>début<

Un léger grincement : c'est l'ae-tram qui démarre au loin, et qui s'en va glisser par-dessus les ponts de Cyberpolis. Le campus est presque silencieux. C'est le milieu de l'après-midi, et tous les étudiants sont en cours, ou bien affairés à la bibliothèque. Le parc est désert. Seulement, sous un arbre, une silhouette est assise. Le jeune homme est adossé au tronc, les jambes ramenées contre sa poitrine. Entre ses mains un cellphone sur l'écran duquel défile un film.
Zack immobilise chaque image, presque seconde par seconde, pour analyser les plans qu'a utilisés le réalisateur. C'est un des films sur lequel il écrit son mémoire de M1.
Il est bientôt 16 heures. Il se lève. Calypso lui a demandé d'être là quand elle sortirait de son TD d'informatique. Il soupire. Elle veut lui présenter son nouveau copain. « Seth ». Quelle idée de s'appeler Seth... Dans Morituri te salutant – un film de Ralph Aextris, palme d'or à Laori en 253, prix du meilleur réalisateur, avec Faïma Esahan, prix de la meilleure actrice – un personnage nommé Seth, bellâtre notaire et creux, trouve une mort tragique dans un accident de la route.
« Dommage, ça pourra pas arriver en vrai...vu qu'elle m'a dit que son bouffon n'avait même pas le permis...! »


« Hey ! Salut Zack ! » s'exclama Vicky au sortir de l'amphi. Zack lui répondit d'un vague signe de la main.
Vicky était l'une des meilleures amis de Calypso – une fille somme toute assez quelconque et globalement superficielle, mais qui, parfois, avait des éclairs de lucidité qui lui éclairaient l'esprit : elle était alors capable de dire des choses intelligentes, et en devenait presque intéressante. Mais, aux yeux de Zack, sa seule véritable qualité était de connaître les noms, prénoms et biographies d'à peu près tous les acteurs existant sur la planète – pourvu que ces acteurs aient une quelconque raison de se retrouver dans les pages des magazines people (déboires amoureux, problèmes avec la justice, consommation de drogues, ...)

« Alors ! ça va bien ? fit Vicky.
- Hum hum....... Calypso est là ?
- Elle devrait pas tarder à sortir. Forcément, elle traîne avec Seth.... »

Zack grogna et enfonça ses poings dans ses poches abîmées. Vieux jean. Acheter un nouveau jean. Shopping. Berk.
Calypso. « Tu verras, Seth est adorable. C'est un mec intelligent et sympa ; j'suis sûre que vous allez bien vous entendre !... » Mouais. Zack n'en était pas convaincu.

« Zack ! » fit Calypso en émergeant de l'amphi. Il lui adressa un sourire, mais se rembrunit immédiatement quand il vit le grand brun qui emboîtait le pas à sa sœur. « Gueule de cadavre ». Le surnom s'était imposé de lui-même, pas besoin d'aller chercher plus loin.
Les deux garçons se serrèrent la main. « Zack, voici Seth. Seth : Zack, mon frère. »

« Salut.
- Salut.
- …
- ...
- Tu suis quelle formation déjà ? demanda Seth.
- Cinéma.
- Ah oui, c'est vrai...» fit-il avec un sourire où transparaissait une pointe d'ironie.

Encore un de ces matheux qui méprisent les étudiants en arts, pensa Zack.

« Et toi ? Docteur en maths complexes c'est ça ?
- C'est ça.
- Ça doit être...passionnant....» souffla Zack en lui renvoyant son sourire méprisant.

Calypso leva les yeux au ciel, elle était trop consciente de la tension qui s'installait entre les deux hommes de sa vie. Il y avait de l'eau dans le gaz entre ces deux-là. De l'orage dans l'air. Elle tenta une diversion :

« On va se boire un café ? »

Un imbécile de pseudo créatif vaguement littéraire qui devait faire parti de la masse moyenne du contingent scolarisé depuis ses huit ans.
Chance d’aboutir un jour à une vrai production artistique : faible, avantages immédiats et futurs à retirer de son contact : néant, plaisir à discuter de sujets abscons avec lui : absent.
Les artistes n’ont de l’intérêt que lorsque leur production devient lucrative ou politisée.
Zack…
Un élément sans intérêt.

