venait à se savoir... Et les rumeurs courent vite, à Range Harbor.

Alors que Vanéa se faisait une raison, une sorte de grognement venant d'une ruelle à sa droite attira son attention. Elle s'arrêta et regarda l'allée sombre d'un air perplexe (ce n'était pas comme si elle allait déranger quelqu'un en restant planter au milieu du chemin à une heure où ces braves gens dorment encore). La curiosité l'emporta et elle s'approcha prudemment vers les ténèbres. Là, un homme, par terre, contre le mur, apparemment dormant et... Un léger sourire se dessina sur les lèvres de la jeune fille qui se permit de s'enfoncer un peu dans la ruelle. Plus elle s'approchait, plus son odorat confirmait sa déduction: ce type était ivre mort et c'était offert une nuit à la belle étoile, pas très loin des poubelles. Ah, l'alcool, parfois (voire souvent), elle bénissait ce genre de nectar. Finalement, peut-être qu'elle aurait bel et bien un porte-feuille remplis d'argent, si le poivrot n'avait pas tout dépensé dans sa boisson.
Elle se fit aussi discrète que possible et s'approcha encore d'avantage de l'homme allongé. Il n'avait pas l'air de vouloir bouger bien qu'elle se trouvait maintenant à moins d'un mètre de lui, accroupie. Elle analysa la situation, essaya de deviner à quel endroit pouvait se trouver le tintement des pièces et le froissement des billets et en déduit, non sans faire la grimace, que ce type était sûrement du genre à mettre sa petite monnaie dans ses poches et mettre le plus gros de sa fortune dans la poche intérieur de son manteau. Quelle galère, c'était vraiment pas pour lui faciliter la tâche. D'ailleurs, elle ne remarqua même pas qu'il y avait un loup somnolant à côté de l'homme, tout au plus, dans sa tête, ça avait été vite analysé comme "oh, un chien" et mis de côté.
Elle observa encore un peu le faux endormi mais il n'y avait pas trente-six mille solutions. Elle poussa un petit soupir et décida de s'atteler à la tâche non sans une certaine résignation. Sa main était près du bord du manteau, hésitant encore entre le coup brusque ou le mouvement doux et délicat.
Une vraie mission suicidaire, comme elle en a -presque- l'habitude.

Louve l'observait depuis un moment mais restait immobile et silencieuse, la scrutant de ses yeux ambré. Elle devait surement sentir que cette jeune fille sortit de nulle part ne représentait pas un danger pour son maître puisqu'elle ne grogna pas. Néanmoins, quand celle-ci approcha trop la main du manteau de Lowell, la louve noir s'agita légèrement, gémissant et redressant le museau pour humer la jeune fille.
Elle arrêta son geste et eut un mouvement de recul en s'apercevant s'en doute que la bestiole qu'elle avait catalogué trop vite comme un simple chien, était en fait un GROS chien... Bien trop gros pour être un chien normal à vrai dire.
Il eut un moment de flottement durant laquelle la voleuse jugeait les actes de la bête : pas de réaction. Si ce n'est qu'elle la regardait d'un air à la fois curieux et amusé, penchant la tête sur le côté. Rassurée, la voleuse en herbe se ressaisit, braqua de nouveau son regard sur le manteau de l'ivrogne endormi, vérifiant tout le temps que celui-ci avait les yeux bien clos et qu'il ne les ouvrait pas.
Lowell quant à lui ne voulait pas bouger temps qu'il n'était pas sur de ce qu'il se passerait. L'idée de se réveiller pour rien l'agacerait profondément. En fait il comptait sur Louve pour le prévenir du moindre danger ... Apparemment il y en avait pas puisqu'il ne l'entendait pas grogner. Pendant un instant il cru même que la personne qui se trouvait juste à côté de lui allait partir mais ... Non.
La main de la jeune fille avait à peine effleuré son manteau : un brusque mouvement, rapide. Elle ne s'y attendait pas, non vraiment pas. Une main ferme saisit son poignet ... Elle en eut le souffle coupé et eut un mouvement de recul.



Il avait enfin ouvert les yeux et les avait plongés dans ceux de la jeune voleuse. Son humeur était tout aussi sombre que l'était son regard. Une gamine venait de le réveiller, essayant de le voler et pour couronner le tout, Louve n'avait pas réagit... La journée commençait bien ....



