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 [Rétro - 3 ans] Ce sont les risques du métier [Gillingham]

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Ferial Grindwell

Ferial Grindwell


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MessageSujet: [Rétro - 3 ans] Ce sont les risques du métier [Gillingham]   [Rétro - 3 ans] Ce sont les risques du métier [Gillingham] EmptyDim 4 Avr - 20:08

3 ans auparavant –

Il est minuit, l’heure du crime.
Du moins, c’est ce qui se passe d’habitude. Mais cette fois-ci, c’est le crime qui est poursuivi.
Un homme courait dans les rues de Gillingham. Il avait traqué des dizaines de femmes dans les bas-fonds de la ville depuis des mois, jusqu’à aujourd’hui, où le chasseur est devenu la proie. Il avait égorgé toutes ces innocentes pour connaître l’extase d’une mise à mort contrôlée, pour savourer la disparition progressive de cette lueur qui symbolisait la vie dans leur regard.
Cela n’a pas été réellement difficile de le retrouver : cet homme était la maladresse incarnée et toute sa discrétion de tueur patenté avait volé en éclat dans les boucheries qu’il laissait dans son sillage. On avait retrouvé des traces de sang tout autour de la scène de crime, notamment des traces en formes de mains et de doigts, montrant bien qu’il ne tenait pas en place. Qu’il était fou à lier. Qu’il avait peut-être des remords.
Bref, cet homme était aussi visible qu’une tâche d’encre sur un morceau de papier vierge.

Voilà trois mois que Ferial avait rejoint le Bureau. Elle venait à peine d’avoir dix-huit ans qu’on lui demandait déjà de poursuivre des criminels et d’identifier des corps dans les ruelles insalubres du quartier nord de Gillingham. Mais cela avait été son choix. Elle voulait suivre St-John car il était désormais son seul modèle et elle ne se voyait pas faire autre chose de sa vie.
En résolvant des enquêtes, elle offrait aux familles des victimes de faire au moins leur deuil. En attrapant des cambrioleurs et autres petits voleurs à la sauvette, elle savait qu’elle oeuvrait pour la sécurité de tous. En arrêtant des trafiquants et des escrocs, elle ne pouvait que rendre service.

Il pleuvait, cette nuit-là. L’air ambiant était glacial le brouillard s’installait progressivement dans les rues environnantes. Ils risquaient de perdre définitivement sa trace s’ils ne faisaient pas plus attention, se disait Ferial, tandis qu’elle avançait presque à l’aveuglette. Quelqu’un marcha sur une bouche d’égout mal fermée et le bruit du fer retentit dans le silence de la ville endormie. Des volutes de fumée s’échappaient ici et là de cheminées et de tuyauteries dont on ne prenait plus grand soin.
Une usine désaffectée depuis quelques années était l’endroit idéal pour se cacher. L’intérieur était pareil à un labyrinthe, immense et obscure. Ferial arriva à l’une des portes réservées aux ouvriers et n’hésita pas à entrer quand elle aperçut une trace rougeâtre sur le battant en acier. Moins d’une heure auparavant, l’homme avait commis son dernier crime. Elle espérait l’attraper avant qu’une autre pauvre femme soit retrouvée les boyaux à l’air et la gorge tranchée.
Bien qu’étant seule, elle savait qu’elle pouvait compter sur St-John qui n’était pas très loin derrière elle. Se séparer permettait de couvrir une plus grande surface de recherche et d’avoir donc plus de chances de tomber sur le tueur. Pourtant, bien que Ferial connût les risques à encourir dans ce genre de situation, elle eut subitement un petit pincement à l’estomac qui ne lui disait rien de bon. Ce malaise qu’elle pressentît la déstabilisa légèrement et elle ne vit pas l’ombre se glisser derrière elle à pas de loup.
Le sifflement caractéristique de l’acier qui s’abat dans l’air la fit instinctivement réagir. Elle se retourna vivement pour découvrir avec horreur la lame dégoulinante de sang d’un couteau fondre sur elle.
Il y eut un cri. Un rire mauvais, puis frustré.
La jeune fille avait réussi à esquiver l’arme en se baissant juste à temps.
Désormais, l’homme qu’elle poursuivait n’avait plus peur de se faire attraper. Au contraire, il était ravi d’avoir une nouvelle victime sous la main.


