De quoi je me rappelle exactement ?
Bah ... J'en sais rien moi !
Je suis tombé dans l'eau ... Je me suis débattu comme un beau diable ! Et ... euh ...
Ah oui ... après il y avait cette sensation très désagréable ... Très oppressante .. Celle que l'on a quand il n'y pas plus d'air dans ses poumons. Comme dans l'enfance, où l'on s'amuse bêtement à expirer tout ce qu'on a et compter les minutes que l'on tient sans cette substance invisible et pourtant vitale.
Et puis qu'est ce qu'il y avait encore ? ...
Ce goût affreusement salé, d'eau de mer qu'on a trop avalée... Arg...
Le plus drôle avec l'eau de mer, c'est que plus on en boit plus on a soif d'eau pure.
Ensuite... Le remous des vagues, le sable qui rentre dans les vêtements... Et le trou noir...



Qu'est ce qui s'est passé après ?
Je me souviens juste que le sable sec collait à mon visage humide... Et ces cheveux qui deviennent aussi rigides que de la paille quand l'air les assèche.
Des bruits de pas assourdis par les étendues de grain de roche, il y a bien longtemps broyée... ça fait un bruit assez étrange quand on a l'oreille plaquée sur le sable.
Des voix que je n'entends quasiment pas, mais je sais que ça parle de moi.
Et puis la sensation d'un corps lourd qu'on extrait du sol, mais qui inconscient ne fait rien d'autre que de glisser à cause de la gravité.

On parle. On parle de ce que je suis : un pirate... Eh oui, j'y suis habitué. Mais je suis habillé à leur mode après tout.
De la chance ? Ou pas... Qu'est ce qu'on va faire de moi ? ... Les autorités... Je serais jugé pour mes crimes... Les quels au juste ? D'être né sur les flots ? Être né Pirate ? S'être enfui d'un bateau devenu trop petit pour moi ? Qui de surcroît me détenait en tant que prisonnier de fortune !
Quelle justice !

On parle encore. Je suis apparemment trop jeune pour périr en prison mais assez hardi pour écoper d'une peine aux travaux publiques... Bah... ça changera pas de mon ancien statut non ?

On me secoue, me balance... une sorte de bidule en bois et ça avance...
Mes paupières, je n'arrivais pas à les ouvrir... Ou du moins pas pendant un bon moment... Pas après un autre trou noir.
Le voyage a dû être long parce que l'épaule sur laquelle mon corps entier s'affalait m'était extrêmement douloureuse.
Je savais pas vraiment dans quoi j'étais, mais tout ce que je sais c'est que c'était étroit, petit ... Et que j'aimais pas ça.
Reprenant quelques forces, les yeux toujours fermés. Volontairement cette fois.
Je veux partir, m'évader, sentir l'air frais du soir qui venait de tomber.
A quoi ça servait de s'être échappé d'un navire au péril de sa vie pour être de nouveau condamné à faire je ne sais quels travaux pour le bien d'une communauté qui m'est encore étrangère ?

Le véhicule s'arrête, enfin !
Arrivé à destination ? Apparemment...
La lumière d'une ville pénètre dans la cellule ambulante dans laquelle j'étais enfermé. Et avec cette lumière, un léger vent.
A ce moment là, j'ai pris une grande inspiration, j'ai fait un bond, me retrouvant sur pied en moins de deux.
Le visage de mon livreur montre une stupéfaction soudaine, ne s'attendant pas à voir le noyé réagir si promptement.
Une impulsion, un visage écrasé, les gens qui, surpris, se précipitent, quelques esquives, des coups de point lancés dans le vide bref une confusion un peu chaotique et ...

Là ? Maintenant ? Tout de suite ? Moi à croupi et les coups pleuvent.
On s'y met à 2 puis à trois ... Je n'arrive plus à compter. Tant pis, j'aurais eu le mérite d'essayer ... Je sais qu'ils n'arrêterons qu'une fois leur rage passée, alors je laisse passer... Mais....

Ezechiel, vingt deux ans, un fessier à damner un saint, et pourtant une tendance à luxure frôlant le néant. Quel changement. Imperturbable, il trace sa route dans les rues sinueuses de Sperandei Azura, ses semelles martelant le sol avec disgrâce. Il se sent agacé de troubler la quiétude des lieux. Il s'arrête donc, et laissant ses paupières s'entrouvrir pour contempler le clair de lune, il soupire.

Un long soupir, un de ceux qui explique qu'il est désabusé, que la vie n'apportera plus rien à ce jeune homme ivre de souffrance solitaire. Il glisse son doigt le long d'une de ses longues mèches ébène, et se maudit de se laisser aller à la mélancolie. Son coeur est dur, mais son ennui l'éveille en quelques sortes.