***

« -Tu restes ce soir ?
- Tu sais très bien que j’ai du travail…
- C’est toujours la même chose… ça fait six mois toi et moi…et tu n’es même pas resté dormir deux fois…
- Ecoute…la soirée était sympa jusqu'à maintenant non ?
- Oui…comme toujours…mais… »

Non il n’était pas resté dormir. Il n’en avait aucunement l’envie. Dormir à côté d’une idiote obsolète qui passait son temps à le coller en débordant de bon sentiment. Se forcer à fermer les yeux à côté d’une personne dont il ne pourrait jamais être sûr. Insupportable.

Calypso le fixait avec un air de chien battu.
« - Quoi !?
- Pourquoi tu t’énerves ?
- Je ne me m’énerve pas…
- Si… en ce moment t’as l’air crevé et tu passes ton temps à te fâcher sur tout et tout le monde !...et puis si tu veux que notre relation reste « une histoire de cul » t’as qu’à le dire… »
Une histoire de cul. Le qualificatif était hyperbolique. Il se demanda un instant si la jeune femme avait vraiment une idée de ce que pouvait signifier « une histoire de cul » pour lui, si il lui arrivait d’avoir d’autre envie que les rapports sages et maîtrisés qu’elle proposait. Et c’est avec plaisir qu’il lui aurait appris le sens réel de ces mots, qu’il lui aurait fait subir le même traitement qu’aux autres… S’il n’y avait pas eu Ash…

A contre cœur il rédigea une série de messages sur son cellphone, annulant ses rendez-vous, cédant à la demande ridicule de Calypso. Encore une nuit.
« - Tu sais très bien que non…je ne fais pas exprès d’être occupé.
-Oui je sais…
-On peut rester chez toi ? C’est vrai que je suis un peu fatigué…si on pouvait éviter de resortir
- On devait passez la soirée ensemble de toute façon, Zack est au ciné…
- Hum. On est presque arrivé dans tous les cas...»

***

L’appartement O’Graham. Un joli petit loft d’adulescent décoré avec plus ou moins de goût. Et toujours la même odeur dans l’air : lessive, litière pour chat et parfum féminin…et quelque chose de plus sucré comme des…

«- Zack a encore laissé traîner les bichocos…Tu veux un truc ?
- Non ça va…
- Je sais pas comment tu fais…t’a encore pratiquement rien mangé tout à l’heure.
- Ouais mais ça va, t’inquiètes pas… »

Non ça n’allait pas. Il sentait ses vagues allergies le reprendre, comme à chaque fois qu’il restait chez eux. Les poils de chat sans doute. Il traversa nonchalamment le couloir, essayant de se remémorer l’emplacement de la salle de bain, et poussa une porte au battant vert pâle.

Les toilettes.

Zack.

Zack assis par terre dans les toilettes entrain de dérouler pensivement un rouleau de papier, l’air morose comme d’habitude. Seth referma la porte et retourna dans la cuisine.

« - Tu sais que ton frère est ici en train de dévider du PQ dans vos toilettes ?
-Hein ? Comment ça ? Mais…
- Alors comment… assis parterre façon débile de service…pourquoi je n’en ai pas la moindre idée. Et oui, il n’est pas au cinéma. »

***

Calypso avait passé pratiquement quinze minutes à faire des allés retours entre Seth et son frère. Zack venait manifestement de se prendre un râteau, d’après ce que sa sœur avait comprit, et avait un peu trop bu pour oublier... tellement qu’il avait même zappé que sa présence n’était pas désirée le soir même dans l’appartement.
Enfin la jeune femme se laissa tomber dans le canapé à côté de Seth, en soupirant.
« - Quel gamin celui là par moment…
- Il dort ?
- Je sais pas…On regarde quoi comme film ?
- Ce que tu veux.»

***

« -Non arrêtes …ça va le réveiller…
- T’auras qu’à te retenir de faire du bruit…
- Mais…non laisse-moi ! »
Calypso le repoussa d’une main en gloussant légèrement, sachant pertinemment qu’il ne s’arrêterait pas.

Que Zack O’Graham ai le sommeil perturbé était le cadet de ses soucis. Il avait perdu une soirée de plus et la vengeance que représenteraient les gémissements ridicules de plaisir de la jeune femme lui semblait bien obsolète une fois encore.