Dernière édition par Ferial Grindwell le Lun 14 Juin - 13:45, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Rétro - 3 ans] Ce sont les risques du métier [Gillingham]   [Rétro - 3 ans] Ce sont les risques du métier [Gillingham] EmptyVen 16 Avr - 14:42

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MessageSujet: Re: [Rétro - 3 ans] Ce sont les risques du métier [Gillingham]   [Rétro - 3 ans] Ce sont les risques du métier [Gillingham] EmptyVen 23 Avr - 10:41

Il n’avait pas aimé. Un simple boulon n’avait rien de dangereux, et pourtant, le flot de sang qui s’était mis à couler sur le visage de cet homme lui indiquait qu’elle avait visé juste. L’arcade sourcilière, un endroit stratégique. Après qu’elle se fut enfuie, Ferial entendait les grognements furieux de l’homme derrière elle. Il la collait au train ! Elle courait et le bruit de ses pas dans le long couloir résonnait. Son souffle commença à manquer au bout de dix minutes, mais faire une pause dans une situation pareille n’était pas vraiment une bonne idée. Elle se maudissait de ne pas avoir pris l’arme que lui avait proposé St-John avant de débuter la poursuite. Certes, ses principes en auraient pris un coup, mais que pouvait-elle faire d’autre, si ce n’est se protéger ? Le pistolet aurait pu valoir toutes les autres vies que cet homme prendrait s’il n’était pas arrêté.
La jeune fille s’arrêta, haletante. Elle s’appuya sur le mur pour éviter de tomber de fatigue et se mit à réfléchir à toute vitesse. Un plan, il lui fallait un plan ! Avait-elle le temps de poser un piège avant qu’il n’arrive à son niveau ? Elle avait bien un filin aussi résistant que l’acier dans une de ses poches, mais elle ne voyait pas à quel endroit l’attacher sans que cela ne se remarque. Une ampoule clignota et une ombre passa. Ferial repris sa marche rapide. Elle déboucha dans une salle où des énormes réservoirs se suivaient en fil indienne sur toute la longueur de la pièce. Plongée dans le noir. Elle frissonna mais tint bon. Ce n’était pas le moment de flancher.
Des cliquetis et des raclements s’élevèrent dans l’obscurité. Ferial se crispa un peu plus et n’osa pas se retourner. L’avait-il déjà rattrapée ? Fouillant dans la poche intérieure de son grand manteau, elle en sortit une boîte d’allumettes, un carré en carton qu’elle déplia pour qu’il forme un petit récipient, puis une minuscule bougie qu’elle déposa dedans après l’avoir allumée. Même si ce n’était qu’une infime source de lumière, c’était toujours mieux que de devoir évoluer dans le noir, à l’aveuglette. Elle s’avança dans la salle. Une minute plus tard, l’homme était apparu dans l’encadrement de la porte. Il respirait bruyamment et l’un de ses yeux clignait de mécontentement. La rage de s’être laissé berner par une petite fille le faisait trembler violemment. L’image de ses mains se refermant sur son cou et de son couteau déchirant sa poitrine le traversa et il eut un rire nerveux. Il attendait ce moment avec impatience.
Il fit à peine un pas en avant qu’une énorme patte pleine de griffes le prit par l’épaule pour le ramener vivement en arrière. Il hurla.

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(ne rigolez pas svp)


Dernière édition par Ferial Grindwell le Lun 14 Juin - 13:45, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Rétro - 3 ans] Ce sont les risques du métier [Gillingham]   [Rétro - 3 ans] Ce sont les risques du métier [Gillingham] EmptyVen 7 Mai - 10:24

Tout allait très vite. Ferial enchaînait les couloirs sombres et se retournait à chaque fois que le grondement recommençait. Ses pas produisaient des échos tout aussi peu rassurants. La salle aux fûts de métal avait été pénible à traverser, mais au moins était-elle ressortie vivante de cette antre noire. Quelle idée aussi de s’aventurer dans une usine désaffectée aussi tard dans la nuit ! C’était le cadre parfait pour le meurtre parfait : éloigné des quartiers populaires, désert de toute présence tel qu’un gardien, par exemple, ou des policiers, qui auraient pu faire des rondes. Tous les inspecteurs de Gillingham avaient entendu parler de cette affaire, et de ce fait ils étaient tous sur le pied de guerre, avides de coincer le sadique qui courait dans leurs rues.