Il l'observa pendant un long moment, sans rien dire, la dévisageant avec froideur. Son poignet lui semblait si fin et fragile sous sa main. Pauvre, maigre, volant pour se nourrir probablement. Pathétique.
Scotché par la réaction si brusque du trappeur, l'inconnue n'osait pas bouger, n'osait pas dire un mot ni même crier. Elle aurait pu ! Et pour le plus grand bonheur de notre ami patibulaire, elle n'avait pas crié. Comme s'il avait besoin qu'on lui crève les tympans en plus.
Il lâcha enfin sa prise, pas la peine de la retenir plus longtemps, elle n'oserait jamais retenter l'expérience maintenant que sa "victime" était réveillé.
" Aller, fous-l'camps "
Grommela t-il enfin. Il n'avait pas envie de faire la moral, il estimait qu'elle avait comprit son erreur et qu'elle aurait surement envie de déguerpir toute honteuse de son "épic fail".
Mais elle ne semblait pas du même avis ...

Erreur de débutante.
Il était près de 5 heures, l'alcool de la nuit avait déjà dû être éliminé dans l'organisme (ou en partie) pour pas mal de buveurs du soir. En tout cas, cela semblait être le cas pour notre dormeur à la belle étoile.
Et il lui avait fait peur, ce con! Bien plus peur que le loup. Son coeur avait accéléré à la vue de l'animal mais quand ce fourbe lui attrapa le poignet brusquement, son coeur fit un bon dans sa poitrine et se mit à battre plus vite que jamais. Elle pouvait sentir son pou sous la ferme pression que subissait son poignet.
Elle n'avait pas crié. A quoi bon? De toute manière, il y avait fort à parier que rien ne changerait si elle venait à se faire entendre. Et dans le calme du matin, les cris font tâches.
Elle n'avait pas non plus cherché à se débattre, elle s'était juste figée. De toute évidence, l'entrave était trop forte pour qu'elle puisse s'en défaire et elle n'aurait réussi qu'à se faire mal.
Non. Elle avait réveillé la bête, elle devait assumer la conséquence de ses actes. L'homme l'observait à présent d'un regard sombre et glacial, ce qui ne manquait pas de titiller Vanéa. Elle avait plus l'habitude aux regards noirs et gorgé de colère. Non, là, c'était froid. Trop froid, peut-être. Même pour l'obscurité.
L'étreinte se relâcha et toujours sans rien dire, elle ramena son bras près d'elle et le massa légèrement, là où il avait été brusqué.
"Allez, fous l'camp".
C'est tout ce qu'il lui dit. Juste 3 pauvres mots et demi. La bête n'est pas d'humeur à attaquer? Une chance pour Vanéa. Mais elle ne partait pas et le scrutait encore un peu plus. C'est alors qu'après un silence, elle fut prise d'un certain culot: elle avança vers l'homme sa main droite, la même qui avait essayé de le voler quelques minutes avant, se tenant toujours le poignet, et l'ouvrit en direction de la bébête noire de la ruelle près des docks de RH.


"Une petite pièce pour les pauvres?"