« C’est pas que tu sois pas… j’veux dire : physiquement, ça va. » Elle s’était appliquée pour refuser avec le moins de mépris possible. « C’est juste que… C’est un peu bizarre : on se connait à peine de vue et donc euh… non. »
Puis elle s’était éloignée vers ses copines, d’un air de dire « J’allais quand même pas accepter de sortir avec lui… ! » comme s’il avait été un mélange raté entre une racaille et un autiste.

« Non. » Seul le dernier mot raisonnait dans son esprit. « Non. »
Elle s’appelait Sarah. Elle était brillante, jolie, sociable. Trop bien pour lui. Il avait pris son courage à deux mains pour lui proposer un ciné. Râteau.
Pour une fois qu’il prenait la peine d’essayer. Et merde. Elle le voyait certainement comme l’un de ces nombreux couillons qui font fac ciné parce que c’est fun et qui vont se bourrer la gueule tous les samedis soirs. …Elle n’avait pas tort. Il était comme eux, comme les types avec qui il traînait. Bande de crétins décérébrés. On est toujours mis dans le même sac que les gens avec qui on traîne. À tort ou à raison.

Il était rentré chez lui. Calypso n’était pas là. Il laissa tomber son sac sur le canapé et se dirigea vers les toilettes…où il s’assit par terre, le dos contre le mur, le coude posé sur le couvercle rabattu de la cuvette, son regard perdu dans les motifs stupides du rouleau de papier toilettes suspendu face à lui. Un sourire à la fois triste et ironique s’égara sur son visage tandis que ses yeux devenaient humides et que sa gorge se nouait : « T’façon j’sers à rien. J’suis une merde, un déchet. Donc ma place, logiquement, c’est dans les chiottes… »
Puis il commença, lentement, à dérouler le papier toilettes. Il était comme hypnotisé par les fleurs roses et blanches qui défilaient sans cesse sous ses yeux.



Déroule déroule déroule. Fleurs blanches et roses. À vomir. Déroule roule roule.

« Le p.q. c’est fascinant. C’est un peu comme la vie. Ça a l’air doux mais en fait ça gratte le cul. Ça a l’air infini, ça se déroule déroule déroule feuille après feuille, jour après jour, comme si ça allait ne jamais s’arrêter et puis… ça s’arrête. »
Il était au bout du rouleau.

La porte s’ouvrit. Il tourna les yeux vers l’intrus qui venait briser son hygiénique méditation.
Gueule de cadavre.
La porte se referma.

Il entendit de loin la voix du cadavre qui disait : « Y’a ton frère qui dévide du p.q. dans les toilettes. » Et Calypso : « Hein, quoi ? »
Les pas de Calypso qui approchent.

La porte s’ouvrit.
« Zack, qu’est-ce que tu fous ? ô_o
- Euh…. » Il contempla le tas de papier toilettes accumulé sur ses genoux sans plus comprendre pourquoi il avait fait ça.
« Tu devais pas aller au ciné ce soir ?
- Grumpf.
- Zack… t’as bu ? demanda-t-elle en chuchotant pour que Seth n’entende pas.
- ... un p’tit peu. »
Il avait avalé l’intégralité de sa fiole de whisky pendant qu’il déroulait le p.q.
« Allez viens, lève-toi. »
Elle le souleva avec peine puis l’entraîna jusqu’à sa chambre, tout en lançant à l’adresse du cadavre : « Seth ! Attends-moi dans le salon, j’arrive ! »
« Seeeeeth… articula Zack d’une voix pâteuse.
- Quoi ‘Seeeeeth’ ?
- J’l’aime pàs !
- Pff… Tais-toi et dors. »
Elle le laissa tomber sur son lit.
« T’as dîné ?
- Nan.
- Tu veux quelque chose ?
- Nan.
- Si. Faut que tu manges quelque chose sinon tu décuveras jamais.
- Humpf. Même pas j’suis bourré.
- C’est cela oui. »
Elle sortit de la chambre.
Zack se laissa aller à contempler le plafond. Il était blanc. Très blanc. Très très blanc. Très très très blanc. Blaaaaaaaaaaanc. Il pouffa de rire.
Calypso réapparut et lui balança un paquet de gâteaux.
« Oooooh ! s’extasia Zack. Des bichocooos ! »
Elle eut un vague sourire qui oscillait entre amusement, exaspération et tendresse.
« Je savais que tu refuserais d’avaler quoique ce soit d’autre que ces cochonneries.
- Cha, ch’est vrai ! » approuva-t-il la bouche pleine.