Ferial repensa au cri sourd qu’elle avait cru percevoir un peu plus tôt, un cri étouffé par les épais murs de béton et d’acier, alors elle n’était sûre de rien. Brusquement, elle s’arrêta, l’oreille tendue. Un autre hurlement venait de retentir dans le lointain. Elle venait juste de se convaincre de ne pas y penser, c’était trop bête ! Pour se donner un peu de contenance, il lui fallait évoluer dans un milieu moins glauque. Un générateur électrique se tenait justement à quelques pas, qu’elle rejoignit donc aisément. Elle ouvrit le boîtier et abaissa la manette. Et que la lumière fut !
Inondant désormais les couloirs qui se dessinaient devant la jeune fille, celle-ci avança plus sûrement, ayant repris du poil de la bête. Elle ne se doutait pas qu’il y en avait justement une qui la suivait de près… Rôdant silencieusement, la truffe au ras du sol, et malgré la lumière rétablie, toujours en quête de chair fraîche. En plus du retour de l'électricité, des mécanismes un peu rouillés s’étaient remis en marche, et ce fut un concert de roulis grinçants qui accueillit Ferial quand elle entra dans le hangar principal, assez énorme pour qu’on y entrepose deux paquebots.

Des chaînes tintèrent. Elle se retourna, haletante, les poings serrés. Non, il ne fallait pas qu’elle panique, elle reprit donc sa route, tout de même sur ses gardes. Ses sens étaient à un niveau d’alerte extrême. Chaque bruissement, chaque mouvement indistinct devenait suspect. La paranoïa n’allait pas tarder à l’emporter sur sa raison. C’était dans ce genre de moment qu’elle regrettait de ne croire en rien ; elle aurait pu s’en remettre au Créateur et prier, prier jusqu’à ce qu’elle se fasse tuer parce que de toute façon le mysticisme ne résout pas tous les problèmes, loin de là. Elle soupira et un grognement mauvais s’éleva derrière elle.
Ferial crut que son cœur allait lâcher quand elle découvrit l’ignoble bestiole en se retournant, bien campée sur ses quatre pattes, les babines luisantes de bave. C’était un curieux mélange de crocodile, dont la gueule caractéristique lui donna la chair de poule, de lion, avec la crinière épaisse qui lui entourait la tête, de serpent, avec la queue dont le bout reptilien fouettait l’air en sifflant méchamment, et de… d’autres trucs, en fait, mais qu’elle n’arrivait pas à déterminer. Dans tous les cas, la chose était carrément effrayante, et apparemment très affamée, bien malgré le… morceau qui restait coincé entre ses énormes dents. Un morceau qui avait tout l’air d’être un bras humain.

− Charmant.

La créature rua sans crier gare.

− Oh, purée !

Ferial fit volte-face, mais elle se sentait tellement gauche qu’elle ne fut pas surprise de sentir le souffle nauséabond du monstre dans son cou. Elle eut juste le temps de rejoindre une écoutille, heureusement à deux mètres d’elle, qu’elle referma vivement derrière elle, manquant de peu d’y coincer une jambe au passage. Un bruit sourd fit vibrer la porte en métal, lui signalant que la bête n’avait pas eu le temps de freiner. Elle se mit à rire nerveusement. Quelle merveilleuse soirée elle passait !
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MessageSujet: Re: [Rétro - 3 ans] Ce sont les risques du métier [Gillingham]   [Rétro - 3 ans] Ce sont les risques du métier [Gillingham] EmptyLun 14 Juin - 14:59

L’endroit était sombre et étroit, uniquement éclairé par une ampoule rouge qui clignotait irrégulièrement. La vision de Ferial finit par s’habituer à l’obscurité au bout d’une minute ; elle était restée immobile, le dos calé contre le mur, à respirer lentement pour ne pas se laisser envahir par la peur. On aurait dit qu’elle se trouvait dans une sorte de pièce de contrôle, car il y avait des panneaux et des manettes sur une bonne partie de sa surface. En remontant un peu plus le regard, la jeune femme aperçut une petite échelle qui devait certainement amener à une passerelle annexe. Voilà une unique chance de sortie ! Comme le monstre qui la poursuivait bloquait l’ouverture principale, elle n’avait pas vraiment le choix.
Prenant son courage à deux mains, Ferial se précipita sur l’échelle et y monta vivement. À peine un mètre cinquante plus haut, elle se heurta à une trappe qu’elle ouvrit d’un coup de poing assuré (heureusement qu’elle n’était pas verrouillée, sinon bobo la main). Cela fit du bruit mais elle ne s’en soucia pas. Rapidement, elle fut sur la passerelle, mais quand elle commença à avancer, une voix s’éleva soudain, la faisant alors sursauter.

− Ah, Ferial, te voilà enfin !