Il avait détourné son regard attendant qu'elle parte mais elle ne partit pas et ça l'agaça profondément. Puis elle tendit une main suppliante et d'une petite voix lui demanda
"Une petite pièce pour les pauvres?"
Lowell n'en revint. Il la regarda d'un air incrédule comme s'il avait pas vraiment comprit les simples paroles de la jeune voleuse reconvertie en mendiante en même pas une minute. Puis, il fronça les sourcils, sévère, puis froid de nouveau... Glacial, gelé ... Un regard assassin. Encore plus agacé par la requête absurde de la jeune fille, quelque peu révolté même : Elle avait essayé de le voler, alors qu'il dormait ! Comment avoir pitié d'une fille qui faisait les poches d'un homme endormi ? Comment avoir pitié des lâches ?
En voyant l'expression de Lowell, la mendiante fit une mine boudeuse. Elle était mignonne et ça bouderie enfantine la rendait encore plus adorable et si le trappeur avait était plus jeune, ou s'il n'était pas ce qu'il était devenu, il lui aurait offert bien plus que quelques petites pièces que l'on sort des fins fond de nos poches pour donner à ceux qui tendent la main quand parfois l'envie vous en prend. Il aurait même félicité son audace, lui qui l'aimait tant et s'orgueillait autrefois d'oser ce que les autres n'avaient pas les couilles de faire.
Mais Lowell ne prenait pas en compte le facteur "mignon". Il la voyait juste comme... une fille parmi d'autres innombrables filles qui vivent dans la misère. S'il donnait les pièces tant convoitées à celle-là, pourquoi ne donnerait-il pas aux autres ? Non, dans ce monde c'est chacun pour soi. Rien ne sert d'être généreux... Un jour ou l'autre on vous prend tout de toute façon. Et quand vous demandez de l'aide, personne ne répond présent.
Pourtant, face à l'expression infantile de la jeune demoiselle, Lowell ne pouvait se résigner à hausser la voix, déchainer sa colère. Une sorte de "sens de la pédagogie" voulait qu'il la ménage.
"Tu ne le mérite pas" Dit-il d'une voix neutre, toujours fixant la jeune fille dans les yeux sans ciller.
Celle-ci parut choqué, comme si ce que Lowell avait dit tenait tout autant de l'absurdité que ses propres paroles.
"Quoi ?!! Sale radin !!" s'exclama-t-elle. Il nota un bel accent qui n'avait rien à voir avec l'Astarnaïa.
Mais Lowell s'en foutait. "Gamine" fut le mot qui lui traversa l'esprit. Il soupira, tout en essayant de se relever, péniblement, s'aidant du mur.
"Voler un homme endormi c'est quoi alors ?... Honneur, Respect, noblesse d'esprit tu connais pas ?
- t'as l'air vachement endormi =_="
- je l'étais il y a même pas deux minutes j'te signale " grogna-t-il en lançant un nouveau regard noir vers son interlocutrice du matin. Puis il fit retomber ses yeux sur Louve qui le regardait d'un air satisfait.
" And you? What 've you done ?" Le ton de la voix de Lowell ne semblait pas être au louanges cette fois et Louve le comprit : elle rabattit les oreilles en arrière, courbant le dos, elle mit une patte sur son museau, comme pour se cacher du regard meurtrier du maître qu'elle avait déçut.

Technique de la moue boudeuse kawai desu: échec critique.
En fait, c'était assez normal que Vanéa paru choquée de ce refus, cette technique qui d'habitude était infaillible. Ou presque. Décidément, elle avait du mal, aujourd'hui.
Elle le regarda se relever péniblement, s'aidant du mur. Il devait quand même être bien amoché. Il lui aurait fait pitié et elle l'aurait peut-être aidé s'il n'avait pas été aussi désagréable avec elle quelques minutes auparavant. Et voilà que la bête devenait donneur de leçons. Elle n'était pas une sainte mais lui ne s'était pas vu. Il y avait aussi à dire sur son attitude. Mais elle préféra garder cette pensée pour elle-même.
Encore un regard noir. Décidément.
Elle était restée accroupie, mais quand l'homme se mit à réprimander l'animal, elle se releva (avec une facilité déconcertante comparé au trappeur) et lui lança: "C'est bon, c'est pas de sa faute si tu passes tes nuits dehors."
Elle n'eut pour seul réponse qu'un nouveau regard noir. Un de plus, un de moins... En même temps, que pouvait-il répondre? Ça l'étonnerait fort que ce soit le loup qui le força à entrer dans un bar et à boire verre sur verre jusqu'à ne plus savoir rentrer chez lui.

Elle aurait pu partir mais elle ne partait pas. Quelque chose l'intriguait. Voire plusieurs choses, comme la réaction de l'animal puis celle du maître. Et elle n'avait pas dit son dernier mot. Elle le voulait, son petit-déjeuner.