*

Oh non pas ça. Pitié pas ça.
Tapis dans son lit, essayant vainement de s’endormir, Zack avait soudain entendu un bruit de l’autre côté du mur, en provenance de la chambre de Calypso. Pitié pas ça. D’abord de petits gémissements de plaisir, puis des cris languissants et… Il serra les dents. Ne pas visualiser la scène. Se concentrer sur autre chose. Elle cria. Rester stoïque.
Il se mit à plat ventre sur son matelas, et fourra sa tête sous oreiller pour ne plus entendre. Calypso dans les bras d’un homme. Calypso dans les bras du cadavre… Yerk.
Il attrapa son iPod, enfonça les écouteurs dans ses oreilles et poussa le son à fond.



« Heart of Darkness. »

Il écouta la longue intro de guitare électrique, puis se concentra sur les paroles en tikhvine.

“You can't kill me. I am living inside you.
I am a part of your existence
Twisted thoughts in a twisted mind
Provoking you
Black is my heart - dark is my soul
My hatred I can not control
Evil seed growing stronger
Your freewill... Dying!
Inside you - heart of darkness
A part of you - heart of darkness
To deny me, is to deny yourself.
The illusion is dissolved
You are no longer in control
The facade crumbles - the transition is complete
...The transition is complete
Inside you - heart of darkness
A part of you - heart of darkness
I come to you in the night
I am your dark subconscience
I keep you awake, knowing
I am the heart of darkness”

Il traduisit mentalement « Tu ne peux pas me tuer. Je vis en toi. … Mon cœur est noir – mon âme est sombre. … Une part de toi. »
Je suis ta part d’ombre Calypso. Seul dans le noir, essayant vainement d’oublier que tu existes sans moi… Pathétique.

La peau de cette fille contre la sienne en l’absence de prise de plaisir immédiat.
Calypso s’était endormie. Plus précisément Calypso s’était plaquée contre lui, dans son dos, et s’était endormie. Il sentait les mouvements de sa poitrine qui se collait et se décollait au rythme de sa respiration. L’odeur ridiculement féminine de ses cheveux, le parfum envahissant de la literie lavée avec des produits bon marché. Ses mains abandonnées mollement autour de sa taille.
Inspiration. Expiration.
Il avait envie de vomir.

Il se dégagea difficilement du corps mou de la jeune femme qui grogna dans son sommeil. Lui décochant un coup d’œil dégoûté il s’assit au bord du lit et passa ses vêtements. Le réveil indiquait 5h24. Il respirait difficilement et un début insidieux de mal de tête venait concurrencer sa nausée. La semaine avait été interminable et parsemée de courtes nuits de 3 à 4h chacune environ, et, alors qu’il espérait enfin pouvoir se reposer un minimum, il se retrouvait…là. Il souffla et s’allongea de nouveau, à distance respectable de Calypso.
Inspiration. Expiration.

Amnésie.
***

L’absence de douleur, l’absence de pensée, le noir absolu. Seth émergeait lentement, reprenant difficilement conscience de ce qui l’entourait, de ce qui l’agressait. Il se sentait envahi d’une grande lassitude et le moindre de ses mouvements semblait lui coûter d’avantage qu’il ne pouvait donner. La lumière du jour filtrait sous la porte de la chambre.
Calypso n’était plus là. Il se surprit à en concevoir de la rancœur, comme s’il s’agissait d’un douloureux rappel de l’abandon d’Ambre…
Il se redressa lentement, jeta de nouveau un regard sur le réveil, 13h12.
« Oh pu-tain… »
Et se laissa retomber sur les draps. La seule idée de se lever pour réaliser que son portable devait d’ores et déjà être assailli d’une cinquantaine de messages constatant son absence matinale l’épuisait. Encore quelques minutes d’inconscience, d’irresponsabilité. Quelques minutes de normalité. Il avait l’impression étrange d’avoir de nouveau quatorze ans et de sécher les cours pour rattraper le sommeil d’une semaine de beuverie estudiantine insouciante.