La jeune femme reconnut immédiatement la voix de son très estimé tuteur ; le soulagement détendit ses épaules crispées. Elle se tourna et vit une silhouette familière sur une autre passerelle, en face de la sienne, cependant elle était en contre-jour car elle se tenait devant un couloir fortement éclairé. Mais c’était bien St-John.

− Je peux savoir où tu étais passée ? Je t’avais dit de ne pas prendre d’initiatives sans mon accord.
− Désolée, cria-t-elle pour toute réponse.
− Pas le temps de l’être ! La créature a attaqué notre homme. Sois le pour lui en fait.
− Où est-il ? J’imagine qu’on ne peut pas espérer qu’il soit vivant ? demanda Ferial, mais tout à coup un choc violent fit trembler sa passerelle et elle ne put que se retenir in extremis à la barre de sécurité pour ne pas passer par-dessus bord.

En bas, la chimère était toujours là et sa fureur ne faisait qu’augmenter à la mesure de son impatience. Ferial l’observa un instant en train de tourner en rond, comme un lion dans une arène qui attend qu’on lui envoie une proie, puis son attention se reporta sur St-John.

− Il faut absolument qu’on la neutralise, lui fit-elle savoir.
− Tu crois que je ne m’en doute pas ? Si cette chose parvient à s’échapper de cette usine, les rues de Gillingham seront encore plus dangereuses qu’à l’accoutumée !
− Vous exagérez…
− Moi ? Jamais ! Allez, on se retrouve dans les couloirs de l’aile ouest. Suis les gouttes de sang !

L’agent disparut aussi discrètement qu’il était apparut… laissant une Ferial légèrement interdite face à une telle situation. Elle se reprit vite puis soupira. Il fallait qu’elle redescende… fantastique ! Ce faisant, elle parvint à trouver un chemin qui contournait le hangar central. La jeune femme se mit à courir comme une dératée.

Quelques minutes plus tard, Ferial arriva dans l’aile ouest. Durant sa petite course forcée elle avait croisé un plan de l’usine qui lui avait permis de se repérer plus facilement. Enfin, elle savait où elle allait ! Mais très vite d’autres indices lui avaient révélé qu’elle était sur la bonne voie : les fameuses gouttes de sang, qui grossissaient au fur et à mesure qu’elle approchait du but. Bientôt, l’une de ses bottes trempa dans une flaque rougeâtre. Ferial déglutit et fit une grimace tout en secouant machinalement son pied salie. OK, elle allait devoir s’en racheter une autre paire… Dommage, celle-ci avait tenu pourtant si longtemps !
Un gémissement rauque attira subitement son attention. Leur homme était à moitié allongé sur le sol un peu plus loin, le dos appuyé contre le mur et apparemment très très mal-en-point. En se rapprochant, Ferial découvrit d’où provenait tout ce sang : le bras droit de l’homme avait été arraché. Des lambeaux de chair pendouillaient misérablement en même temps que des morceaux de tissu de sa veste. L’odeur de la mort l’entourait et ses plaintes faibles furent pris en pitié par la jeune femme. Parvenue à son niveau, elle s’accroupit pour prendre le pouls à son poignet gauche. Le rythme cardiaque était faible… Rien ne pouvait plus être fait pour le sauver.
Durant une seconde, Ferial crut penser qu’elle était très contente de ça. De la mort d’un tueur en série, qui avait forcément mérité un sort pareil. Elle secoua la tête pour chasser cette idée et c’est là que le grondement si caractéristique revint.
La bête était revenue achever sa proie.

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MessageSujet: Re: [Rétro - 3 ans] Ce sont les risques du métier [Gillingham]   [Rétro - 3 ans] Ce sont les risques du métier [Gillingham] EmptyJeu 17 Juin - 14:41