"C'est bon, c'est pas de sa faute si tu passes tes nuits dehors."
Elle l'agaçait ... profondément. De quelle droit cette petite chieuse se permettait ce genre de réflexion ? En quoi ça la regardait ? Pour qui elle se prenait ? Toutes ses questions rhétoriques fusaient dans son regard hargneux, en guise de représailles.
Mais il ne répondit pas. Il n'y avait rien à répondre, et répliquer n'aurait fait qu'aggraver la situation. Elle serait peut être partie dans une discutions enflammé sur le droit des animaux ou une connerie dans l'genre si il avait daigné défendre ses droits et il n'avait vraiment pas envie que leur petite rencontre s'éternise d'avantage. Autant couper court, ne rien dire et s'barrer, loin de cette fille.
Hasta la vista, et à jamais : Lowell se retourna pour se dégager de la ruelle, lui lançant un dernier regard sombre, sans dire mot. Il y avait rien à dire de toute façon. Louve sur ses talons, la queue encore entre les jambes essayant de frotter son museau contre des mollets qui n'avait de cesse de bouger. La fille aussi se dégagea de la ruelle, juste derrière ( il n'y avait pas d'autre issue de toute façon ) et il avait espéré qu'elle parte de son côté, puisque le malsaine d'une distance volontaire avait été mis en place par le trappeur. N'importe qui avec un peu plus de jugeote se serait dit que la bonne ambiance et la franche camaraderie n'était pas de rigueur avec le thuléen. N'importe qui avec un peu plus de jugeote aurait sentie l'aversion que la grosse bébête des cavernes provoquait dans une aura pas franchement agréable et se serait barré sans demander son reste.
Monsieur s'était réveillé du pied gauche.
Eh ben non. Surprenant n'est ce pas ? Vous ne vous y attendiez pas ? Mais la petite voleuse semblait bien déterminé à titiller l'ours qui grogne. L'inconsciente se mit à suivre Lowell et sa fidèle Louve et croyez moi, ça n'arrangea pas l'humeur de se dernier.
Il avait de la patience, mais pas assez pour supporter des morveuses de son genre. Il se retourna, serrant les dents, se retenant tant bien que mal de ne pas exploser de colère (il avait trop mal au crâne pour ça de toute façon) et la dévisagea avec froideur et agacement. Tout se lisait dans son regard et "Quoi encore ?" c'était ce qui y était écrit.

Et oui, elle l'avait suivi. Sinon ça ne serait pas drôle. Et elle n'avait toujours pas de quoi s'offrir son petit déjeuner.
Le suivre jusqu'à la sortie de la ruelle, ça semblait logique. Mais un obscur gargouillis venu des profondeurs les plus obscurs de son ventre lui rappelait que celui-ci était toujours vide. Et à remplir. Bref, fausse excuse pour suivre le grincheux.
Le monsieur allait à gauche, elle tourna elle-aussi à gauche. Mais sa présence ne devait pas être des plus discrète puisque le dit monsieur se retourna et lui fît gentiment comprendre qu'il commençait à en avoir plus qu'assez d'elle et qu'elle ferait mieux de se tirer. Wow. Heureusement que c'était dit gentiment. Sinon elle se serait un peu plus vexée. Mais bon, un regard qui veut tout dire, disons que c'était dit assez gentiment.

A ce moment-là, elle sentait bien que ça devenait dangereux pour elle. Que le poivrot commençait vraiment à perdre patience. Et que, pour son bien, la seule chose qui lui restait à faire était de partir dans l'autre direction, très loin de lui.
Et c'est ce qu'elle fit. Après un petit moment de flottement mais c'est ce qu'elle fit. Ou prétendit faire.
Quelques mètres les séparaient déjà et l'homme s'était remis en marche. Vanéa se retourna, courut en évitant l'animal qui semblait toujours se sentir coupable et attrapa le bord du manteau pour y plonger sa main.

Mais encore une fois, très vite, elle s'immobilisa.

Elle s'en allait. Enfin.
L'air menaçant de Lowell avait eu raison de la malheureuse et il la regarda un instant s'éloigner dans le sens inverse, satisfait ... Ou plutôt soulagé.
" Well done" se dit-il en lui-même. Et il tourna les talons à son tours, près à revenir chez la fratrie.
Mais voilà qu'à quelques pas à peine, un nouveau rebondissement bouleversa le cheminement du trappeur.
Tout se précipita : une course, le bruissement de son manteau, une main habile, une autre plus rapide, un gun entre celle-ci, le canon contre le front.



C'était la goute qui faisait déborder le vase... Sa patience avait des limites très étroites et la petite chieuse les avaient très largement dépassé. Lowell avait dégainé, contre son propre gré, puis il avait collé le bout du canon contre le front de l'effrontée. Il était en colère et ça se voyait. Il respirait rapidement et fort, signe d'une colère quand même retenue et puis son regard s'obscurcit encore, haineux, brutal, sauvage...
Mais à celui-ci se mêlait on ne sait quoi d'humain, comme si tenir cette arme et la pointer sur une jeune fille lui semblait douloureux.
Tristesse. Il ne voulait pas... Il aurait voulu éviter ça...
La jeune fille resta immobile, les yeux écarquillés, bouche bée... Si elle s'attendait à ce qu'il soit armé ? Lowell en doutait.
Reprenant peut à peu une respiration plus lente à mesure que les minutes s'écoulaient, tout deux immobile, le trappeur se calmait, faisait descendre un flux de colère trop vite monté. Il essaya de reprendre le dessus sur toutes ses choses qui lui prenait à la gorge.
Il se détestait. Cette violence, il l'aurait volontiers dirigé contre un gars de son gabarie, à coup de poing. Mais là, c'était une jeune fille, frêle et fragile qui ne cherchait qu'un peu d'argent pour acheter son pain.
Du sang froid ... Il lui fallait plus de sang froid ... Tout allait bientôt se terminer...
Il le reprit. Se détendit. Il regarda la jeune fille dans les yeux puis, d'un air résigné, il la poussa doucement avec le canon ce qui obligea la voleuse à faire un ou deux pas en arrière. Enfin, il rabaissa son bras, toujours en la fixant avec sévérité, laissa passer un instant de silence durant lequel il rangea son arme puis il tourna de nouveau les talons en lâchant un : "C'était pas chargé de toute façon"
Et il s'en alla, les main dans les poches, Louve sur ses talons... Il disparu au coin de la rue.