- " Hé ma jolie ! Reste pas là, et rentre vite dans les jupons de ta mère !"




Pardon? Est-ce à lui qu'on s'adresse? Il lance un regard vide à l'inconnu qui a osé l'apostropher d'une façon aussi grossière. De son sac besace, il sort lentement son mousquet, et le nettoyant du bout de ses empreintes digitales, il contemple la scène qui se présente à ses yeux. Un adolescent qui se fait manifestement rouer de coups par des hommes plus proches de l'animal que de l'humain. .. Il s'en fout. Complètement. Mais s'il avait eu la malchance d'être doté d'ovaires, il l'aurait su. Et la méprise de l'individu ne lui plait pas. Il se tourne vers eux, jette une seconde fois un long soupir d'ennui. Et tire dans le tas.


Bêtement, à croire qu'il aurait voulu qu'ils répliquent et qu'ils mettent un terme à sa vie inutile. Cependant, les trois n'étaient pas armés, ils ont décampé, laissant l'adolescent sur le sol. Agonisant? Pour vérifier, Ezechiel s'en rapproche et lui donne un léger coup du bout du pied.

Un long gémissement lui répond.

Le gémissement du jeune adolescent mortifié, semblait ne pas être dénué de sens.
Il disait quelque chose ... D'incompréhensible certes mais bien quelques paroles ...

Ezechiel, une fois assuré que l'autre n'avait pas succombé sous les coups, se fichait éperdument du reste de l'affaire.
Les paroles dites ? Sûrement un remerciement, une supplication ... Que sais-je ...

Mais c'était vraiment inaudible et c'est parce qu'il n'entendait pas les véritables mots employés par le malheureux qu'il se pencha légèrement pour essayer de capter le sens de sa phrase.

Le gémissement recommença, un peu plus clair, mais toujours inaudible.
Il se baissa encore un peu et entendit ...

Une phrase, des mots, des sentiments, des expressions, de la volupté, de la souffrance, de l'elégance. La parole pouvait transmettre toutes sortes de choses. C'était le point de vue d'Ezechiël. Mais un simple "j'ai faim", ne l'intéressait pas. Se redressant, il commença à quitter les lieux, comme si le tracas de l'estomac du rouquin pouvait lui faire quelque chose. Il était en quelque sorte outré. La scène manquait de classe, et il avait horreur de ça. Caprice d'esthète sans aucun doute. Mais il aimait le beau et le sale, pas le pathétique et quotidien. Il entendit des pas derrière lui. Visiblement l'individu le suivait. Il ne dit rien le temps d'arriver en face de son immeuble puis, agaçé, il finit par se tourner vers le garçon.

-"Qu'est-ce tu me veux ? "

Son regard s'intéressa enfin à l'adolescent qu'il venait de secourir par mégarde. Svelte et rouquin, il aurait pu le définir par ces deux mots. Sérieusement amoché aussi. Mais il n'était pas de ceux qui tendaient la main. Il préférait rester seul, et se concentrer sur lui-même. Ou alors sur Esmeralde.

Elle devait déjà l'attendre, l'heure du repas était passée depuis bien longtemps. Et il s'inquiéta en songeant au fait qu'elle ait pu aller en quête de nourriture, elle-même. Pourquoi s'occupait-il de sa sœur ? C'était une bonne question, Ezechiël prétendait qu'il lui devait. Mais au fond, c'est qu'il ne pouvait pas se passer d'elle. Même si son esprit était absent, Esmeralde était le genre de fille qui dégageait une aura. Alors il chérissait les rares moments de lucidité qu'elle avait. Elle l'observait, douce et calme, et murmurait une phrase compréhensible. Il dardait ses yeux ébène sur elle, la poitrine battante d'émotion. Et pendant peu de temps, ils redevenaient, Eze & Esme. Lui se prenant au jeu pour lui faire plaisir, espérant sans doute que ce moment soit éternel. Ensuite venait l'irrémédiable crise d'hystérie qui suivait ses instants de calme.

Son cœur ressemblait à une noix de plus en plus flétrie.

Il reprit conscience de la réalité, et sans plus attendre l'autre, il ouvrit la porte de l'immeuble et monta les escaliers quatre à quatre.

Argana regarda son "sauveur" s'éloigner, intrigué et curieux ... Comme toujours, trop curieux.
Il s'engouffra alors dans la battisse, sans trop de gêne ( un peu quand même ... Non, en fait aucune ... ).
Ezechiël ne tarda pas à constater la présence de ce drôle opportuniste et sans cervelle, se retourna, le dominant de toute sa taille, en plus d'avoir quelques marches d'avance sur le petit pirate amoché.