Dans un élan irréfléchi, Ferial saisit le couteau de l’homme et se releva vivement. Son cœur battait à toute allure et ses mains tremblaient légèrement, mais cela ne suffit pas à la faire flancher. St-John lui avait dit qu’il la retrouverait ici, alors que faisait-il donc ? Est-ce qu’elle se sentait capable de mener la bataille sans lui ? La jeune femme prit une profonde inspiration puis fixa plus intensément la masse énorme qui se traînait vers eux. Elle sortait lentement de l’ombre tout en grondant, les babines dégoulinantes de bave et de sang (Ferial crut sentir même son haleine de chacal alors qu’elle était à plus de cinq mètres du monstre).
Tout à coup, toutes les lumières du couloir s’allumèrent. Quelqu’un avait sans doute abaissé le levier d’alimentation du système électrique, et ça ne pouvait qu’être St-John. Ferial soupira, mais y voir plus clair ne l’aidait pas à trouver une solution au problème de la créature. Elle ne semblait même pas gênée par la soudaine clarté ambiante.
« Bon, pourquoi est-ce qu’elle avance aussi lentement… Il y a quelque chose de bizarre… » se disait Ferial tout en se dandinant sur place, nerveuse.
La jeune femme finit par comprendre que la chimère avait également été blessée… certainement par un coup de couteau, elle ne voyait que cette possibilité. Dans l’attaque, la victime avait réussi à toucher son meurtrier.
« Eh bien il aura été au moins héroïque une fois dans sa vie. »
Un liquide noir coulait d’une plaie sur l’une des pattes. Cela ralentissait la bête mais elle finirait bien par atteindre son but.
« Réfléchis, réfléchis… ! Chaque détail compte. »
Chaque détail. Le regard de Ferial s’arrêta un instant, alors qu’elle était en train d’examiner le terrain avec attention. Le couloir faisait près de deux mètres de largeur et dix fois plus en longueur ; de longs câbles traînaient par terre, sur un sol de béton, et des tuyaux filaient sur les murs. Il n’y avait pas de fenêtres, aucune ouverture, juste des grilles d’aération et des ampoules sans protection au plafond.
Ni une ni deux, Ferial se précipita vers le tuyau le plus proche (et à sa portée) et y enfonça de toutes ses forces le couteau. Mais contre toute attente… rien ne se produisit. La jeune agent failli jurer.

− Non, non ! Il aurait dû contenir…

Elle demeura un instant pensive avant de reprendre, essayant de se convaincre elle-même qu’elle avait bien compris ce qu’elle avait vu sur les plans de l’usine.

− Ils sont vides parce que cet endroit est désaffecté... Oui mais non, il en reste forcément, même après tant de temps… Ou alors…

Elle se retourna brusquement et constata que son raisonnement n’était pas si stupide. La bête derrière elle continuait d’avancer, lentement mais sûrement, traînant sa patte blessée derrière elle. Elle grogna quand elle vit Ferial se mettre à courir loin d’elle, mais pour s’arrêter seulement juste un peu plus loin, devant un schéma de tuyaux plus compliqués. La jeune femme posa sa main sur la valve rouge qui servait à la fermeture et à l’ouverture des conduits. Sans plus se poser de questions, elle le tourna jusqu’à ce qu’un bruit de « pshiiit » caractéristique lui indique qu’elle venait de réussir.
Comme le système de tuyauterie n’avait pas été entretenu depuis quelques années, certaines artères étaient bouchées par la crasse et la poussière. Ce qui devait arriver arriva, car lorsque le crocodile mutant fut sur le point d’atteindre le meurtrier allongé par terre, l’une d’elles explosa soudain. Un gaz blanc surgit de toutes les fissures qu’il pouvait y avoir et se forma en nuage autour de la créature hurlant sa rage. Ferial entendait également une sorte de pétillement et des craquements provenir de ce nuage au contact de la chimère. Son cœur allait presque jaillir de sa poitrine tellement l’angoisse la tenaillait, mais elle tint bon en serrant la valve dans ses mains, dans l’attente du résultat.
Cela mit un certain temps avant que le nuage gazeux ne se dissipe complètement. Il s’agissait d’un gaz de refroidissement appelé Nitrogen. Il servait à maintenir la chaleur des fours à fusion en dessous d’une certaine température, car très vite celle-ci pouvait monter à une vitesse ahurissante et provoquer ainsi de nombreux dégâts dans la machinerie en général.
Les cris du monstre étaient désormais plus douloureux et plaintifs. Bientôt ils vacillèrent et disparurent sous la pression du gaz qui s’échappait, mais aussi sous la dureté de son contact qui gelait les chairs. Ferial ne put s’empêcher de frissonner en pensant que si elle avait été plus près, elle aurait pu aussi être touchée. Mais heureusement…
Une sensation de picotement la détourna du spectacle.
Son souffle se bloqua dans sa trachée et ses yeux s’écarquillèrent d’horreur. Il n’y avait pas que des fuites dans les tuyaux qui couraient sur les murs, mais également sur ceux qui se tenaient près de la valve même. Elle découvrait que deux de ses doigts, l’annuaire et l’auriculaire plus exactement, étaient collés à la valve par le Nitrogen. Le reste de sa main n’avait pas été atteint, étrangement, mais cela suffisait pour que la panique reprenne le dessus. Elle tourna la tête pour éviter de s’évanouir, parce qu’en essayant de tirer juste une fois, elle avait vu sa peau s’étirer et pourtant rester collée au métal.
Maintenant elle observait de nouveau le monstre emprisonné dans la glace, puisqu’une fine pellicule s’était formée sur tout son corps de saurien gigantesque. Elle devrait donc être contente, mais il n’en était rien, elle n’arrivait pas à se réjouir d’avoir été prise à son propre piège.
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MessageSujet: Re: [Rétro - 3 ans] Ce sont les risques du métier [Gillingham]   [Rétro - 3 ans] Ce sont les risques du métier [Gillingham] EmptySam 26 Juin - 19:48