suite là !

Retrouvez vous sous la menace d'une arme et vous savez que vous avez merdé. Que vous êtes allé trop loin. C'était un des défauts de Vanéa: elle se retrouvait trop souvent menacée mortellement. Mais pourtant, elle était toujours là.
Elle ne savait pas ce qui l'avait poussée à suivre cet homme. Elle se doutait que la faim n'était qu'un prétexte. Peut-être avait-il juste une tronche et l'attitude pour se faire embêter. Mais Vanéa avait merdé. Et elle s'en était rendu compte un peu trop tard.

Des minutes qui lui semblaient être une éternité s'était écoulées et elle n'osait toujours pas bouger. Le contact du métal froid sur le front dès le matin n'était pas des sensations des plus agréables. Elle s'estima heureuse que ce fut que ça.
Sa respiration était saccadée, son cœur s'était emballé. La respiration de son agresseur agressé semblait reprendre un rythme plutôt normal à mesure que l'éternité durait.
Intimée par le canon, elle fit quelque pas en arrière. Ce n'est que là qu'elle vit l'étrange paradoxe dans son regard.
Elle ne bougea pas. Il dit quelques mots en se retournant et partit, quittant son champs de vision. Mais elle ne bougea pas.

Au fur et à mesure que la tension redescendait, sa vue se troublait, ses mains tremblaient et ses jambes semblaient avoir du mal à la supporter. En quelques pas rapides, elle s'appuya contre le mur, pris une profonde et bruyante bouffée d'air par sa bouche et recommença plusieurs fois, comme si on l'avait privée d'oxygène quelques instant auparavant. Elle sentait des larmes commencer à perler sur ses joues et elle voyait sa mains tremblée. Elle se laissa glisser le long du mur, s'asseyant les jambes repliées contre elle, le visage enfoui dans ses mains. Elle essayait désespérément de se calmer. Elle devait se calmer. Des sanglots étouffés agitèrent ses épaules pendant un moment.

Sa respiration reprenait un rythme normal. Ses mains tremblaient encore un peu mais beaucoup moins qu'avant. Toutefois, elle garda son visage enfoui dans ses mains, elles-même cachées par ses genoux et une cascade de cheveux châtain clair. La ville semblait silencieuse. La rue était vide. Quoique, pas tant que ça. Des pas lui parvenaient d'un bout de la rue et semblaient se rapprocher. Prenant sur elle, elle s'essuya les yeux et leva la tête, regardant qui venait. C'était un homme à la carrure assez massive, avec une courte barbe et des cheveux en bataille et aux vêtements modestes. Il avait des allures de marins.
S'approchant, il remarqua la jeune fille assise contre le mur. Elle lui paraissait bien petite ainsi recroquevillée.
"Hé, petite, ça va?" lui demanda t-il en venant dans sa direction. Elle devait être dans un piètre état.
Il lui fallut un petit moment avant qu'elle réagisse. Ses yeux encore légèrement dans le vague, elle secoua doucement la tête et dit:
"Ça va... Dîtes, vous n'auriez pas une pièce ou deux pour moi?
- Ah nan, désolé, j'ai rien.
- Ah, d'accord. Merci quand même."
Le prétendu marin - ou docker - l'observa quelques instant tandis qu'elle reposait son regard dans le vague, puis il continua son chemin, descendant vers les Docks.
Le rue était de nouveau vide quand Vanéa se décida à bouger. Son ventre venait de lui rappeler qu'il était toujours vide. Les jambes légèrement engourdies, elle se leva péniblement et prit la direction des Docks. A l'horizon, le soleil laissait pointer ses premiers rayons.