Juste le plaisir d’être assise côte à côte avec mon frère, sur la colline. C’était un de ces soirs de juin où le jour, longtemps après le coucher du soleil, s’éternise comme un enfant engourdi qui veut veiller tard. L’air était doux et chargé de parfums, le printemps n’était pas fini. Autour de nous, la campagne était silencieuse, traversée de vols d’oiseaux, de bruissements, du ronronnement lointain d’un moteur sur la route.
Dans le ciel en face de nous, là où le soleil s’était couché en abandonnant une lueur jaune et bleu clair dans l’indigo, un avion passa en traçant un sillon rose très intense. Zack, les yeux fermés, inspira un grand coup, puis expira sereinement. Il regarda un moment le paysage immobile.
« Tu vois, dit-il, quand on est ici, je me demande vraiment à quoi ça sert. Je veux dire : la Citadelle, le bruit, les gens, tout ce bordel – même le cinéma. C’est tellement… superflu. »
Il y eut une légère brise qui me fit frissonner.
J’étais plutôt d’accord avec les considérations de Zack : même si pour moi la Citadelle était synonyme de mondes virtuels et d’amitiés singulières, j’étais parfois lassée de son agitation. Mais lui, il était encore fragile.
Zack n’avait ‘trouvé sa voie’ avec le cinéma que depuis une courte année. Et je reconnaissais avec inquiétude, dans ses interrogations sur la Citadelle et la superfluité du cinéma, les doutes qui avaient auparavant baigné sa dépression. J’hésitai à répondre.
Il fit un mouvement de la main pour désigner la vue qui s’étendait sous nos yeux.
« Sérieusement, c’est beau tout ce silence. »
Je souris.
« Peut-être que c’est ça que tu devrais filmer ? »
Il me jeta un coup d’œil intrigué, puis hocha la tête doucement.
« Peut-être bien. »
Au loin, un rapace fondit sur les champs de blé mûr.