" On peut savoir qui t'as permis d'entrer ? "

" Bah, t'as laissé la porte ouverte" rétorqua t-il, comme si cela tenait d'une évidence sans nom.
" Et puis j'ai faim, alors je tape l'incruste ... T'as du poulet ? J'adore le poulet et ça fait des lustres que j'en ai pas vu un seul ! "
Il s'arrêta un instant et esquissa un sourire à la fois enjoué et tendre ...
Ce charmant petit mélange, lui donnait l'air d'un simple d'esprit, complètement niais et inconscient.
Oui, inconscient. Il avait vraiment pas l'air de se poser beaucoup de question, agissait sans aucun recul, ne faisait pas attention aux conséquences.
Jouissant de la liberté que Ezechiël venait de lui accorder sans le vouloir, le bonhomme qui n'avait nulle part où aller, ne voyait pas d'inconvénient à suivre un illustre inconnu dont il ne connaissait rien ...

L'esprit d'Ezechiel était plus troublé par l'envie d'apercevoir sa soeur, que par le rythme de vie chaotique d'un rouquin décérébré. Il lui lanca un coup d'oeil agacé.


Se tournant vers la gouvernante d' Esmeralde, il lui signala de s'occuper de l'importun. Et jeta un coup d'oeil dans la chambre de sa soeur. Celle ci dormait paisiblement, ses cheveux ébènes en travers de la couverture, l'air calme et angélique. Il s'attarda dans sa contemplation, rassuré, quelque peu. Enfin il quitta la pièce, se rendant dans ses appartements, et relevant ses cheveux, continua une toile qui se desséchait dans sa chambre.

Une heure et demi après, il se rendit dans le salon, où il eut la surprise de trouver le rouquin encore attablé. Visiblement la gouvernante avait mal compris ses propos...

Argana avait déjà un teint beaucoup moins pâle que l'instant d'avant.
Ses joues avaient reprit sa naturel teinte rosée et il arborait un grand sourire : un de ceux que les bons vivants ont quand ils boivent un peu trop de vin.



L'imbécile leva la main, faisant signe à l'autre jeune homme ... Qui n'avait pas vraiment envie de lui rendre son salut.
Ezechiël tourna ses yeux vers la domestique, lui lança un regard assassin ...
Il fut interrompu par la voix joyeuse d'Argana.

" Super repas ! Je me sens revivre ! Tu savais que j'allais m' écrouler d'une minute à l'autre si je ne m'étais pas rempli la pense ? Sérieux ! "

Il tendit une cuisse de poulet, action tout à fait charitable de la par d'un glouton comme celui-ci.

"T'en veux ? C'est délicieux ! "

Argana était ravie.
Si il savait qu'il allait avoir de gros ennuis ? Oui bien entendu !
Il était quelque peu niais, mais pas stupide ... Il savait qu'il emmerdait son monde, il savait que sa présence n'était que de trop.
Son hôte forcé n'avait pas l'air d'avoir que ça à faire et il l'avait bien remarqué. Mais que lui importait ?
Qui ne tente rien n'a rien.
Qui a froid aux yeux reste aveugle alors ... Autant foncer dans le tas tête baissé.

Ce petit gars était vraiment d'une bizarrerie monstre. Il faisait une connerie et attendait patiemment le bâton. Chien !

*VLAM*
La porte claqua, juste devant sa figure. Il n'eut fallu pas beaucoup de temps pour qu'il se retrouve dehors et c'était compréhensible non ?
Argana se retourna, dos à la porte de la belle demeure, le ventre rempli il eut quand même un regret : Ne pas dormir dans un de ses bons lits chaud que comportait surement la maisonnet. Tant pis.
N'empêche, il avait bien mangé et fut même assez étonné de son exploit. Il bomba le torse, prit des manières, caricaturant les grands de ce monde :

"Cher ami, Chapeau bas. Je doute qu'il puisse y avoir un quelquonque autre fou pour tenter cette aventure. - Mais non voyons, n'exagérons rien ! Ces gens étaient char-mants, de parfaits hôtes, délicatesse et gentille incarné et puis quel rafinement.
! Leur repas était voluptueux, j'aurais tant voulu féliciter le chef aux cuisines... - Et le maître des lieux ? - Et le maître des lieux, après tout je lui doit une fière chandelle ! - Certes et il vous a reconduit lui même à l'extérieur, quel brave homme - A qui le dites vous <3 "

Et ainsi, il s'éloigna de la maisonnet tout en incarnant le rôle de deux personnages de la haute société en train de se faire des courbettes à répétition....



[ voilà perso débloqué /o/ ]