J’avais de plus en plus froid. Mon souffle était de la vapeur glacée et la douleur pourtant était comme une brûlure. Elle rampait de ma main vers mon bras et m’engourdissait littéralement.
Mais il avait bien fallu vaincre le Mal par le mal. C’était comme ça dans ce métier, toujours tout faire pour arriver à une fin heureuse. Non mais là franchement, je ne la voyais pas la fin heureuse, à part peut-être qu’il n’y avait plus aucun risque pour les Gillighans de se faire dévorer par un monstre du Nexos et aussi de se faire trucider par un sociopathe dont je ne connaissais même pas le nom. St-John n’avait pas voulu me le donner, prétendant que ça aurait « changé » ma vision de cet homme… Que ça l’aurait humanisé, d’une certaine manière. Puisque ce type était également un monstre, il fallait tout faire pour que je le voie uniquement de cette façon. Quitte à me cacher des choses. Mais là encore c’était l’apanage de l’agent secret : garder les secrets bien au chaud dans la marmite bouillonnante du mensonge.
Je n’arrive pas à voir le monde comme eux. Je n’arrive pas à me faire à l’idée qu’il est rempli de gens peu scrupuleux, d’assassins, d’escrocs, et j’en passe… C’est peu être un peu naïf de penser ainsi, mais apparemment ce boulot va me « former », me « renforcer », et surtout, je ne serai plus aveugle sur la réalité cruelle. La vie est un théâtre dont nous sommes tous les acteurs ; chaque acte, chaque scène, c’est à nous de les créer et de les monter. Et moi dans tout ce joli panel de comédiens, je tente aussi de jouer un rôle clé qui pourrait bien m’amener à découvrir une certaine vérité… Un jour.

La douleur lancinante de mes doigts gelés me rappelle où je suis à présent. Dans un couloir, à côté d’un mort et d’une créature emprisonnée dans la glace… Ça c’est ce que j’appelle une sacré situation.
Il avait dit qu’il serait là… Il est comme tous les autres, un menteur dont je ne veux pourtant pas voir les beaux mensonges…


− Ferial… Ferial !

Mais la jeune fille s’était affaissée contre le mur, respirant bruyamment car au bord de la crise de nerfs. Elle ne voyait pas la silhouette si familière courir vers elle. Elle le sentit juste quand il la saisit par derrière et presser sa main sur son bras bloqué. La vision de Ferial était floue. Elle se raccrochait plutôt à la présence de St-John, qui s’agitait tout autour d’elle en criant des tas de phrases qu’elle ne saisissait pas vraiment sur l’instant.

− Désolé, désolé, j’étais coincé dans la salle de contrôle principale, là où il y a les générateurs. On n’y voyait rien à un mètre devant soi dans ces fichus couloirs, il fallait bien que je remédie à ça ! Bon alors, je vois que tu as pu arrêter le crocodile mutant… Well done ! … Attends une seconde…

Il tournait autour d’elle en l’examinant sous toutes les coutures, jusqu’à ce que son regard s’immobile sur la main blessée de sa protégée. Il demeura un instant la bouche ouverte, les yeux légèrement écarquillés, puis finalement il s’agita de nouveau après avoir rapproché un peu plus son nez des doigts gelés. Il paraissait perplexe, tandis que Ferial restait l’air lointain.

− Ooooh… Mais qu’est-ce que tu as fait pour te faire ça ? Non, non, ne dis rien, je veux deviner tout seul, c’est plus marrant (il sembla pensif quelques minutes avant d’ajouter : ) … Bon, réflexion faite, il faudra vraiment que tu me dises ce qui s’est passé ! Alors… Décollons tout ça, tu veux bien ?