« Ouais mais là faut qu’il se réveille… j’en ai marre de son téléphone qui sonne là…
- Chuut…Zack ferme-la !
- Ho ça va hein…t’as vu l’heure !?
- Il est fatigué…
- De quoi ? de corriger des copies genre !? »

Les voix du duo O’Graham venaient de briser douloureusement l’illusion. Seth se leva, se réajusta vaguement, et sortit dans le couloir, interrompant les jumeaux en plein débat.
« Je suis désolé…je n’avais pas réalisé l’heure. Tu aurais du me réveiller. » conclu-t-il à l’adresse de Calypso qui affichait pour Zack un air contrarié et accusateur. Il dépassa la fratrie sans plus de commentaire, saisit son téléphone abandonné dans son sac près du canapé, s’assit sur une des chaises de la cuisine et composa rapidement le numéro de Daniel.
« C’est moi… ouais je sais…ça va ! j’ai pas fait exprès je te signale…et t’avais qu’à bouger ton petit cul jusqu’ici si ça te posait des problèmes…hum…ouais ouais… t’as repris rendez-vous ?... hum…..hum… et Nefer ?... ouais okay je… HAAAAAAAAAAAAAAAAA ! »

Chose qui se frotte contre les jambes. Poils, griffes…griffes plantées dans le genou.

« BORDEEEEL DE MERDE ! C’est quoi cette putain de saloper…atchaa ! » hurla le septentrionin en envoyant valser, entre deux éternuements, la bestiole qui venait de s’agripper à son pantalon. L’animal atterrit en douceur, les oreilles plaquées en arrière, les pupilles rétrécies, il faisait face à son nouvel adversaire :
« MEEEEOOOOOOW !
- Casse toi ! CASSE TOI ! Atchaaa…raaah…dégage pourriture ! »

Un chat, il ne manquait que ça à cette fille… le tableau était complet…Seth recula précipitamment dans le salon, à la recherche d’un projectile pour assommer…assassiner…neutraliser cet immondice poilu.

NB :

Spoiler:

« Casse-toi ! CASSE-TOI ! Atchaaa…raaah…dégage pourriture ! »

Zack pouffa en voyant Seth s’énerver tout seul face à une malheureuse boule de poils. Calypso, quant à elle, affichait une mine presque amusée, mais manifestement décontenancée : encore une phobie ? Déjà qu’il n’enlevait jamais ses gants, même quand…

« T’aimes pas les chats ? lança-t-elle depuis la cuisine, ne pouvant pas intervenir parce qu’elle avait les mains prises par la vaisselle de la veille.
- J’suis allergique, bordel ! » répondit-il en essayant de contenir sa rage (et ses éternuements).

Il s’était ridiculement perché sur l’accoudoir du canapé, et jetait des regards noirs au chat qui, assis par terre juste en-dessous de lui, le regardait avec étonnement, ses grands yeux bleus écarquillés, la tête penchée sur le côté.

« Graaaou ! mima Zack. Quelle horriiiible monstre ! Quelle créature ô combien menaçante et diaaabolique ! » se moqua-t-il, goguenard.

Le regard noir de Seth changea de cible.

« Nan mais c’est vrai ! renchérit Zack. Il a l’air teeellement cruel è_é. Une vraie bête sauvage ! »

La main plaquée sur le nez pour ne pas respirer les émanations félines, Seth soupira. Il était visiblement énervé par les gamineries de Zack qui, lui, était ravi de voir que ses moqueries stupides avaient le don d’augmenter le degré de haine qui se lisait dans le regard du cadavre ; il fut d'ailleurs comblé encore davantage quand il vit l’énorme effort que fit Seth pour se calmer et demander presque gentiment : « Zack…tu veux pas dégager ton putain de chat ? =D »
Il lui avait demandé de l'aide. Victoire ! Zack, triomphant, lui lança un dernier sourire provocateur, puis alla simplement ramasser le chat pour le poser sur son épaule et le remporter vers la salle à manger en le grattouillant sous le menton.

« C’est bon tu peux descendre de ton perchoir. Y’ va pas t’bouffer. » conclut-il.
« Grmbl. » fut la seule réponse de Seth, qui finit quand même par quitter l’accoudoir du canapé.

Calypso sortit de la cuisine, s’essuyant les mains d’un torchon qu’elle posa sur le bar.

« Ça va ? T’as besoin de prendre un médoc antiallergique ou… ?
- Nan, c’est bon, trancha-t-il.
- Dac…Par contre… »

Calypso désigna le cellphone de Seth, qui gisait lamentablement à l’autre bout de la pièce – il l’avait éjecté en essayant de se dégager de l’emprise du chat.

« J’crois que t’as toujours Daniel au bout du fil :’) »