Il n’attendit même pas qu’elle réponde à l’affirmative qu’il avait déjà posé ses mains sur la sienne. Sans prévenir, il tira brusquement et un hurlement suraigu sortit de la gorge de la jeune agent prise au dépourvu. Quand enfin elle fut libérée, ils partirent en arrière tous les deux et se retrouvèrent au sol. Dans l’effort, Ferial venait de perdre la peau de ses doigts, restée sur la valve comme la mue d’un serpent. Le Nitrogen avait cristallisé la circulation sanguine de sa main et donc il n’y avait pas eu de perte de sang… C’était déjà ça.
St-john s’empressa de se relever, en aidant au passage la jeune fille qui semblait toujours ailleurs. Elle vacilla soudain et son tuteur parvint à la rattraper à temps avant qu’elle ne s’effondre.

− Je n’ai pas la carrure pour faire un tel métier ! Je ne suis qu’une orpheline mal dans sa peau et angoissée, qui croit qu’elle va finir dans les mines du nord avec les trolls ! Parce que ceux qui n’ont plus de famille sur laquelle compter ne sont bons qu’à servir de bétails à la patrie…
− C’est cet esprit que j’apprécie chez toi, Ferial. Ce sont ces mots qui te définissent et qui font de toi une personne très importante.

Je m’étais tournée, pour ne plus le voir.

− Ce que vous dites n’a vraiment pas de sens… Non, en fait, ce sont de belles phrases, que la plupart des adultes tel que vous sortent aux jeunes naïfs telle que moi.

Nous étions dans le dortoir où je dormais, en ce temps-là, dans cet orphelinat qui était devenu mon unique foyer. J’avais quinze ans, et lui paraissait avoir déjà vécu mille vies, malgré la jeunesse de ses traits, mais pas la vieillesse de son regard las. Il m’avait laissée m’exprimer sans me réprimander, à ma grande surprise, parce que souvent les claques volent quand nous ne tenons pas notre langue, nous, les pupilles de l’Etat. Surtout quand on est dans un orphelinat du nord, la zone du bas peuple, le territoire des ouvriers qui ne voient pas leurs journées de travail défiler.
J’avais croisé les bras autour de moi, car un frisson m’avait parcouru le dos en repensant à ce quartier qui avait été jadis le mien. Plus rien ne m’appartenait désormais. C’était plutôt moi qui était devenue un objet que l’on pouvait manipuler et employer à volonté. Aucune protestation, aucune rébellion n’étaient à concevoir.
Une main s’était soudain posée sur mon épaule. Ma tête avait basculé vers lui pour que je puisse le regarder. Son expression était si emplie de compassion que je fus bouleversée. N’était-ce pas plutôt de la pitié ?
Non, j’avais envie de le croire. Qu’il parle ou qu’il agisse, chacune de ses actions, chacune de ses paroles, j’avais l’impression que tout était vrai. Il n’y avait pas de faux-semblants imprimés sur le visage de cet homme.
Il n’était pas comme les autres.
Aucun mot de sa part n’avait réussi à me faire changer de comportement à son égard, seule la lueur d’espoir brillant dans ses yeux avait suffi. J’avais besoin de lui dire sincèrement : « j’ai confiance en vous, ne me laissez pas pourrir ici » mais ça n’est jamais sorti. Il l’a compris tout seul.



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Ferial Grindwell

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MessageSujet: Re: [Rétro - 3 ans] Ce sont les risques du métier [Gillingham]   [Rétro - 3 ans] Ce sont les risques du métier [Gillingham] EmptyLun 6 Sep - 14:30

Ferial et St. John, qui la soutenait, avançaient rapidement dans les rues lugubres du quartier. À un moment, ils bifurquèrent dans un passage et se retrouvèrent dans une petite cour qui bordait un institut médical désoeuvré. Une sorte d’hôpital pour les pauvres que de généreux mécènes avaient fait construire afin d’apporter un minimum de soins aux gens défavorisés. Il servait à tout : la section chirurgie côtoyait la section psychiatrique, alors quand les deux agents franchirent le seuil, ils durent se frayer un chemin entre les patients et les fous pas assez dangereux pour être enfermés déambulant dans les couloirs.
L’endroit était sombre et assez sale, car surpeuplé, puisque le nombre de pauvres gens était bien conséquent à Gillingham. L’exode rural explosait et le gouvernement n’en finissait plus de voir arriver les petites gens de la campagne, en quête d’un travail. D’une vie plus riche.
S’étant habituée à la douleur lancinante de ses doigts blessés, Ferial avait observé tout ce petit monde. Cela lui rappelait un livre d’angoisse qu’elle avait lu, il y a quelques mois de ça ; elle aurait presque pu voir des petites filles courir dans le couloir, habillées d’une robe blanche à crinoline, tâchée de sang… Elles riaient à gorge déployée, chacune avec un os humain dans la main… Ferial frissonna.

− Tu veux qu’on s’arrête ? s’enquit aussitôt son tuteur.
− Non, ça va. On y est presque de toute façon.

À ces mots, une porte à proximité s’ouvrit brusquement, dévoilant un homme d’âge mûr, ses rares cheveux blancs en bataille et de petites lunettes rondes posées sur son grand nez de rapace. Il s’immobilisa dès qu’il vit St. John et sa protégée dans les bras, la mine pâle. Il cligna des yeux plusieurs fois pour bien se rendre compte de leur présence, puis se décida enfin à dire quelque chose.

− Venez, venez ! dit-il en leur indiquant d’un geste l’intérieur de son cabinet. Il ne faut pas rester ici.

Quelques minutes plus tard, Ferial était assise sur une table en métal et se faisait examiner les doigts par le fameux médecin aux allures de fou. Elle se prit à croire qu’il était en fait l’un des patients et qu’il se faisait passer pour un docteur rien que parce qu’il portait une blouse blanche. Remarquant la circonspection briller dans les yeux de sa filleule, St. John tenta de la rassurer en lui prenant son autre main.

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− Booon, fit le médecin au bout de quelques minutes d’examen, le diagnostic est clair. Vos doigts s’infectent trop vite pour qu’on puisse les soigner. Il va falloir amputer.

Ferial ouvrit la bouche et les yeux d’horreur tellement vite que St. John ne put s’empêcher de pouffer en silence (pour ne pas l’offusquer). Il lui tapota ensuite l’épaule, compatissant face à cette douloureuse annonce. Le choc était tel qu’elle ne fit pas attention à sa force : sa main écrasa celle de son tuteur qui émit un hoquet de douleur en sursautant.

− Docteur, je crois bien que vous ne deviez couper la mienne également, souffla-t-il après que la jeune fille l’eut enfin lâché.

Le vieil homme demeura stoïque, trop concentré dans le choix des outils qui serviront pour l’opération. Sa jeune patiente s’était laissée aller contre l’épaule de St. John, aussi pâle qu’une poupée de porcelaine. Son souffle irrégulier trahissait son angoisse, et pourtant elle se devait de rester calme, car elle ne pouvait éviter ce qui allait se passer. Elle ne pouvait éviter de perdre une partie d’elle-même, une partie qui se gangrenait au fur et à mesure que les minutes s’écoulaient. Le médecin émit un soupir de satisfaction quand il eut finalement réunit tous les instruments nécessaires. Il se tourna vers Ferial pour lui signifier que l’opération débutait, n’ayant même pas pu l’anesthésier préalablement car certains produits manquaient.

− Je ferais vite, lui assura-t-il.

Ferial ferma les yeux.

*

Comme promis, l’opération se déroula en quelques minutes, juste assez cependant pour que Ferial ressente chaque sensation et que ça la marque à jamais.
Ils quittèrent l’hôpital aux lueurs du nouveau jour qui s’annonçait. St. John emmena sa protégée sur une colline qui donnait une vue impressionnante de Gillingham, et où avait été aménagé un petit parc paisible, loin du brouhaha de la ville qui s’étendait au-dessous. Une fois arrivés là-haut, ils s’installèrent sur un banc qui leur offrait cette vue. Le parc était désert, une profusion de buissons fournis, d’arbres anciens et avec un carrousel qui bordait l’un des versants.
Ferial regardait fixement sa main bandée quand St. John prit la parole, brisant le silence.

− Tu es capable de vivre avec cela. Ce n’est pas une perte inutile.

Elle laissa retomber sa main, la tête baissée.

− Vous essayez de me faire comprendre que je serais obligée de faire de lourds sacrifices dans l’avenir ?
− C’est malheureusement le prix à payer si on veut faire le bien autour de nous. Mais cela ne veut pas dire que tu devras forcément le subir à chaque mission. Cela peut juste arriver, et parfois quand on s’y attend le moins.

La jeune fille tourna la tête vers lui et le dévisagea de ses grands yeux bleus cernés.

− J’ai besoin de vous dire que ça ne me plaît pas, et que je pense sérieusement que je ne pourrais jamais me faire à cette règle stupide.
− La vie est ainsi faite. Je serais là pour t’aider à t’y habituer.

Il lui offrit l’un des sourires les plus sincères qu’il ait fait jusque-là. Et Ferial voulut bien le croire.


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